Et si on en faisait un sujet de référendum

Pour moi, on n’utilise pas assez, dans notre pays, l’arme du référendum. Faire et constituer des missions, c’est bien. Donner la parole aux spécialistes, aux familles des malades, aux familles qui ont eu à réfléchir à l’euthanasie, c’est bien, mais le choix final doit en revenir aux Français.

Je considère que ce débat est suffisamment important pour que l’ensemble de la population soit consultée en la matière.

Pour ceci, le référendum est une bonne chose. Pourquoi toujours utiliser le référendum pour des questions politiques, c’est à dire futiles par rapport à ces sujets de société de vaste envergure ?

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 19 Juillet 2012

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ENTRETIEN
 » La question de la fin de vie n’appartient pas aux médecins « 

Le professeur Didier Sicard, nommé à la tête d’une mission de réflexion sur la fin de vie, plaide  » pour que le débat soit plus sociétal que médical « 

Le candidat Hollande, pendant la campagne présidentielle, avait inclus dans ses 60 engagements  » l’assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité  » dans certaines conditions. Mardi 17 juillet, le président s’est montré moins affirmatif, mais a bel et bien relancé le débat sur la fin de vie, à l’issue d’une visite du centre de soins palliatifs Notre-Dame du lac, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).

Sans prononcer le mot euthanasie et tout en estimant nécessaire de développer davantage les soins palliatifs, M. Hollande s’est interrogé :  » Peut-on aller plus loin – que la loi actuelle – dans les cas exceptionnels où l’abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager les patients aux prises avec une douleur irréversible et qui appelle un acte médical assumé au terme d’une décision partagée et réfléchie ?  »  » Poser cette question, c’est ouvrir une perspective qui elle-même entraîne un débat « , a-t-il poursuivi, estimant que celui-ci  » mérite d’être engagé et doit se faire dans l’apaisement « .

Pour mener la concertation, il a nommé le professeur Didier Sicard à la tête d’une mission sur la fin de vie, qui devra rendre ses conclusions en décembre. Si elle juge nécessaire une évolution de la loi actuelle, le comité consultatif national d’éthique (CCNE) sera saisi. En 2000, alors qu’il présidait le CCNE, Didier Sicard avait prôné  » une exception d’euthanasie  » dans certaines conditions – c’était avant la loi Leonetti. Depuis 2008, il en est président d’honneur. Il explique vouloir donner la parole  » aux citoyens « .

Votre mission paraît bien délicate tant le débat sur la fin de vie est passionné. Pourquoi l’avoir acceptée ?

Cette proposition a été une surprise pour moi. Mais j’aime les missions difficiles, et celle-ci est une mission presque impossible parce qu’elle est au coeur d’un affrontement de cultures qui, sous des apparences feutrées, est d’une extrême violence.

Notre culture se situe entre celle des pays du Nord et celle des pays du Sud, mais nous avons fini en France par prôner des réponses radicales d’un côté et de l’autre, qui consistent soit à vouloir donner la mort à la demande de la personne, soit à vouloir maintenir la vie à tout prix. Bien sûr, les expériences en Belgique, aux Pays-Bas ou en Suisse – qui autorisent l’euthanasie ou le suicide assisté – sont intéressantes et il faudra aller y voir de plus près, mais il ne faut pas omettre le fait que la culture française est différente.

Quel sera votre objectif ?

Si le président m’a proposé cette mission, c’est parce que je ne viens pas avec un armement idéologique, religieux ou médical et que je m’interroge, comme l’ensemble des Français. Je voudrais arriver à ce que la réflexion augmente, plutôt qu’elle reste réduite à un raisonnement binaire.

Il est souvent reproché aux médecins d’avoir confisqué le débat. Qu’en pensez-vous ?

Je suis médecin, mais je plaide pour que le débat soit plus sociétal que médical. Il faut aller à la rencontre de ceux qui ne parlent jamais, et non reconstituer un puzzle avec ceux que l’on connaît déjà. Je vais chercher à tout prix à me tourner vers les citoyens. Je veux comprendre ce que les cadres, les ouvriers, les paysans pensent. Cela permettra aussi de parler de façon plus large, et d’éviter une discussion figée par les positions pro ou anti-euthanasie. Il faut aller chercher les naïvetés sur la question, plus que les jugements abrupts.

Les médecins sont dans une situation paradoxale. Ils sont exécutants du soin, mais leur travail comporte aussi une dimension humaine. Dans l’ensemble, ils sont plutôt hostiles à donner la mort parce que ce geste est à l’opposé de leur culture, mais je crois que la question de la fin de vie ne leur appartient pas. D’ailleurs, s’ils n’avaient pas monopolisé la réflexion, les débats seraient peut-être de meilleure qualité.

Quelle est votre position sur cette question de la fin de vie ?

Je n’en ai pas de définitive, et mon avis n’a pas d’importance. Je me méfie, en outre, de mes propres convictions. Celles-ci ont d’ailleurs changé. Au XXe siècle, je pensais inacceptable de vouloir faire un geste pour donner la mort. Quand j’ai présidé le comité d’éthique après des discussions avec des interlocuteurs comme le sénateur Henri Caillavet – ancien président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité – , j’ai compris qu’un jugement dogmatique à l’emporte-pièce finit par protéger les consciences plus que les personnes. Et depuis dix ans, je suis de plus en plus dubitatif sur la possibilité radicale de transgresser l’interdiction de donner la mort. Cependant, certains jours, je trouve inacceptable que quelqu’un disant souhaiter en finir n’obtienne pas de réponse.

Que pensez-vous de la loi Leonetti sur la fin de vie ?

Là aussi, ma position a évolué. Je trouve que c’est une grande loi. Doit-elle être adaptée, je n’en suis pas sûr, et ce n’est pas à moi de le dire… Il y aura peut-être nécessité de modifier un ou deux articles, mais pour cela, il faut d’abord recueillir l’avis des Français.

Comment allez-vous tenter de débloquer ce débat sur l’aide active à mourir ?

Mon intention est de l’élargir aux conditions aussi bien médicales, familiales que culturelles de la fin de vie en France. Il faut travailler sur ce qui fait qu’à un moment une décision peut être ou doit être prise. Nous devons faire en sorte que la société, solidaire, prenne en compte ce moment. Que ce soit, comme le font les soins palliatifs, un moment de sérénité et non un moment d’abandon. Il n’est pas impossible qu’alors, dans une situation individuelle totalement insupportable et face à une demande, il puisse être apporté une facilité à mourir.

Propos recueillis par Laetitia Clavreul

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