Economie : les problèmes de la France dans le contexte international

Quand on travaille moins que les autres, il n’est pas étonnant que l’on réussisse moins. C’est en substance ce que dit cet article du journal ‘Le Monde’ très complet en la matière. Il compare les résultats de l’Allemagne et de la France en matière de commerce extérieur : les chiffres sont sans appel.

La comparaison laisse place à l’analyse, et, là aussi, des voies concordantes et indépendantes disent que les 35h ne sont pas étrangères au marasme constaté.

A méditer.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 09 Juin 2012

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Comment la France s’efface peu à peu des écrans radar du commerce mondial
En avril, le déficit commercial s’est élevé à 5,8 milliards d’euros, l’excédent allemand à 14,4 milliards

Nouvelle démonstration de la supériorité de l’économie allemande pour les uns, illustration de la perte de compétitivité de la France pour les autres. Quel que soit l’angle de vue, la publication simultanée, vendredi 8 juin, d’un déficit commercial français de 5,8 milliards d’euros pour le mois d’avril, de 200 millions plus important qu’en mars, face à un excédent allemand de 14,4 milliards (chiffres bruts) – bien qu’en léger recul – est un mauvais point pour l’économie française.

Année après année, l’Allemagne creuse l’écart avec une France en déclin qui semble incapable de défendre sa place dans le commerce mondial. Entre 1999 et 2012, la part de marché du pays dans les échanges internationaux a chuté de moitié, passant de 6,5 % à 3,5 %, quand Berlin limitait les dégâts, indique Patrick Artus, chef économiste chez Natixis et professeur à l’Ecole polytechnique.  » Seule la Grèce a fait pire que nous ! Combien de temps cela peut-il durer ? « 

Depuis dix ans, la balance commerciale du pays est dans le rouge. Chaque année davantage : 231 millions en 2003, 24 milliards en 2005 et plus de 70 milliards en 2011. Si l’aéronautique, le luxe, la pharmacie et les cosmétiques parviennent à résister, la détérioration des autres secteurs a des allures de  » bain de sang « , estime M. Artus.

Les raisons de cette dégringolade sont multiples. Et il faut rappeler que la facture énergétique (pétrole brut et raffiné, gaz…) est responsable d’une grosse partie du déficit commercial de 2011. Mais, quand Berlin parvient à compenser ce désavantage, Paris ne fait que l’aggraver.

Que s’est-il passé ? Au début des années 2000, les pays émergents, notamment la Chine, ont pris part au commerce mondial. En 1998, les exportations de la République populaire ne représentaient que 1,5 % du total. Aujourd’hui c’est 13 %, selon Natixis.

Toutes les puissances occidentales ont souffert de cette concurrence agressive proposant des produits à des prix imbattables. La France, tout juste entrée dans la zone euro, n’a pas pu, ou pas su, réagir. Dorénavant interdite de dévaluer sa monnaie comme au bon vieux temps, elle a, de surcroît, fait les frais de l’appréciation de la monnaie unique. L’euro, qui s’échangeait à 0,82 dollar en octobre 2000, n’a cessé de prendre de la valeur jusqu’à atteindre le pic de 1,60 en avril 2008. Un désastre pour les exportateurs.

Mais l’appréciation de la monnaie unique n’a été que le révélateur, voire l’accélérateur, des faiblesses de la production française.

Le pays est entré dans l’euro en mettant en place les 35 heures et en laissant déraper le coût du travail, juge Michel Didier, économiste chez Coe-Rexecode. A la même période, l’Allemagne, elle, optait pour la modération salariale, mettant en place des réformes nécessaires pour redresser l’économie affaiblie par la réunification.

Entre 1999 et 2007, le coût du travail a progressé de 2,3 % en France, quand il a reculé de 10,8 % en Allemagne, souligne aussi Gilles Moec, chez Deutsche Bank. Résultat, les entreprises allemandes ont pu restaurer leurs profits et investir pour moderniser leur production. L’industrie a ainsi confirmé son positionnement dans la catégorie  » haut de gamme « .

Perte de compétitivité

A rebours de la situation des entreprises françaises, dont le niveau de marges a été divisé par deux sur la décennie, affirme M. Artus. Mais, à ses yeux, le responsable n’est pas tant le coût du travail que l’incapacité des sociétés à imposer leurs prix et à protéger ainsi leurs profits.

Leur spécialisation historique dans des produits de  » moyenne gamme  » les rend sensibles aux variations de prix, dit-il : lorsque l’euro progresse de 10 %, les ventes reculent de 9 %. en Allemagne, elles progressent de 2 %.

Quand un exportateur français se bat contre un allemand – ce qui arrive huit fois sur dix, a calculé Lionel Fontagné, professeur d’économie à l’Université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne -, il perd souvent la bataille. La qualité des produits allemands, le service après-vente… font la différence face à un produit français jugé interchangeable.

Ainsi, l’Hexagone est peu présent dans les pays émergents, pourtant eldorado des exportateurs. L’Allemagne oui. La part de nos exportations vers la Chine est de 3,2 %, contre le double (6,1 %) pour Berlin.

Pour Michel Didier, la détérioration de notre commerce extérieur témoigne donc essentiellement de la perte de compétitivité de la France par rapport à notre voisin.

Les parts de marché que le pays a perdues, c’est Berlin qui les a gagnées, dit-il, en particulier en Europe :  » En dix ans, les exportations de la France ont reculé d’environ 100 milliards d’euros, ce qui correspond à peu de chose près au montant des exportations que l’Allemagne a gagnées sur la période. « 

Ce bilan, très sévère, mérite toutefois d’être nuancé. L’Allemagne exporte en utilisant des produits fabriqués en grande partie chez ses partenaires d’Europe de l’Est. On cite ainsi souvent le cas de la Porsche Cayenne, dont 85 % des pièces sont produites en Slovaquie avant d’être assemblées à Liepzig pour y coller l’écusson Porsche. Dit autrement, un excédent peut masquer une production délocalisée.

Et  » la France est compétitive… à l’étranger « , plaisante M. Fontagné. Plutôt que d’exporter, les entreprises françaises ont bien souvent fait le choix de produire dans les pays auxquels elles destinent leur production. La Logan de Renault, faite en Roumanie, est un exemple parmi d’autres, même si aujourd’hui la voiture low cost du groupe au losange se vend partout dans le monde.

Mais l’ampleur du déficit commercial de la France n’en reste pas moins préoccupante. Car compenser ce déséquilibre oblige le pays à s’endetter auprès d’étrangers. Pour le moment, la France n’a aucun problème à le faire,  » mais, un jour, les gens finiront par se poser des questions sur la solvabilité du pays « , redoute M. Artus.

Claire Gatinois

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