Réduire la souffrance des malades d’Alzheimer

C’est une bonne et audacieuse pratique qui est présentée ici. Elle décrit les ‘bistrots mémoire’, lieu où l’on essaie de traiter quelques symptômes de la maladie d’Alzheimer et où l’on essaie de soulager les proches des malades.

Une voie à développer pour soulager les souffrances de tout le monde…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 18 Septembre 2012

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La convivialité pour faire face à Alzheimer
Les bistrots mémoire réunissent des malades et leurs proches, qui partagent leur expérience de la maladie
Nancy envoyée spéciale

Il ne raterait ce rendez-vous pour rien au monde. Comme chaque deuxième jeudi du mois, Denis s’est rendu, le 13 septembre, au bistrot mémoire, qui se tient au café-restaurant Le Villeroy, à Villers-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle). C’est un fidèle. Même s’il lui faut plus d’une heure de trajet pour venir. L’association Alzheimer 54, qui gère ces rencontres, est venue demander  » l’hospitalité  » au Villeroy il y a six ans.  » Je ne pouvais pas refuser. Cela m’a permis de comprendre cette maladie « , explique Driss Chouali, patron du restaurant, avec un large sourire.

Une dizaine de personnes touchées par la maladie d’Alzheimer, venues pour certaines avec leur conjoint, participent à ce rendez-vous de rentrée. Depuis quelques années, les malades commencent à parler de leur maladie. Le fait de se retrouver autour d’une tasse de café ou de thé, accompagnée de pâtisseries orientales offertes par Driss, est une façon conviviale de rompre l’isolement. Les traitements (médicamenteux et autres) ayant un impact limité, des prises en charge différentes se sont mises en place ces dernières années.

L’idée du bistrot mémoire est née à Rennes en janvier 2004 à l’initiative d’Isabelle Donnio, psychologue, directrice pendant vingt-quatre ans d’Aspanord, réseau de soins à domicile, et d’Irène Sipos, directrice de la maison de retraite Saint Cyr à Rennes (Ille-et-Vilaine) et présidente de l’Union nationale des bistrots mémoire (UNBM), créée en 2009. Un modèle calqué sur les Alzheimer cafés, créés aux Pays-Bas en 1997 – on en compte aujourd’hui 104 -, et qui ont essaimé en Belgique, en Angleterre, en Irlande, en Suisse, etc.  » Constatant les réticences des personnes à accepter de l’aide, j’ai participé à ce mouvement qui pousse à aller vers elles « , raconte Irène Sipos. Une quarantaine de bistrots mémoire ont depuis été créés, la plupart affiliés à l’UNBM.

Il y a deux ans, Denis, alors âgé de 64 ans, perdait tout, cherchait sa voiture pendant des heures, oubliait des mots, signes caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui, cet homme souriant et philosophe, qui ne veut pas être réduit à sa maladie, profite de ces moments  » sympathiques « .

 » C’est à chaque fois une aventure « , confie Pascale Gérardin, psychologue au Centre mémoire de ressources et de recherche (CM2RR) du CHU de Nancy (Meurthe-et-Moselle) et bénévole à l’association Alzheimer 54.  » Nous devons être attentifs à chacun, être à l’écoute pour faire émerger la parole. « 

 » Ma femme a besoin d’aide  » : c’est ainsi qu’Yvon se présente ce jeudi. Il vient pour la première fois. Diagnostiquée en 2008, son épouse, Maria, a beaucoup pleuré lorsqu’elle l’a appris. Elle travaillait encore comme assistante de vie.  » On jouait beaucoup au Scrabble et, un jour, Maria n’est plus arrivée plus à compter les points… raconte Yvon. Elle disait des choses incohérentes, ne se souvenait plus des dates de naissance de ses petits-enfants.  » Maria a tendance à s’enfermer dans la solitude, explique son compagnon. Cette jolie femme semble pourtant apprécier ce moment.  » Cela vous fait du bien de savoir que d’autres personnes sont comme vous ?  » demande Denis à Maria, en toute bienveillance.

 » J’ai bien fait de venir « , lance Michel, 84 ans, venu avec son épouse, et dont chaque déclaration est systématiquement ponctuée de  » j’aime les femmes  » et  » il faut bien rigoler « . L’oeil taquin, il regrette d’avoir oublié son harmonica, mais promis, il l’apportera la prochaine fois… L’air de rien, sa femme veille sur lui tout en discutant avec Annick, dont le mari est atteint par la même maladie.  » Quand je sors d’une pièce ou que je vais dans le jardin, il ne sait plus où je suis, alors je laisse un mot sur la table. Il me cherche tout le temps « , raconte Annick. Au-delà du partage d’anecdotes, ce lieu d’échanges leur permet de se dire qu’elles ne sont pas seules.

Car la maladie modifie les repères, touche la personne dans son identité. On entend souvent :  » Elle/il n’est plus comme avant…  » Les rapports aux proches, psychologiquement très affectés, se trouvent chamboulés, ce qui peut provoquer un épuisement. Paradoxalement, les  » aidants « , ces proches qui accompagnent les malades, ont parfois du mal à reconnaître qu’ils ont eux aussi besoin d’aide.  » On se débrouille comme on peut « , dit Yvon. En aparté, il confie qu’il aimerait avoir un peu de temps pour lui. Il ira peut-être aussi à l’autre bistrot mémoire nancéen qui se tient le dernier samedi de chaque mois à la brasserie Les Deux Hémisphères. Le concept est différent : une conférence permet de glaner des informations sur la maladie. La prochaine, le 29 septembre, traitera de l’adaptation du domicile d’une personne souffrant d’Alzheimer.

 » Le but est de tisser un réseau pour prendre soin du malade et de l’aidant. Tout ce qui est proposé, plateforme de répit, groupe de parole pour aidants, accueil de jour, etc., devrait être mis en réseau « , explique Marie-José Dolci, coanimatrice du bistrot mémoire de Nancy et bénévole à Alzheimer 54. Des sorties peuvent aussi être organisées au musée, cirque, théâtre, cinéma.

Des  » petits riens « , selon Mme Dolci, mais qui sont beaucoup, car ces personnes ont souvent vu leurs amis s’éloigner, comme si la maladie faisait peur.  » Dès l’origine, nous voulions insister sur un point : celui de l’expertise des malades et de leur entourage pour compléter et modifier le regard des professionnels, insiste Isabelle Donnio. Qui mieux que les malades et ceux qui vivent à leurs côtés peuvent dire ce qui se passe pour eux ? « 

En quittant le bistrot, après avoir payé leur consommation, les personnes se saluent, s’embrassent. Rien à voir avec l’ambiance d’une réunion à l’hôpital. Pour les malades, ça change tout, car si  » la mémoire fout le camp « , la sphère émotionnelle reste très présente. Il suffit parfois d’une caresse, d’une écoute, d’un rire, pour que le malade se sente mieux.

Pascale Santi

Bistrot-memoire.fr

Sur Lemonde.fr

    Une grande cause de dépendance des personnes âgées 850 000 personnes

    environ, en France, sont touchées par la maladie d’Alzheimer ou par une affection apparentée. Près de 225 000 nouveaux cas sont détectés chaque année.

    35 millions de personnes sont atteintes dans le monde. Elles pourraient être 66 millions en 2030, selon l’association Alzheimer’s Disease International, en raison de l’augmentation de l’espérance de vie et des progrès du diagnostic. C’est une des grandes causes de dépendance chez les personnes âgées.

    La maladie entraîne des pertes de mémoire et peut altérer le comportement en provoquant des troubles cognitifs, voire des troubles de l’humeur dans certains cas. L’évolution de cette maladie dégénérative du cerveau (dont la physiopathologie fait encore débat) et les symptômes varient d’un sujet à l’autre.

    Les pertes de mémoire ne sont pas toujours dues à la maladie d’Alzheimer.

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