Quand une personne handicapée se bat à la tête de sa boite

C’est génial ce que fait ce garçon ! Il est handicapé mais se bat comme un beau diable à la tête de sa boîte. Ca se passe en Lorraine, mon pays natal 😉

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 28 Août 2012

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en situation
L’ » intouchable  » patron tétraplégique d’une PME lorraine
Vincent Ferry, paralysé à la suite d’un accident, continue à développer son entreprise. Grâce à l’art de la délégation et du management participatif
Nancy, correspondante

Le 29 mars 2008, la vie de Vincent Ferry, 38 ans, a explosé : une stupide chute de moto à 15 km/heure dans une forêt de la Meuse.  » Les vertèbres cervicales étaient touchées. Je me suis retrouvé tétraplégique. Plus rien ne bougeait. Sauf la tête.  » Quatre ans après, il est toujours handicapé, mais aussi toujours patron de Clair de Lorraine, une PME qui fabrique et distribue des produits gastronomiques régionaux. Entre-temps, il a découvert les vertus du management participatif et de la délégation.  » L’année de mon accident, et en pleine crise économique, on a fait + 20 % en chiffre d’affaires. Mes salariés étaient devenus mes bras et mes jambes. « 

Deux jours après sa chute, à l’hôpital, Vincent fait l’état des lieux. Il a déjà deux bonnes raisons de se battre : Sophie, sa femme, et Pierre, leur fils de 6 mois.  » Et puis, il y avait la boîte, les 45 salariés, leurs familles.  » Le lundi matin, il convoque cinq cadres dans sa chambre, leur annonce qu’il va continuer. L’après-midi, Sophie le filme sur son lit tandis qu’il s’adresse à ses salariés.  » C‘était dur. Je leur ai expliqué que j’étais tétraplégique, ce que ça signifiait, mais qu’on allait se battre et s’en sortir ensemble. C’est sûr, ça tombait mal. J’étais sur le point de signer l’achat d’un nouveau bâtiment pour 600 000 euros. Avant l’accident, tout allait bien. Je faisais du business avec les Etats-Unis, on était en pleine expansion ! « 

Il appelle son banquier, lui explique la situation.  » Incroyable, la BPLC et le CIC m’ont suivi, ils m’ont accordé le prêt. Les fournisseurs non plus ne m’ont pas lâché.  » Il transforme sa chambre d’hôpital en bureau, installe un ordinateur avec un logiciel à commande vocale. Parfois, c’est l’infirmière qui tient le téléphone.

Entré à 23 ans comme stagiaire, durant ses études en école de commerce, il avait racheté 50 000 francs, cette petite entreprise de cinq salariés à Void-Vacon (Meuse) qui fabriquait du vin de groseille. Aujourd’hui, elle pèse 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, emploie 60 salariés, fournit 15 boutiques à l’enseigne En passant par la Lorraine et fédère 60 artisans (charcutiers, confiseurs, distillateurs) triés sur le volet. Son catalogue s’est enrichi : 600 références qui vont de la confiture de mirabelles aux terrines, en passant par les sucettes bio, les biscuits et les  » perlés « , ces vins naturels pétillants à la groseille, la mirabelle ou la framboise… Il vient de s’attaquer à l’Alsace, toujours avec le même concept.

 » Il y a un peu plus d’un an, je m’excusais encore d’être handicapé. Aujourd’hui, quand je prends un rendez-vous avec un client, j’oublie de le préciser. Et si, le jour venu, il y a des escaliers, eh bien on va discuter ailleurs.  » Dans ces moments-là, il n’est qu’un patron qui parle stratégie, management, croissance. Mais pas seulement.  » Je suis maintenant convaincu qu’employer une personne handicapée peut être une vraie richesse pour une société. Avant, les handicapés, je ne savais pas ce que c’était. On n’en rencontre pas vraiment dans la vie, ou alors on ne s’y intéresse pas. Il y a plein de gens comme moi. Je me rends compte qu’on ne les incite pas à retravailler, on préfère les savoir chez eux : là, au moins, ils ne font pas de bruit. Et s’ils rebossent, ils perdent leur allocation. Moi, je suis convaincu que la solution est dans le boulot. Parce que, être handicapé, c’est être différent, c’est être exclu, en dehors. Mort socialement. « 

Cet hiver, il a organisé pour ses salariés une projection du film Intouchables. Le 29 mars 2008, on lui avait dit qu’il  » ne rebougerait plus rien « . Lui dit qu’il s’est relevé, a fait du chemin et vit plus fort aujourd’hui.

Monique Raux


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