La contravention comme arme anti-canabis

C’est un très bon article qui est proposé dans le journal ‘Le Monde’ daté du 20 Juillet 2012. Il montre que l’on peut se battre contre le canabis par une entente police-douanes.

De plus, pour enrayer l’économie parallèle qui gangrène les cités, il peut être judicieux d’appuyer là, où ça fait, mal, c’est à dire, au porte-monnaie.

Je pense que 68 Euros de base pour l’amende, ce n’est pas assez dissuasif. Il faudrait que cette amende soit, de base, située aux alentours des 500 Euros afin d’être totalement efficace.

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Cannabis : police et justice expérimentent la contravention
L’idée de sanctionner la consommation d’une simple amende fait son chemin

Concernant l’usage de stupéfiants et, singulièrement, de cannabis, il y a le débat politique. C’est la polémique qui a suivi le rappel par Cécile Duflot, entre les deux tours des législatives, de la position des écologistes en faveur de la dépénalisation. C’est aujourd’hui, la  » Charte pour une autre politique des drogues « , lancée par la sénatrice communiste Laurence Cohen et plusieurs centaines de spécialistes des addictions. Et puis il y a la réalité policière et judiciaire – la  » pire des situations « , selon un commissaire :  » Officiellement, l’usage n’est pas dépénalisé, mais sur le fond, il l’est. « 

L’idée de punir d’une contravention la consommation fait son chemin chez les policiers, toujours farouchement opposés à la dépénalisation. Place Beauvau, l’entourage de Manuel Valls affiche sa  » fermeté sur la question des interdits « , mais n’est pas  » fermé au débat « . Une proposition de loi a été adoptée par le Sénat, le 7 décembre 2011, pour sanctionner d’une simple amende le  » premier usage illicite  » de stupéfiants. Elle est entre les mains de l’Assemblée nationale.

Actuellement, la consommation de stupéfiants est punie d’un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Plus de 184 000 personnes ont été mises en cause par les policiers et les gendarmes pour usage de stupéfiants en 2011. Mais mis en cause ne veut pas dire condamné, loin de là.  » Ça nous bouffe du temps, alors que la réponse pénale est incertaine « , se désole un responsable départemental de la sécurité publique. A Créteil par exemple, sur 3 600 nouvelles affaires d’usage en 2011, 1 770 se sont traduites par un rappel à la loi, 740 par une injonction thérapeutique et 120 par une orientation sanitaire. Au final, seuls 40 mis en cause ont fait l’objet d’une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel.  » C’est résiduel et marginal « , reconnaît Nathalie Beccache, procureur à Créteil. Dans les Hauts-de-Seine, sur 3 975 procédures en 2011, seules 516 ont abouti à des poursuites pénales.

Les magistrats et les policiers mettent en fait déjà en place, peu ou prou, ce qui s’apparente à une  » contraventionnalisation « , par le biais de la procédure d’ordonnance pénale.  » Quand il n’y a pas de réponse pénale adaptée plus sophistiquée, on en vient à la sanction pécuniaire « , explique Mme Beccache. A Créteil, sur 900 personnes poursuivies en 2011, la plupart ont bénéficié d’une ordonnance pénale, qui se solde en général à une amende.

Dans les Hauts-de-Seine, en 2008, le parquet, la police et les douanes ont mis en place une méthode originale, encore plus efficace : la transaction douanière. L’article 343 bis du code des douanes permet à l’autorité judiciaire d’alerter les services des douanes d’une infraction au dit code. Or les douaniers ont des pouvoirs que les policiers n’ont pas… Notamment celui de réclamer un recouvrement immédiat.

L’expérience a été rendue possible par la création des groupes d’interventions régionaux (GIR), qui incluent un douanier. Le modus operandi est simple. Après son interpellation, le détenteur de cannabis est présenté à l’officier de police judiciaire. Celui-ci, en accord avec le parquet, appelle le douanier du GIR, qui vient avec son carnet à souches d' » arrangements transactionnels  » établir l’amende pour transport de marchandises prohibées.

Et là, il faut payer tout de suite. Comme le dit malicieusement un policier,  » pas le choix, il faut aller au distributeur de billets le plus proche « .  » Il y a un aspect immédiat, qui frappe les esprits « , juge Erwan Guilmin, directeur régional des douanes pour la zone Paris-Ouest.  » Quand on commence à cibler une cité, ça se sait dans le quartier, les flics passent moins pour des cons « , ajoute un haut responsable policier parisien, qui regrette que la méthode n’ait pas eu  » le même succès  » partout, notamment dans la zone des douanes Paris-Est (Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Seine-et-Marne) :  » Ils n’ont pas compris l’intérêt. « 

Evidemment, l’expérience est limitée : il n’y a qu’un douanier référent dans chaque GIR, qui ne peut pas passer ses journées dans les commissariats. Dans les Hauts-de-Seine, cela donne une centaine de transactions chaque année, pour une centaine de milliers d’euros payés au fisc – le record national. Mais le fait de taper au portefeuille un gros consommateur ou un petit trafiquant permet de déstabiliser les réseaux. Et tant pis si, en échange, le parquet abandonne les poursuites pénales pour ce menu fretin.  » Nous préférons éviter les dossiers à 30, 35 personnes, lourds à juger et où la cohérence des acteurs est difficile à établir « , explique le procureur de Nanterre, Philippe Courroye.

 » Il y a un effet dissuasif, mais le gros problème, c’est l’absence de réponse sanitaire « , regrette toutefois le commissaire Thierry Huguet, patron de la brigade des stupéfiants parisienne. Beaucoup de policiers estiment au contraire que l’injonction thérapeutique et les stages de sensibilisation ne marchent pas. A Nanterre, on affirme qu’il y a  » 50 % de déperdition  » lorsque le stage est choisi :  » Les consommateurs disent qu’ils préfèrent payer une amende. Ou ils acceptent le stage mais ne s’y rendent pas. « 

Alors, la contravention, trop répressive ou trop laxiste ? La mesure avait été rejetée par François Hollande lors de la campagne présidentielle, car il craignait la confusion avec la dépénalisation. Pourtant, assure le radical de gauche Jacques Mézard, rapporteur (RDSE) de la proposition de loi du Sénat,  » nous n’avons pas de volonté de dépénalisation mais d’avoir une réponse qui corresponde mieux à la réalité. L’augmentation considérable de la consommation nous inquiète « .

 » Aujourd’hui, les sanctions sont différées et non dissuasives pour les jeunes. Une sanction immédiate sera plus efficace « , ajoute l’auteur du texte, Gilbert Barbier (Jura), membre de l’UMP, mais rattaché au groupe RDSE. Les sénateurs proposent des contraventions de 3e classe. Elles peuvent atteindre 450 euros maximum (68 euros si elles sont payées dans un délai de 45 jours). Les deux sénateurs veulent croire qu’une amende aidera à  » sensibiliser les jeunes au fait qu’il existe des drogues interdites « . Mais ils le reconnaissent, cela ne suffira pas à  » endiguer la diffusion du cannabis « .

Laurent Borredon

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