Un article sur Grenoble

Voici un article sur M. Destot, maire de Grenoble. Rien à voir avec la 9e ? Rendez-vous en fin d’article 

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 06 Juin 2012

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Les réussites et les paris manqués de Michel Destot Mais a échoué, une nouvelle fois, à devenir ministre
Le maire se targue d’avoir métamorphosé la ville.
Grenoble Envoyé spécial

Bravo madame la ministre !  » Posant au milieu des enfants et des mères de famille d’une école du quartier populaire de Tesseire, à Grenoble, Geneviève Fioraso rayonne. Elle a renvoyé son officier de sécurité pour conduire elle-même sa voiture le temps de son séjour.

Députée, élue locale de longue date dans cette agglomération ancrée à gauche, elle ne cache pas que sa nomination comme ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur a été plutôt surprenante, même si elle est saluée par toute la classe politique locale.  » J’ai même raccroché la première au nez du premier ministre à la fin de la conversation. Mon assistante était scandalisée « , s’amuse cette ancienne enseignante, passée par le cabinet d’Hubert Dubedout, l’emblématique maire de Grenoble (1965-1983), avant de suivre Michel Destot, l’actuel édile, dont elle fut directrice de cabinet chargée de l’innovation.

En 2007, c’est à la surprise générale qu’elle avait enlevé la 1re circonscription de l’Isère à une droite divisée. Aujourd’hui, elle est de retour dans la ville pour conserver ce siège de député.  » Si je le perds, je ne suis plus ministre « , rappelle-t-elle à un passant. A quelques mètres de là, dans le bâtiment à l’allure soviétique de la mairie de Grenoble, l’ambiance est tout autre. Michel Destot, député de la 3e circonscription et maire, depuis 1995, de cette ville sertie entre trois massifs montagneux, qu’il a reprise à Alain Carignon, le maire, condamné à cinq ans de prison pour corruption et abus de biens sociaux, ne cache pas sa déception.  » C’est dur, c’est vrai, quand le matin vous avez été choisi et que le premier ministre vous rappelle le soir pour vous dire que la parité a fait que finalement, non « , admet l’élu.

Selon ses opposants, M. Destot paye ses  » mauvais choix  » de la primaire : soutien actif de Dominique Strauss-Kahn, il a ensuite rallié Martine Aubry. Et s’il a rencontré des chefs d’entreprise pour le compte de François Hollande et hérité de la codirection du conseil des élus durant la campagne, il n’a pas pu obtenir le poste qu’il briguait.

Pour la seconde fois, après 1997, M. Destot rate au dernier moment le coche du gouvernement. L’élu se console en évoquant, au travers de la nomination de Mme Fioraso, la  » reconnaissance du travail accompli sur la ville depuis vingt ans « .

Michel Destot ou Geneviève Fioraso, leurs parcours sont proches et ressemblent à Grenoble. A la fin des années 1980, le premier, ingénieur nucléaire de formation, avait embauché la seconde, dans sa start-up, Corys. Ils partagent ce même tropisme grenoblois pour les nouvelles technologies et les entreprises innovantes.  » L’histoire de la technopole grenobloise commence dès le XIXe siècle avec l’hydroélectricité et les écoles d’ingénieurs « , raconte Gilles Novarina, directeur de l’institut d’urbanisme de la ville,  » elle continue avec Louis Néel et les centrales nucléaires « . Le Prix Nobel de physique et père du nucléaire français choisit Grenoble, et conserve le même schéma de partenariats entre recherche et industrie avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA-LETI) et son accélérateur de particules, installés au nord-est de la ville. Les besoins de ce pôle conduiront ensuite au développement de l’informatique, toujours dans l’agglomération, mais à l’ouest, vers la riche commune de Meylan. Plus récemment, le secteur de l’informatique a eu besoin de la microélectronique, développée au travers du projet de Minatec et de Giant, deux pôles installés au nord-est, dans la zone du CEA.

Si elle ne représente  » qu’un tiers des emplois et 25 % des revenus de l’agglomération « ,  » la « Silicon Valley » grenobloise existe bel et bien « , assure M. Novarina, avec  » un milieu scientifique fort et puissant, qui produit un vrai discours, des clubs, des réseaux « . Et des élus, comme M. Destot, ou Mme Fioraso, dont le concubin, Stéphane Siebert, adjoint municipal, est aussi directeur adjoint du CEA Grenoble.

 » Destot, Fioraso, Siebert, c’est le CEA dans la mairie, Fioraso à l’enseignement supérieur, c’est le CEA au ministère « , s’agace l’écologiste Raymond Avrillier. Sa formation, l’Association démocratie écologie solidarité (ADES), a aidé M. Destot à remporter la mairie, en 1995. Mais elle a rapidement pris le chemin de l’opposition aux projets du maire.

En trois mandats, Michel Destot n’aura pas failli à la tradition grenobloise de maires bâtisseurs : côté high-tech, Minatec et Giant, mélanges de laboratoires de recherche, de campus et de pépinière d’entreprises innovantes centrées sur la microélectronique et les nanotechnologies. Côté urbanisme, trois nouvelles lignes de tramway dans l’agglomération ; plusieurs revalorisations de quartiers, ou encore un stade, construit dans le seul parc de la ville, l’un des facteurs de rupture avec les écologistes.  » Je suis fier de mon bilan, et les Grenoblois aussi, la ville s’est métamorphosée « , assure l’édile, qui évoque aussi ses efforts pour réduire la fracture entre sud, plus pauvre, et nord où se concentrent entreprises et hauts revenus.

Mais à beaucoup tenter, Michel Destot a aussi connu l’échec. La candidature de Grenoble aux Jeux olympiques, balayée au profit d’Annecy ; le stade conçu pour une équipe de football qui a disparu de l’élite ; la rupture avec les écologistes, qui l’a conduit à s’allier au MoDem, et à prendre dans sa majorité d’anciens alliés d’Alain Carignon ; des oppositions multiples d’une partie de la population, notamment contre un projet de rocade nord, porté par le conseil général mais soutenu par lui ; ou encore l’échec de sa candidature à la tête de la communauté d’agglomération de la ville, la Métro.  » Il a eu une période de scoumoune « , reconnaît un député socialiste de l’agglomération.  » Il est certain que lorsqu’on ne fait rien, on ne risque rien « , se défend M. Destot, qui cite un sondage révélant que 75 % des Grenoblois le jugent comme un très bon maire.

Les opposants à M. Destot ne disent pas la même chose.  » Séisme « ,  » coup de massue  » ou  » psychodrame « , tous évoquent un revers de taille pour l’édile, qui a  » nourri le serpent en son sein « . Tous vantent également la compétence de Mme Fioraso. Si cette dernière doit l’essentiel de sa carrière au maire de Grenoble, qui la fit passer de son entreprise au cabinet de sa mairie, puis l’aida à obtenir l’investiture sur la 1re circonscription, elle assure que rien ne lui a été offert.  » En 2007, on m’avait dit : « Si tu gagnes les législatives, ce sera un miracle » « , corrige cette fille de normaliens, qui rappelle qu’elle travaille  » depuis vingt ans sur les questions d’innovation « .

L’affaire n’est pas sans conséquences sur les municipales de 2014. Jugé quelque peu  » absent  » de la scène locale ces derniers temps, M. Destot avait déjà préparé sa succession, après trois mandats à la tête de la ville. Et s’il se refuse à en parler, alliés, opposants ou observateurs évoquent le même arrangement. A Jérôme Safar, son premier adjoint, la mairie en 2014, et à son suppléant et ancien collaborateur, Olivier Noblecourt, la législature. Ce dernier devra passer son tour, pour l’instant du moins : M. Destot fera campagne pour un sixième mandat dans cette circonscription, qui a voté Hollande à plus de 64 %. Quant à la mairie, elle aiguise les ambitions. La droite rêve de la reconquérir à la faveur d’un désaveu national envers le PS, tandis que les écologistes voient en Grenoble une terre de conquête possible, et rêvent d’une alliance avec le Front de gauche.

M. le maire ne cache pas qu’il espère une mission ou une nomination au niveau national pour  » sortir par le haut  » de sa ville. Et rejette toute comparaison avec Hubert Dubedout. Ce dernier, après dix-huit ans à faire de sa ville l’un des laboratoires de la gauche, rata la marche gouvernementale. Seul maire d’une grande ville socialiste à ne pas être au gouvernement de Pierre Mauroy en 1981, la figure presque fondatrice de Grenoble dut se contenter, en 1983, de la direction de l’Association technique de l’importation charbonnière, en guise de lot de consolation.

Samuel Laurent

    André Vallini, victime des affaires locales

    C’est un autre déçu du gouvernement. Le sénateur de l’Isère et président du conseil général, André Vallini, faisait figure, durant la campagne, de ministre de la justice en devenir. Il n’a finalement rien obtenu. En cause : une accusation de harcèlement moral de la part d’une ancienne collaboratrice, qui s’estimait  » mise au rencart  » au profit d’une autre assistante, ancienne Miss Isère. L’histoire s’est conclue par une conciliation. Mais M. Vallini est aussi visé par une plainte pour  » concussion « , un conseiller général UMP l’accusant d’avoir utilisé les ressources du conseil pour ses mandats nationaux. S’il n’est pas exclu que M. Vallini finisse par obtenir un poste au cours du quinquennat, sa circonscription, la 9e de l’Isère, est convoitée par l’UMP. Investi au Sénat en septembre 2011, il avait laissé son siège de député, arraché à la droite. L’investiture a été offerte à une candidate écologiste, Michèle Bonneton, mal connue localement.


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