Les terres rares : entre défenseur et destructeur de l’environnement

Ces terres rares posent des questions : d’un côté elles détruisent l’environnement par leur exploitation, d’un autre côté, elles permettent de préserver le réchauffement global car elles rentrent dans la composition des éoliennes.

Quoiqu’il en soit, il faut que leur exploitation soit maîtrisée et ne soit plus générateur de tels dégats sur la nature. La Chine, en ce sens, est très loin de cet objectif.

Un article du journal ‘Le Monde’ du 20 Juillet 2012

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REPORTAGE
En Chine, les terres rares tuent des villages

Le plus grand site de production de ces minéraux stratégiques provoque un désastre environnemental et sanitaire

Vu du ciel, on dirait un grand lac, alimenté par de nombreux affluents. Sur place, on découvre une étendue opaque, où ne vit aucun poisson, où aucune algue n’affleure à la surface. Ses bords sont recouverts d’une croûte noirâtre, si épaisse que l’on peut marcher dessus. Il s’agit en fait d’un immense déversoir de 10 km2, dans lequel les usines environnantes rejettent des eaux chargées de produits chimiques qui ont servi au traitement de 17 minéraux recherchés sur toute la planète : les  » terres rares « .

La ville de Baotou, en Mongolie- Intérieure, est le plus grand site chinois de production de ces matériaux stratégiques, indispensables à toute l’industrie high-tech, des smartphones aux GPS, mais aussi aux énergies vertes, éoliennes et surtout aux voitures électriques. Ils sont extraits du gisement minier de Bayan Obo, situé 120 km plus au nord, d’où ils sont acheminés ici pour être traités. La concentration des terres rares dans la roche est en effet très faible, et il faut les séparer et les purifier, par des procédés hydrométallurgiques et des bains d’acides. La Chine réalise 97 % de la production mondiale, dont 70 % sont traitées à Baotou.

Dans les eaux troubles du bassin d’effluents, on trouve donc toutes sortes de substances chimiques toxiques, mais aussi des éléments radioactifs, comme du thorium, dont l’ingestion provoque des cancers du pancréas, du poumon et du sang.

 » Avant l’arrivée des usines, il n’y avait que des champs ici, à perte de vue ! A la place de ces boues radioactives, on pouvait voir des pastèques, des aubergines, des tomates… « , soupire Li Guirong. C’est en 1958 – dix ans après sa naissance, se souvient-il – que l’entreprise d’Etat Baogang, numéro un sur ce marché, a commencé à produire des terres rares. Le lac est alors apparu.  » Au début, nous ne nous sommes pas aperçus de la pollution engendrée. Comment aurions-nous pu savoir ? « , raconte le vieux paysan au visage creusé de rides. Secrétaire général de la section locale du Parti communiste, il est l’une des rares personnes à oser parler.

Vers la fin des années 1980, relate-t-il, les habitants des villages environnants ont observé d’étranges anomalies sur leurs cultures :  » Les plantes poussaient mal. Elles donnaient bien des fleurs, mais parfois sans fruit, ou alors petits et sentant mauvais.  » Dix ans plus tard, il a fallu se rendre à l’évidence : les légumes ne poussaient plus.

Dans le village de Xinguang Sancun, comme dans tous ceux avoisinant les usines de Baotou, les paysans abandonnent alors certains champs, ne plantent plus, partout ailleurs, que du blé et du maïs. Une étude du bureau municipal de protection de l’environnement leur révèle, finalement, que les terres rares sont la source de leurs maux. Les terres rares, mais aussi les dizaines d’usines nouvelles qui ont poussé autour des installations de traitement, qu’elles fournissent en produits divers, ainsi qu’une centrale électrique au charbon alimentant le nouveau tissu industriel de Baotou, autoproclamée  » capitale mondiale des terres rares « . En plus des vapeurs de solvants, notamment d’acide sulfurique, les villageois respirent les poussières de charbon que l’on peut voir voler entre les maisons.

Depuis quelques années, la pollution ambiante s’est encore accrue, les sols et les nappes phréatiques étant saturés de produits toxiques. Il y a cinq ans, Li a dû se séparer de ses cochons malades, derniers survivants d’un petit cheptel de vaches, de chevaux, de poulets et de chèvres, décimés par ces poisons.

Les paysans ont fui. Aujourd’hui, à Xinguang Sancun, la plupart des petites maisons de briques brunes, agglutinées les unes aux autres, tombent en ruine. En une dizaine d’années, le village est passé de 2 000 à 300 habitants.

Lu Yongqing, 56 ans, fait partie des premiers à s’être exilés.  » Je n’arrivais plus à nourrir ma famille « , raconte-t-il. Il a tenté sa chance à Baotou, comme maçon, puis transporteur de briques dans une usine, avant de se lancer dans un commerce de légumes sur les marchés, complété par de petits travaux.  » Je n’ai jamais eu de contrat fixe « , dit-il. Maintenus dans le statut de paysans figurant sur leur livret de famille, les réfugiés de Xinguang Sancun sont devenus des citoyens de seconde zone, corvéables à merci.

Ceux qui sont restés au village, plusieurs fois morcelé et redessiné au gré des installations d’usines et de la redistribution agraire, ont l’habitude de se retrouver près de la salle de mah-jong.  » J’ai mal aux jambes comme beaucoup de gens dans le village. Il y a aussi beaucoup de diabète, d’ostéoporose, de problèmes pulmonaires. Aucune famille n’est épargnée par les maladies « , affirme He Guixiang, campée au milieu du rassemblement.

Cette sexagénaire connaît bien les multiples conséquences de la pollution, pour avoir fait partie des représentants de Xinguang Sancun qui ont osé porter les réclamations des habitants auprès du gouvernement local.  » Voilà près de vingt ans que je tape à la porte des autorités, dit-elle. Au début, j’y allais tous les jours, sauf le dimanche ! « 

A force de se battre, les villageois ont fini par obtenir des promesses de compensations financières… qui n’ont été que partiellement tenues. Ainsi des nouveaux logements qu’on leur avait fait miroiter. A quelques kilomètres à l’ouest de Xinguang Sancun, se dressent des tours bien ordonnées. Elles ont été construites avec une indemnisation versée par la société Baogang au gouvernement local. Mais les bâtiments sont déserts. En cinq ans, sur les 5 000 occupants prévus – ils devaient venir des cinq villages proches du déversoir -, aucun n’a emménagé. Car le gouvernement leur demande d’acheter un droit de concession sur leur logement, qu’ils ne pourront léguer à leurs enfants.

Le vieux Li Guirong, He Guixiang et tous ceux qui n’ont pu partir n’ont, pour survivre, que les quelques indemnités que leur a accordées l’entreprise et une maigre pension. Certains ont tenté de vendre les déchets du lac, encore très riches en terres rares, aux usines de traitement. Ils gagnaient ainsi 2 000 yuans (un peu plus de 250 euros) la tonne. Mais depuis quelques mois, l’Etat les prive de cette ultime ressource. L’un de ces revendeurs est en procès et risque plus de dix ans de prison.

Cécile Bontron

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Et si on en faisait un sujet de référendum

Pour moi, on n’utilise pas assez, dans notre pays, l’arme du référendum. Faire et constituer des missions, c’est bien. Donner la parole aux spécialistes, aux familles des malades, aux familles qui ont eu à réfléchir à l’euthanasie, c’est bien, mais le choix final doit en revenir aux Français.

Je considère que ce débat est suffisamment important pour que l’ensemble de la population soit consultée en la matière.

Pour ceci, le référendum est une bonne chose. Pourquoi toujours utiliser le référendum pour des questions politiques, c’est à dire futiles par rapport à ces sujets de société de vaste envergure ?

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 19 Juillet 2012

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ENTRETIEN
 » La question de la fin de vie n’appartient pas aux médecins « 

Le professeur Didier Sicard, nommé à la tête d’une mission de réflexion sur la fin de vie, plaide  » pour que le débat soit plus sociétal que médical « 

Le candidat Hollande, pendant la campagne présidentielle, avait inclus dans ses 60 engagements  » l’assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité  » dans certaines conditions. Mardi 17 juillet, le président s’est montré moins affirmatif, mais a bel et bien relancé le débat sur la fin de vie, à l’issue d’une visite du centre de soins palliatifs Notre-Dame du lac, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).

Sans prononcer le mot euthanasie et tout en estimant nécessaire de développer davantage les soins palliatifs, M. Hollande s’est interrogé :  » Peut-on aller plus loin – que la loi actuelle – dans les cas exceptionnels où l’abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager les patients aux prises avec une douleur irréversible et qui appelle un acte médical assumé au terme d’une décision partagée et réfléchie ?  »  » Poser cette question, c’est ouvrir une perspective qui elle-même entraîne un débat « , a-t-il poursuivi, estimant que celui-ci  » mérite d’être engagé et doit se faire dans l’apaisement « .

Pour mener la concertation, il a nommé le professeur Didier Sicard à la tête d’une mission sur la fin de vie, qui devra rendre ses conclusions en décembre. Si elle juge nécessaire une évolution de la loi actuelle, le comité consultatif national d’éthique (CCNE) sera saisi. En 2000, alors qu’il présidait le CCNE, Didier Sicard avait prôné  » une exception d’euthanasie  » dans certaines conditions – c’était avant la loi Leonetti. Depuis 2008, il en est président d’honneur. Il explique vouloir donner la parole  » aux citoyens « .

Votre mission paraît bien délicate tant le débat sur la fin de vie est passionné. Pourquoi l’avoir acceptée ?

Cette proposition a été une surprise pour moi. Mais j’aime les missions difficiles, et celle-ci est une mission presque impossible parce qu’elle est au coeur d’un affrontement de cultures qui, sous des apparences feutrées, est d’une extrême violence.

Notre culture se situe entre celle des pays du Nord et celle des pays du Sud, mais nous avons fini en France par prôner des réponses radicales d’un côté et de l’autre, qui consistent soit à vouloir donner la mort à la demande de la personne, soit à vouloir maintenir la vie à tout prix. Bien sûr, les expériences en Belgique, aux Pays-Bas ou en Suisse – qui autorisent l’euthanasie ou le suicide assisté – sont intéressantes et il faudra aller y voir de plus près, mais il ne faut pas omettre le fait que la culture française est différente.

Quel sera votre objectif ?

Si le président m’a proposé cette mission, c’est parce que je ne viens pas avec un armement idéologique, religieux ou médical et que je m’interroge, comme l’ensemble des Français. Je voudrais arriver à ce que la réflexion augmente, plutôt qu’elle reste réduite à un raisonnement binaire.

Il est souvent reproché aux médecins d’avoir confisqué le débat. Qu’en pensez-vous ?

Je suis médecin, mais je plaide pour que le débat soit plus sociétal que médical. Il faut aller à la rencontre de ceux qui ne parlent jamais, et non reconstituer un puzzle avec ceux que l’on connaît déjà. Je vais chercher à tout prix à me tourner vers les citoyens. Je veux comprendre ce que les cadres, les ouvriers, les paysans pensent. Cela permettra aussi de parler de façon plus large, et d’éviter une discussion figée par les positions pro ou anti-euthanasie. Il faut aller chercher les naïvetés sur la question, plus que les jugements abrupts.

Les médecins sont dans une situation paradoxale. Ils sont exécutants du soin, mais leur travail comporte aussi une dimension humaine. Dans l’ensemble, ils sont plutôt hostiles à donner la mort parce que ce geste est à l’opposé de leur culture, mais je crois que la question de la fin de vie ne leur appartient pas. D’ailleurs, s’ils n’avaient pas monopolisé la réflexion, les débats seraient peut-être de meilleure qualité.

Quelle est votre position sur cette question de la fin de vie ?

Je n’en ai pas de définitive, et mon avis n’a pas d’importance. Je me méfie, en outre, de mes propres convictions. Celles-ci ont d’ailleurs changé. Au XXe siècle, je pensais inacceptable de vouloir faire un geste pour donner la mort. Quand j’ai présidé le comité d’éthique après des discussions avec des interlocuteurs comme le sénateur Henri Caillavet – ancien président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité – , j’ai compris qu’un jugement dogmatique à l’emporte-pièce finit par protéger les consciences plus que les personnes. Et depuis dix ans, je suis de plus en plus dubitatif sur la possibilité radicale de transgresser l’interdiction de donner la mort. Cependant, certains jours, je trouve inacceptable que quelqu’un disant souhaiter en finir n’obtienne pas de réponse.

Que pensez-vous de la loi Leonetti sur la fin de vie ?

Là aussi, ma position a évolué. Je trouve que c’est une grande loi. Doit-elle être adaptée, je n’en suis pas sûr, et ce n’est pas à moi de le dire… Il y aura peut-être nécessité de modifier un ou deux articles, mais pour cela, il faut d’abord recueillir l’avis des Français.

Comment allez-vous tenter de débloquer ce débat sur l’aide active à mourir ?

Mon intention est de l’élargir aux conditions aussi bien médicales, familiales que culturelles de la fin de vie en France. Il faut travailler sur ce qui fait qu’à un moment une décision peut être ou doit être prise. Nous devons faire en sorte que la société, solidaire, prenne en compte ce moment. Que ce soit, comme le font les soins palliatifs, un moment de sérénité et non un moment d’abandon. Il n’est pas impossible qu’alors, dans une situation individuelle totalement insupportable et face à une demande, il puisse être apporté une facilité à mourir.

Propos recueillis par Laetitia Clavreul

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Quand la France préfère ses pêcheurs à l’environnement

Il est inacceptable que la France préfère écouter ses pêcheurs que préserver l’environnement. Car ‘écouter’ ne veut pas dire ‘protéger’. Ainsi, sous un principe fallacieux de vouloir préserver l’emploi, on ne le préserve qu’à court terme, car utiliser la pêche en eau profonde détruit l’environnement, in fine, l’emploi que l’on croyait préserver.

Il faut donc, enfin, que nos politiques deviennent intelligents, cohérents et intègres en expliquant aux pêcheurs que la pêche en eau profonde ne préserve pas l’emploi mais le détruit à terme.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 19 Juillet 2012

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La France s’oppose à l’interdiction de la pêche en eaux profondes

La commissaire européenne de la pêche veut bannir cette pratique destructrice dès 2014

La France a manifesté officiellement son opposition à l’interdiction du chalutage en eaux profondes, poussé par la commissaire européenne aux affaires maritimes et à la pêche, Maria Damanaki. Dans un communiqué publié mardi 17 juillet, à l’issue du conseil européen des ministres de la pêche tenu la veille, le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, Frédéric Cuvillier, l’a dit sans ambages. Il a précisé avoir rencontré la commissaire afin  » d’insister une nouvelle fois sur l’importance de la pêche profonde pour l’économie de plusieurs ports et armements français « .

 » Une éventuelle interdiction de certains engins de pêche, sans discernement, aurait de très lourdes conséquences socio-économiques et ne serait pas acceptable, au regard des efforts déployés par les pêcheurs pour une gestion durable de ces ressources, ajoute le texte. Les mesures de gestion d’une pêche profonde durable doivent permettre de préserver l’emploi sur le littoral, tout en renforçant la protection des écosystèmes marins vulnérables. « 

Mme Damanaki avait préparé un projet de règlement visant à interdire progressivement, d’ici à 2014, cette forme de pêche, suivant ainsi les recommandations de la communauté scientifique et les revendications des associations de protection de l’environnement. Le texte devait être présenté au Conseil européen mais le commissaire au marché intérieur et aux services, Michel Barnier, par ailleurs ancien ministre français de l’agriculture et de la pêche, a demandé un  » délai supplémentaire « , bloquant de facto le projet.

Prises non-intentionnelles

La pêche profonde a pour caractéristique d’utiliser de vastes chaluts qui raclent le plancher océanique, jusqu’à 1 500 mètres de profondeur, détruisant les fonds marins et les écosystèmes qu’ils abritent. Selon l’argumentaire présenté par Mme Damanaki, cette pêche implique en outre un taux élevé – de 20 % à 40 % en poids – de prises non intentionnelles. Avec, dans ces captures accidentelles, des espèces fragiles ou menacées. Les associations de défense de l’environnement mettent non seulement en avant le caractère non durable de cette forme de pêche mais dénoncent également les importantes subventions publiques perçues par ce secteur d’activité, sans lesquelles sa rentabilité ne serait pas garantie.

Pratiquée principalement par trois pays en Europe (Espagne, France et Portugal), cette pêche industrielle est dominée dans l’Hexagone par trois armements : Scapêche (filiale d’Intermarché), Euronor et Dhellemmes.

Stéphane Foucart

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Ce beau pays démocratique qu’est la Russie

Ah, que la Russie est un beau pays ! Berceau de la démocratie, de la liberté de parole et d’expression !

J’aimerais pouvoir y vivre pour y goûter cette liberté qui serait la mienne… mais je préfère encore rester en France pour un temps 😉

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 19 Juillet 2012

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En Russie, le pouvoir veut tout contrôler, même le volontariat

Krymsk, ville russe ravagée par une crue sans merci le 7 juillet, a connu une petite joie dans son grand malheur. Ses habitants, pris de court par la montée des eaux après des pluies torrentielles qui ont provoqué la mort de 171 personnes, ont vu affluer un nombre extraordinaire de volontaires de toute la Russie, notamment de Moscou. Plus d’une personne sur deux a tout perdu à Krymsk, soit 35 000 individus à secourir. Il faut donc déblayer, dégager, nettoyer, convoyer.

Un élan de solidarité s’est organisé, comme au moment des incendies de forêt dans la région moscovite, en 2010. Des camions ont acheminé de la nourriture et des vêtements de la capitale vers le bord de la mer Noire. Plus de 2 500 Russes, surtout des jeunes citadins, informés et mobilisés par les réseaux sociaux, sont arrivés sur place à la grande surprise des services de secours traditionnels. Mais au lieu de saluer cet élan civique, les autorités russes ont réagi comme elles le font face à tout phénomène populaire non maîtrisé : en décidant d’encadrer par la loi le volontariat.

Soutenu par le parti du pouvoir, Russie unie, le conseil des  » avocats russes pour la société civile  » a préparé un projet de loi qui impose un lien entre les volontaires et des organisations les pilotant. En somme, elle bureaucratise le volontariat en créant des obligations mutuelles. Les volontaires sont censés s’enregistrer auprès des autorités locales et des organisations.

Pour le pouvoir, échaudé par les manifestations de l’opposition depuis décembre 2011, tout mouvement civique doit être encadré, maîtrisé. L’organisation horizontale, de type Internet, est l’ennemie. Les critiques et les protestations des responsables associatifs n’y changent rien.

 » L’Etat devrait apprendre d’eux, suggère le quotidien économique Vedomosti, dans un éditorial du 16 juillet. Il semble toutefois que les esprits pervers des officiels considèrent les volontaires comme des concurrents. Plus même, comme de dangereux concurrents. L’inefficacité et la faiblesse des structures étatiques deviennent trop évidentes en arrière-fond de l’activité des citoyens. « 

 » Agents étrangers « 

Depuis le retour de Vladimir Poutine à la présidence, le pouvoir ne fait plus semblant de discuter, de tolérer les voix contestataires. Méthodiquement, il serre une à une les vis de la nouvelle cage sociale. Les amendes pour participation à une manifestation non autorisée ont déjà été lourdement aggravées.

Lundi 16 juillet, le quotidien Izvestia citait deux députés de Russie unie, selon lesquels la législation sur les médias pourrait être modifiée dès la rentrée. Les médias bénéficiant de financements étrangers seraient dorénavant classés en tant qu' » agents étrangers « .

Mardi, un haut dirigeant de Russie unie a nié tout projet en ce sens. Pourtant, cette même qualification d' » agent étranger  » vient d’être retenue pour les organisations non gouvernementales recevant des fonds de l’extérieur du territoire et s’occupant d' » activisme politique « , sans plus de précisions. Ces ONG devront obtenir un enregistrement spécial auprès du ministère de la justice.

La Douma a aussi voté en deuxième, puis en troisième lecture, dans la même journée, le 13 juillet, un texte criminalisant la diffamation. Le politologue Stanislav Belkovski a expliqué cette initiative à la radio Echo Moskvy en ces termes :  » Vladimir Poutine est irrité d’être traité par les élites de façon injuste, alors qu’il a été un bon dirigeant et qu’il les laisse vivre.  » Il ne reste plus qu’un champ hostile au pouvoir, et pas encore policé : Internet. Pour combien de temps ?

Piotr Smolar

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La contravention comme arme anti-canabis

C’est un très bon article qui est proposé dans le journal ‘Le Monde’ daté du 20 Juillet 2012. Il montre que l’on peut se battre contre le canabis par une entente police-douanes.

De plus, pour enrayer l’économie parallèle qui gangrène les cités, il peut être judicieux d’appuyer là, où ça fait, mal, c’est à dire, au porte-monnaie.

Je pense que 68 Euros de base pour l’amende, ce n’est pas assez dissuasif. Il faudrait que cette amende soit, de base, située aux alentours des 500 Euros afin d’être totalement efficace.

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Cannabis : police et justice expérimentent la contravention
L’idée de sanctionner la consommation d’une simple amende fait son chemin

Concernant l’usage de stupéfiants et, singulièrement, de cannabis, il y a le débat politique. C’est la polémique qui a suivi le rappel par Cécile Duflot, entre les deux tours des législatives, de la position des écologistes en faveur de la dépénalisation. C’est aujourd’hui, la  » Charte pour une autre politique des drogues « , lancée par la sénatrice communiste Laurence Cohen et plusieurs centaines de spécialistes des addictions. Et puis il y a la réalité policière et judiciaire – la  » pire des situations « , selon un commissaire :  » Officiellement, l’usage n’est pas dépénalisé, mais sur le fond, il l’est. « 

L’idée de punir d’une contravention la consommation fait son chemin chez les policiers, toujours farouchement opposés à la dépénalisation. Place Beauvau, l’entourage de Manuel Valls affiche sa  » fermeté sur la question des interdits « , mais n’est pas  » fermé au débat « . Une proposition de loi a été adoptée par le Sénat, le 7 décembre 2011, pour sanctionner d’une simple amende le  » premier usage illicite  » de stupéfiants. Elle est entre les mains de l’Assemblée nationale.

Actuellement, la consommation de stupéfiants est punie d’un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Plus de 184 000 personnes ont été mises en cause par les policiers et les gendarmes pour usage de stupéfiants en 2011. Mais mis en cause ne veut pas dire condamné, loin de là.  » Ça nous bouffe du temps, alors que la réponse pénale est incertaine « , se désole un responsable départemental de la sécurité publique. A Créteil par exemple, sur 3 600 nouvelles affaires d’usage en 2011, 1 770 se sont traduites par un rappel à la loi, 740 par une injonction thérapeutique et 120 par une orientation sanitaire. Au final, seuls 40 mis en cause ont fait l’objet d’une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel.  » C’est résiduel et marginal « , reconnaît Nathalie Beccache, procureur à Créteil. Dans les Hauts-de-Seine, sur 3 975 procédures en 2011, seules 516 ont abouti à des poursuites pénales.

Les magistrats et les policiers mettent en fait déjà en place, peu ou prou, ce qui s’apparente à une  » contraventionnalisation « , par le biais de la procédure d’ordonnance pénale.  » Quand il n’y a pas de réponse pénale adaptée plus sophistiquée, on en vient à la sanction pécuniaire « , explique Mme Beccache. A Créteil, sur 900 personnes poursuivies en 2011, la plupart ont bénéficié d’une ordonnance pénale, qui se solde en général à une amende.

Dans les Hauts-de-Seine, en 2008, le parquet, la police et les douanes ont mis en place une méthode originale, encore plus efficace : la transaction douanière. L’article 343 bis du code des douanes permet à l’autorité judiciaire d’alerter les services des douanes d’une infraction au dit code. Or les douaniers ont des pouvoirs que les policiers n’ont pas… Notamment celui de réclamer un recouvrement immédiat.

L’expérience a été rendue possible par la création des groupes d’interventions régionaux (GIR), qui incluent un douanier. Le modus operandi est simple. Après son interpellation, le détenteur de cannabis est présenté à l’officier de police judiciaire. Celui-ci, en accord avec le parquet, appelle le douanier du GIR, qui vient avec son carnet à souches d' » arrangements transactionnels  » établir l’amende pour transport de marchandises prohibées.

Et là, il faut payer tout de suite. Comme le dit malicieusement un policier,  » pas le choix, il faut aller au distributeur de billets le plus proche « .  » Il y a un aspect immédiat, qui frappe les esprits « , juge Erwan Guilmin, directeur régional des douanes pour la zone Paris-Ouest.  » Quand on commence à cibler une cité, ça se sait dans le quartier, les flics passent moins pour des cons « , ajoute un haut responsable policier parisien, qui regrette que la méthode n’ait pas eu  » le même succès  » partout, notamment dans la zone des douanes Paris-Est (Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Seine-et-Marne) :  » Ils n’ont pas compris l’intérêt. « 

Evidemment, l’expérience est limitée : il n’y a qu’un douanier référent dans chaque GIR, qui ne peut pas passer ses journées dans les commissariats. Dans les Hauts-de-Seine, cela donne une centaine de transactions chaque année, pour une centaine de milliers d’euros payés au fisc – le record national. Mais le fait de taper au portefeuille un gros consommateur ou un petit trafiquant permet de déstabiliser les réseaux. Et tant pis si, en échange, le parquet abandonne les poursuites pénales pour ce menu fretin.  » Nous préférons éviter les dossiers à 30, 35 personnes, lourds à juger et où la cohérence des acteurs est difficile à établir « , explique le procureur de Nanterre, Philippe Courroye.

 » Il y a un effet dissuasif, mais le gros problème, c’est l’absence de réponse sanitaire « , regrette toutefois le commissaire Thierry Huguet, patron de la brigade des stupéfiants parisienne. Beaucoup de policiers estiment au contraire que l’injonction thérapeutique et les stages de sensibilisation ne marchent pas. A Nanterre, on affirme qu’il y a  » 50 % de déperdition  » lorsque le stage est choisi :  » Les consommateurs disent qu’ils préfèrent payer une amende. Ou ils acceptent le stage mais ne s’y rendent pas. « 

Alors, la contravention, trop répressive ou trop laxiste ? La mesure avait été rejetée par François Hollande lors de la campagne présidentielle, car il craignait la confusion avec la dépénalisation. Pourtant, assure le radical de gauche Jacques Mézard, rapporteur (RDSE) de la proposition de loi du Sénat,  » nous n’avons pas de volonté de dépénalisation mais d’avoir une réponse qui corresponde mieux à la réalité. L’augmentation considérable de la consommation nous inquiète « .

 » Aujourd’hui, les sanctions sont différées et non dissuasives pour les jeunes. Une sanction immédiate sera plus efficace « , ajoute l’auteur du texte, Gilbert Barbier (Jura), membre de l’UMP, mais rattaché au groupe RDSE. Les sénateurs proposent des contraventions de 3e classe. Elles peuvent atteindre 450 euros maximum (68 euros si elles sont payées dans un délai de 45 jours). Les deux sénateurs veulent croire qu’une amende aidera à  » sensibiliser les jeunes au fait qu’il existe des drogues interdites « . Mais ils le reconnaissent, cela ne suffira pas à  » endiguer la diffusion du cannabis « .

Laurent Borredon

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Quand la CEDH s’immisce trop dans les affaires nationales

Qu’y a-t-il de condamnable à ce qu’un pays, comme l’Espagne, veuille garantir l’enfermement de leurs criminels pendant 30 ans, qui plus est, quand ces criminels n’expriment aucun remord ni regret ?

La justice, hormis sa position punitive, a aussi une fonction éducative en s’assurant que le criminel n’est plus une menace pour la société et qu’il ne va pas recommencer ses méfaits en sortant de prison. Le criminel politique est avant tout un criminel.

Donc, la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) dépasse ses fonctions en voulant donner des leçons à l’Espagne en la matière : ce n’est pas acceptable. Comme la position de la CEDH n’est pas acceptable concernant la remise en cause qu’elle a effectuée vis à vis de la Grande Bretagne qui ne voulait pas accorder le droit de vote à ses prisionniers. Dans le cas de la Grande Bretagne, je ne trouve pas absurde qu’on retire des droits civiques à ceux qui ont violé la loi.

La CEDH est une bonne chose quand elle défend les droits des citoyens envers un état qui ne respecte pas l’intérêt général et qui défend les intérêts propres de ses dirigeants. Quand l’intérêt général de l’Etat est respecté mais que la CEDH considère que cet état est trop dur avec ceux qui ont violé la Loi, ses décisions, car par trop laxistes, sont une remise en cause de sa légitimité, et sont une cause du rejet d’une partie de la population Européenne envers ses instances. En cela, les principes par trop humanistes de la CEDH sont néfastes et contre-productifs. Cette instance devrait y réfléchir à deux fois avant de lancer ses principes fleur bleue et utopistes.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 13 Juillet 2012

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Strasbourg remet en question les mesures d’exception contre les prisonniers de l’ETA
La Cour européenne des droits de l’homme demande la libération immédiate d’Ines del Rio, condamnée en 1987 à 3 000 ans de prison
Madrid Correspondance

C’est un coup dur pour le gouvernement espagnol, qui voit remise en cause sa politique pénitentiaire envers les membres de l’organisation séparatiste basque ETA. Mardi 10 juillet, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné l’Espagne à verser à l’etarra Ines del Rio Prada 30 000 euros de dédommagements et à la remettre en liberté  » dans les plus brefs délais « . La Cour de Strasbourg donne ainsi une suite favorable au recours contre la  » doctrine Parot  » déposé par la prisonnière de 53 ans, incarcérée depuis 1987 pour l’assassinat de 23 personnes.

Cette  » doctrine « , validée en 2006 par le Tribunal suprême de Madrid, consiste à calculer les remises de peines – pour travail ou études réalisés en prison – sur la base de la durée cumulée des condamnations et non sur la peine à purger, dont la limite légale est de 30 ans. Son objectif était d’empêcher que plusieurs etarras, dont Henri Parot, dit Unai, responsable de la mort de 82 personnes et condamné à 4 800 années de prison, ne sortent avant d’avoir purgé 30 ans de prison et sans avoir exprimé la moindre repentance.

Le tribunal de Strasbourg conteste la rétroactivité de cette doctrine, appliquée au détriment des personnes qui avaient été jugées sous le régime, plus favorable, de l’ancien code pénal.

Par le jeu des remises de peine, Ines del Rio, membre du  » commando Madrid « , condamnée à plus de 3 000 ans de prison, aurait dû sortir en 2008. Mais, avec l’application de la doctrine Parot, sa remise en liberté avait été repoussée à 2017. Elle ne sera pas immédiatement libérée, a toutefois prévenu le ministre de l’intérieur, Jorge Fernandez, alléguant un risque de fuite et le fait que Madrid va faire appel du jugement de la CEDH.

Remises pour les repentis

La doctrine Parot, ainsi que la dispersion des condamnés de l’ETA dans des prisons éloignées du Pays basque, fait partie de la politique pénitentiaire utilisée par les gouvernements successifs pour faire pression sur le groupe terroriste. Dans le but d’affaiblir l’ETA – qui a annoncé le 20 octobre 2011 la fin définitive de la violence mais ne s’est pas dissoute ni désarmée -, l’Espagne offre aux prisonniers etarras qui rejettent l’ETA, condamnent la violence et demandent pardon aux victimes la possibilité d’avoir droit à des remises de peine, des régimes de semi-liberté et d’être rapprochés du Pays basque. Parmi les plus de 700 etarras détenus en Espagne, seule une vingtaine de repentis se sont rangés à cette option, appelée la  » voie Nanclares « , du nom d’une prison basque.

Ines del Rio n’en fait pas partie, tout comme l’immense majorité des 67 prisonniers de l’ETA incarcérés en vertu de la doctrine Parot.  » Ce sont presque intégralement des gens qui ont participé à l’offensive terroriste des années 1980, l’époque la plus dure de l’ETA, et n’ont engagé aucune autocritique « , soutient le spécialiste du groupe séparatiste et directeur de l’agence d’informations Vasco Press, Florencio Dominguez.

 » Nous avons très peur que – l’arrêt de la CEDH – n’ouvre la porte à la libération de tous les etarras de l’époque « , a avoué de son côté Angeles Pedraza, la présidente de l’Association des victimes du terrorisme (AVT), d’autant plus déçue que la décision de justice est intervenue le jour de l’anniversaire de la mort de Miguel Angel Blanco, député du Parti populaire de 29 ans, kidnappé par l’ETA le 10 juillet 1997 et retrouvé deux jours plus tard assassiné de deux balles dans la tête.

Pour les indépendantistes radicaux, le verdict de Strasbourg est au contraire une victoire. C’est un  » revers pour les mesures d’exception  » appliquées aux prisonniers etarras, s’est félicité le député de la coalition indépendantiste Amaiur, Xabier Mikel Errekondo, lors d’une conférence de presse très tendue, au cours de laquelle il a refusé de condamner publiquement, quinze ans après, l’assassinat de M. Blanco.

Sandrine Morel

    Menaces contre des supporteurs de l’équipe d’Espagne

    Josetxo Ibazeta, secrétaire et plus proche conseiller du maire de Saint-Sébastien, au Pays Basque, a démissionné, mercredi 11 juillet, après que le journal El Mundo a mis en ligne une vidéo sur laquelle on le voit crier en basque  » Vive l’ETA militaire  » à des jeunes qui brandissent un drapeau espagnol pour fêter dans la rue, le 1er juillet, la victoire de l’équipe nationale à l’Euro de football. Les jeunes affirment aussi que l’ancien élu de Batasuna – la vitrine politique de l’ETA, interdite depuis 2003 -, véritable mentor du maire Juan Karlos Izagirre, de la coalition de la gauche indépendantiste Bildu, les aurait menacés de mort. Le parquet devrait ouvrir une enquête.

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Quand on se fout des abeilles pour des motifs pécuniers

Honteux que de tels conflits d’intérêt puissent se liguer contre les abeilles. On fait tout pour rendre inoffensifs les produits chimiques mais nombre de ruches sont en déclin sur l’ensemble du territoire Français. On ne sait officiellement pas pourquoi…

Pendant ce temps là, j’ai vu que les abeilles vivant en ville sont en pleine santé ! Donc, le lien entre les produits chimiques et la mortalité des abeilles ne peut être qu’un pur hasard : ben voyons !

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 10 Juillet 2012

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Abeilles : la faillite de l’évaluation des pesticides
Les tests pratiqués sur la nouvelle génération de produits sont inadaptés et tous les scientifiques le savent

Le coupable est-il plutôt l’incompétence ou l’accumulation de conflits d’intérêts ? Impossible de trancher. Mais la question est désormais posée : comment des tests d’évaluation des risques pour l’abeille, notoirement déficients, ont-ils pu être utilisés pendant près de vingt ans pour homologuer les dernières générations d’insecticides ? Après avoir été autorisés depuis le début des années 1990, tous (Gaucho, Régent…) ont été au centre d’intenses polémiques avant d’être retirés, au moins partiellement, du marché… Le dernier en date, le Cruiser, vient d’être interdit par la France sur le colza, une décision attaquée par son fabricant, Syngenta.

Cette défaillance est d’autant plus troublante que certains de ces tests d’évaluation ont été remis à jour en 2010, c’est-à-dire tout récemment. Leur mise en cause ne vient pas d’un rapport de Greenpeace ou des Amis de la Terre, mais d’un avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Jamais, sans doute, celle-ci n’aura endossé un document aussi embarrassant. Paru fin mai, ce texte technique de 275 pages est d’ailleurs passé à peu près totalement inaperçu…

Des  » faiblesses majeures  » Pourquoi un tel rapport ? Saisie par la Commission européenne, l’EFSA a mandaté un groupe d’une quinzaine de scientifiques (en partie extérieurs à l’agence) pour expertiser les procédures standard, par lesquelles sont évalués les risques des pesticides sur les abeilles. Conclusion : ces protocoles ont été conçus pour évaluer les effets indésirables des pesticides pulvérisés et sont inadaptés aux insecticides dits  » systémiques  » – utilisés en enrobage de semences ou en traitement des sols – qui imprègnent l’ensemble de la plante au cours de son développement.

De manière générale, explique le rapport,  » les expositions prolongées et intermittentes ne sont pas évaluées en laboratoire « , pas plus que  » l’exposition par inhalation et l’exposition des larves « . Les calculs d’exposition des insectes sont systématiquement biaisés : ils ne tiennent pas compte de l’eau exsudée par les plantes traitées, avec laquelle les insectes sont en contact. Ils ne considèrent pas non plus les poussières produites par les semences enrobées, au cours de la période des semis…

 » De même, ajoute le rapport, les effets des doses sublétales ne sont pas pleinement pris en compte par les tests standard conventionnels.  » Ces faibles doses ne tuent pas directement les abeilles mais peuvent par exemple altérer leur capacité à retrouver le chemin de leur ruche, comme l’a récemment montré une étude conduite par Mickaël Henry (INRA) et publiée le 30 mars dans la revue Science.

Les tests standard réalisés en champ sont eux aussi critiqués. Colonies trop petites, durée d’exposition trop courte… Des effets délétères, mêmes détectés, s’avèrent souvent non significatifs en raison du trop faible nombre d’abeilles utilisées.

Ce n’est pas tout. Des  » faiblesses majeures  » sont pointées par les rapporteurs, comme la taille des champs traités aux insecticides testés. Les ruches enrôlées sont en effet placées devant une surface test de 2 500 m2 à un hectare en fonction de la plante. Or, explique le rapport, ces superficies ne représentent que 0,01 % à 0,05 % de la surface visitée par une butineuse autour de sa ruche… Dès lors, l’exposition au produit est potentiellement plusieurs milliers de fois inférieure à la réalité, notamment dans le cas où les abeilles seraient situées dans des zones de monoculture intensive recourant à ce même produit.

En outre, poursuit le rapport, les abeilles devraient être testées pour déterminer si de faibles doses du produit ont déclenché des maladies dues à des virus ou des parasites… De récents travaux, conduits par Cyril Vidau (INRA) et publiés en juin 2011 dans la revue PLoS One, ont en effet montré des synergies entre le fipronil (Régent), le thiaclopride (un néo-nicotinoïde) et la nosémose, une maladie commune de l’abeille…

Ces manquements sont, selon l’expression d’un apidologue français qui a requis l’anonymat, chercheur dans un organisme public,  » un secret de polichinelle « . De longue date en effet, le renforcement de ces  » lignes directrices  » et autres protocoles standardisés est demandé par des apiculteurs et les associations de défense de l’environnement. En vain. Et ce, malgré un nombre toujours plus grand d’études publiées dans les revues scientifiques depuis le milieu des années 2000, qui mettent en évidence leurs lacunes.

De  » généreux sponsors  » Pourquoi une telle inertie ? Comment, et par qui, sont élaborés ces protocoles de test suspectés de grave myopie ?  » En 2006, nous nous sommes posés, un peu tardivement il est vrai, la question de savoir comment étaient homologuées au niveau européen les substances que nous suspectons d’être la cause principale du déclin des abeilles, raconte Janine Kievits, une apicultrice belge, membre de la Coordination apicole européenne. En lisant les annexes de la directive européenne sur les phytosanitaires, nous avons remarqué que les lignes directrices de ces tests étaient notamment édictées par l’Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes – EPPO – .  » D’autres lignes directrices sont édictées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et sont complémentaires de celles de l’EPPO.

Celle-ci est une organisation intergouvernementale d’une cinquantaine d’Etats membres, basée à Paris.  » La question des abeilles est une toute petite part de notre activité « , dit Ringolds Arnitis, son directeur général. N’ayant pas d’expertise en interne, l’EPPO délègue à une autre structure – l’International Commission on Plant-Bee Relationships (ICPBR) – le soin d’élaborer les éléments de base de ces fameux tests standardisés.

Quant à l’ICPBR, c’est une structure quasi informelle créée en 1950 et domiciliée à l’université de Guelph (Canada).  » Lorsque nous avons appris que cette organisation se réunissait pour réformer les fameux tests standardisés, nous nous sommes rendus à la conférence, raconte Mme Kievits. C’était à Bucarest, en octobre 2008. « 

La petite délégation de trois apiculteurs assiste donc à la réunion. Première surprise, raconte Janine Kievits,  » les discussions commencent par une allocution pour remercier les généreux sponsors : BASF, Bayer CropScience, Syngenta et DuPont « . Contacté par Le Monde, le groupe de travail de l’ICPBR sur la protection de l’abeille confirme le soutien financier des principaux fabricants de pesticides. Mais ajoute que la source principale de financement était les frais de participation à la conférence. Et que  » sans ces financements extérieurs, le montant des frais de participation aurait été plus élevé « , empêchant ainsi  » une participation maximale de délégués non issus de l’industrie « .

 » C’était à tomber mort !  » Les trois apiculteurs assistent tout de même au compte rendu des groupes de travail sur la mise à jour des tests standardisés.  » Nous étions dans une ambiance très cordiale, avec des gens très avenants qui proposaient des choses radicalement inacceptables, estime Mme Kievits. Pour ne donner qu’un exemple, l’un des calculs de risque présenté revenait à définir un produit comme « à bas risque » dès lors que l’abeille n’est pas exposée à la « dose létale 50 » chronique – qui tue 50 % d’une population exposée sur une longue période – . Donc le produit est « à bas risque » s’il ne tue que 49 % des abeilles ! Pour nous, c’était simplement incroyable. C’était à tomber mort ! « 

Sur plusieurs points comparables, les apiculteurs demandent la possibilité d’envoyer des commentaires, dans l’espoir de faire changer les recommandations finales du groupe de travail.  » Nous avons adressé nos commentaires dans les quinze jours, mais pas un n’a été retenu « , dit Mme Kievits. Ces mêmes critiques ont été adressées, en copie, aux agences ad hoc des Etats membres de l’EPPO. Aucune n’a répondu, à l’exception de l’Agence suédoise des produits chimiques (KEMI). Dans un courrier dont Le Monde a obtenu copie, deux écotoxicologues de l’agence scandinave disent adhérer  » pleinement  » aux commentaires pourtant acerbes des apiculteurs…

Pourquoi l’ICPBR n’a-t-il pas retenu les demandes des apiculteurs ?  » Les recommandations finales du groupe sont basées sur une approche de consensus, avec l’obtention d’un accord en séance plénière « , explique-t-on à l’ICPBR. Cette approche consensuelle place de facto les recommandations issues de l’organisation entre les mains de l’industrie. Car l’ICPBR est ouverte à toute participation et les firmes agrochimiques y sont très représentées. En 2008, sur les neuf membres du groupe sur la protection de l’abeille, trois étaient salariés de l’industrie agrochimique, une était ancienne salariée de BASF et une autre future salariée de Dow Agrosciences.

Conflits d’intérêts Au cours de sa dernière conférence, fin 2011 à Wageningen (Pays-Bas), sept nouveaux groupes de travail ont été constitués sur la question des effets des pesticides sur les abeilles, tous dominés par des chercheurs en situation de conflits d’intérêts. La participation d’experts employés par des firmes agrochimiques ou les laboratoires privés sous contrat avec elles, y oscille entre 50 % et 75 %. Les autres membres sont des experts d’agences de sécurité sanitaires nationales ou, plus rarement, des scientifiques issus de la recherche publique. Les fabricants de pesticides jouent donc un rôle déterminant dans la conception des tests qui serviront à évaluer les risques de leurs propres produits sur les abeilles et les pollinisateurs.

En 2009, quelques mois après la conférence de Bucarest, les recommandations finales de l’ICPBR sont remises à l’EPPO. Mais avant d’être adoptées comme standards officiels, elles sont soumises à l’examen d’experts mandatés par chaque Etat membre de l’EPPO. Ces experts sont-ils en situation de conflit d’intérêts ? Sont-ils compétents ? Impossible de le savoir.  » La liste de ces experts n’est pas secrète : elle est accessible aux gouvernements de nos Etats membres qui le souhaitent, mais elle n’est pas rendue publique « , précise Ringolds Arnitis. En 2010, les nouvelles lignes directrices sont adoptées par les Etats membres de l’organisation et publiées dans EPPO Bulletin.

Le jugement des experts mandatés par les Etats membres de l’EPPO pose quelques questions. Dans le cas de la Suède, l’expert représentant ce pays, issu du ministère de l’agriculture, a approuvé les nouveaux standards alors que deux de ses pairs de l’Agence suédoise des produits chimiques venaient, par lettre, d’apporter leur soutien aux commentaires acerbes de la Coordination apicole européenne. Le jugement des experts varie donc largement selon leur employeur…

Et la France ? L’approbation des nouveaux standards de 2010 s’est faite sous la supervision d’une écotoxicologue de la Direction générale de l’alimentation (ministère de l’agriculture) – qui représente la France à l’EPPO. Or cette scientifique participait aux travaux de l’ICPBR et n’est autre que la principale auteure des recommandations soumises… Elle a donc expertisé et approuvé son propre travail. Ancienne employée de Syngenta (ex-Novartis), elle est ensuite passée par différents organismes publics (INRA, Afssa, ministère de l’agriculture). Elle est, aujourd’hui, employée par l’agrochimiste Dow Agrosciences.

Stéphane Foucart

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Un retour sur Xynthia

C’est un article très intéressant que livre le Monde daté du 06 Juillet 2012. On y apprend les lacunes de l’état dans l’indemnisation et dans l’entretien des cours d’eau qui ont mené aux catastrophes de 2010.

Enrichissant et intéressant.

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Xynthia : la Cour des comptes accable l’Etat
Les magistrats fustigent les défaillances et le gaspillage dans la gestion des effets des inondations de 2010

On connaissait le bilan humain de la tempête Xynthia – qui avait frappé le littoral atlantique le 27 février 2010 – et des inondations qui, le 15 juin de la même année, avaient submergé les communes du Var : 64 personnes décédées, deux disparues, des centaines de blessés et de familles sans toit. Mais on ignorait le bilan financier de ces deux catastrophes. Dans un rapport rendu public jeudi 5 juillet, la Cour des comptes fixe pour la première fois le montant de la facture : Xynthia et les inondations du Var ont coûté 658 millions d’euros à l’Etat et aux collectivités locales et 1,3 milliard d’euros aux compagnies d’assurances, dont 640 millions d’euros pris en charge par le système de garantie publique  » catastrophe naturelle « .

Pendant plus d’un an et demi, les magistrats de la Cour des comptes ont enquêté sur les causes de ces deux drames, ont étudié les dispositifs d’alerte et de secours et ont évalué la stratégie d’indemnisation et les solutions mises en oeuvre par l’Etat. Le constat dressé dans un document de 300 pages est accablant.

De graves défaillances des systèmes d’alerte et de secours Deux ans après les catastrophes, ces carences n’ont été que partiellement corrigées.  » Il reste beaucoup à faire pour disposer d’un réseau d’alerte de la population performant « , concluent les magistrats. Concernant les secours, les enquêteurs ont découvert que plusieurs casernes de pompiers avaient été construites en zones inondables et envahies par l’eau. C’est le cas notamment de celle de l’Aiguillon-sur-Mer, compétente pour intervenir à la Faute-sur-Mer, en Vendée, là où le bilan humain a été le plus lourd avec vingt-neuf décès. Une partie du matériel de secours fut inutilisable. Et la situation était connue des autorités.

En Vendée, le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques indique  » explicitement  » que le centre de secours de l’Aiguillon-sur-Mer est susceptible d’être le  » plus impacté par le risque de submersion « . La situation est identique à Noirmoutier, Ars-en-Ré ou encore Rochefort, en Charente-Maritime. Inondé en 1999, puis en 2010, le projet de reconstruction du centre de Rochefort est toujours à l’étude. A Draguignan, dans le Var, l’inondation du centre de secours avait noyé les installations téléphoniques et informatiques, rendant toute communication impossible.

Les enquêteurs insistent encore sur le retard des secours héliportés en Vendée, seul département de l’Ouest à ne pas disposer d’hélicoptères publics et obligé d’attendre ceux de Charente-Maritime.  » Le délai d’arrivée des hélicoptères sur la zone sinistrée a handicapé le guidage et la projection des moyens du service départemental d’incendie et de secours « , indique le rapport. Et, lorsqu’ils sont arrivés, des difficultés de transmission entre les hélicoptères et les sauveteurs au sol ont encore entravé les secours.

Un Etat faible, un urbanisme incontrôlé La Cour des comptes souligne les  » insuffisances persistantes  » en matière d’urbanisme qui ont conduit les collectivités locales, sous la pression des promoteurs, à ignorer les risques naturels et à profiter de la  » faiblesse de l’Etat « . Dans les trois départements concernés – la Vendée, la Charente-Maritime et le Var -, les préfets avaient établi un dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM) trop  » général  » et non  » actualisé « .

De leur côté, une minorité de communes avaient élaboré un document d’information communal sur les risques majeurs (Dicrim). Depuis la catastrophe, la situation n’a guère évolué dans le Var : seuls 32 communes sur 153 ont transmis un Dicrim à la préfecture. Autre défaillance : les préfets censés établir et diffuser auprès des collectivités des  » atlas des zones inondables  » – une cartographie des risques qui, en l’absence d’autres documents, peut empêcher des constructions dans les zones inondables – n’avaient pas, dans le Var, transmis ce document aux maires concernés. Sur la côte atlantique, les documents avaient bien été envoyés, mais ils sous-estimaient les risques de submersions.

Le rapport souligne que les plans de prévention du risque inondation (PPRI), adoptés sous l’égide des préfets et qui permettent de maîtriser l’urbanisme, n’ont pas été prescrits dans toutes les zones à risques. Lorsqu’ils existaient, ces plans avaient fait l’objet de trop de négociations pour être encore contraignants.  » L’Etat, à travers ses représentants les préfets, n’a pas toujours su résister aux pressions des élus « , notent les enquêteurs. Deux ans après les faits, les magistrats de la Cour des comptes jugent que  » les oppositions locales, tant des habitants que des élus, n’ont pas disparu « .

Beaucoup de communes touchées par les inondations étaient couvertes par des documents d’urbanisme  » obsolètes  » et  » peu contraignants « . Dans le Var, douze des treize communes sinistrées disposaient ainsi d’un plan d’occupation des sols (POS) antérieur à 1995 ou 1990.  » Depuis la catastrophe, les collectivités n’ont pas vraiment pris d’initiative pour les remplacer « , notent les rapporteurs, avant d’insister sur la faiblesse du contrôle des actes d’urbanisme exercé par les préfets.

Des indemnisations coûteuses et inutiles Concernant la réaction du gouvernement de François Fillon et sa politique de rachat du bâti, la Cour des comptes est encore plus sévère. Elle dénonce une  » précipitation excessive  » après la tempête Xynthia. Sans concertation suffisante, l’Etat s’est hâté de délimiter des zones de rachat amiable, dites de  » solidarité « , avant d’opter finalement, après avis d’experts, pour la définition de zones d’expropriation, beaucoup plus restreintes. Résultat, le coût de rachat des maisons s’est révélé beaucoup trop coûteux et souvent inutile : 316 millions d’euros, dans les deux départements atlantiques. La Cour cite le cas d’un bien immobilier situé à la Faute-sur-Mer racheté 602 776 euros alors qu’il avait été acquis pour 300 000 euros en 2007, soit quatre ans avant la tempête. La plus-value a été totalement exonérée, contrairement aux transactions classiques.

La Cour note que l’essentiel des rachats à l’amiable s’est fait sur la base du code de l’environnement, qui autorise de telles opérations, mais sous réserve que le prix  » s’avère moins coûteux que les moyens de sauvegarde et de protection des populations « . Si la comparaison a été faite dans le Var, il n’en a rien été pour Xynthia. La situation de chaque habitation n’a pas été analysée. De même qu’aucun contrôle n’a été effectué sur l’existence d’un permis de construire ou de contrat d’assurance.

Sophie Landrin

    Des digues délaissées par des propriétaires fantômes

    La prévention des inondations repose en partie sur l’entretien des digues de protection. Or sur 95 % du linéaire en Charente-Maritime, l’Etat n’a pas été en mesure d’identifier le responsable de la digue. Les moyens financiers engagés par les collectivités et l’Etat étaient en outre très insuffisants.

    Dans le Var, les quatre cours d’eau à l’origine des inondations sont toutes non domaniales. Leur lit appartient aux propriétaires des deux rives, en principe tenus à leur entretien. Dans les faits, le rapport note que les rivières n’ont été entretenues ni par les riverains ni par les collectivités, qui auraient pu se substituer aux propriétaires défaillants. La Cour prescrit la mise en place d’une véritable gouvernance des digues.

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