On doit redonner plus de moyens à la justice en France

Il faut redonner des moyens à notre justice pour qu’elle soit capable de remplir ses missions régaliennes. Trop souvent, on assiste à un déni de justice par manque de moyens. Notre justice n’a pas les moyens d’assurer les missions qui doivent être les siennes dans un état démocratique comme la France.

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Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 21 Septembre 2012

Justice : peut mieux faire

Budgets faibles, procédures longues, procureurs trop peu nombreux : l’état du système judiciaire en France est loin d’être brillant comparé à celui des autres grands pays européens

Comment se situe la justice française en Europe ? Sans drame, au regard des quarante-sept pays membres du Conseil de l’Europe, en dépit des efforts vigoureux des pays de l’Est, qui reviennent, il est vrai, de très loin ; mais la situation est loin d’être brillante comparée aux autres pays riches du Nord et de l’Europe de l’Ouest. L’état de la justice française ne s’est pas sensiblement amélioré depuis 2008, les budgets sont faibles, les procédures longues et le pays continuent à juger moins d’affaires qu’il n’en reçoit, avec des procureurs trop peu nombreux, écrasés sous la tâche, encore largement soumis au pouvoir exécutif, et qui classent les dossiers à tour de bras pour tenter de se maintenir à flot.

La Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej), un organisme indépendant du Conseil de l’Europe qui a publié, jeudi 20 septembre, son quatrième rapport – un tous les deux ans – dresse un tableau très documenté de l’état des systèmes judiciaires européens en 2010. Près de trois millions de données, fournies par les quarante-six Etats membres (le Liechtenstein n’a pas répondu cette année) donne des indications précieuses sur les 800 millions de justiciables du continent.  » L’objectif reste de donner aux décideurs politiques des outils pour orienter les nécessaires réformes des systèmes judiciaires et en améliorer la qualité « , souligne Stéphane Leyenberger, le secrétaire de la Cepej.

Côté français, le point noir reste le budget, pourtant important : 7,5 milliards d’euros. Rapporté au pourcentage du produit intérieur brut par habitant, un ratio qui mesure l’effort financier d’un pays, la France est… 34e sur 40, derrière la Russie, la Moldavie, la Géorgie ou l’Azerbaïdjan. Mais ce classement, que s’interdisent avec raison les experts de la Cepej, n’a pas grand sens, et pénalise les pays les plus riches : les premiers du classement sont le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, qui bénéficient d’un important soutien européen ; l’Autriche et la Finlande, deux pays où la justice fonctionne très correctement, ne sont classés que 29e et 36e.

Au regard des pays comparables, la France est objectivement en retard. Elle ne consacre que 60,5 euros par habitant à la justice, contre 84,6 en Autriche, 86,2 en Belgique, 91,4 en Espagne ou 118 aux Pays-Bas – il s’agit du budget consacré aux tribunaux, au ministère public et à l’aide judiciaire. Or donc, du budget de la pénitentiaire, qui dépend souvent en Europe d’un autre ministère, et grève lourdement les finances françaises. Pour la première fois en 2010, souligne Jean-Paul Jean, le président élu du groupe des experts, le budget consacré aux prisons est supérieur à celui dévolu aux tribunaux. Et la situation n’a guère de raison de s’améliorer, les partenariats public-privé pour les constructions de nouveaux établissements, qui consistent à payer un loyer pendant plus d’une génération à une entreprise de bâtiment qui prend seule en charge les frais de construction des prisons, vont peser lourd dans les budgets des Français. 95 millions d’euros de loyer en 2010, mais 567 en 2017, a prévenu la Cour des comptes.

Ecrasés de travail

En revanche, en nombre de magistrats, la France se situe dans une honnête moyenne : 10,7 juges du siège ( » les juges qui jugent « ) pour 100 000 habitants, contre 11 en Italie ou en Norvège, mais 18 en Autriche. La crise, en revanche, est profonde pour le ministère public. Il n’y a plus que 7 pays sur 47, dont la France, qui ne distinguent pas les procureurs des juges. Les Français n’ont que 3 procureurs pour 100 000 habitants, contre 6,4 en Allemagne, 7,7 en Belgique, ou 13,9 au Portugal (avec une moyenne de 11,1 en Europe, mais la tradition des redoutables prokuratura, dans les pays de l’Est pèse dans les statistiques). Surtout, les procureurs français sont écrasés de travail : ils ont, de très loin, la plus lourde charge en matière pénale (2 533 affaires par personne et par an) contre une moyenne de 615 en Europe. Il faut y ajouter le contentieux civil, les 800 000 tutelles, l’application des peines, les relations avec les élus sur la délinquance… Ils classent du coup plus de 87 % des procédures qui leur sont soumises, contre 44 %, par exemple, aux Pays-Bas.

L’efficacité du système judiciaire, enfin, est très moyenne. La France ne parvient toujours pas, même si elle a fait des progrès, à éponger le stock d’affaires en retard (279 jours de retard, 184 en Allemagne) et, au contraire, juge légèrement moins de dossiers qu’elle n’en reçoit. Si on ajoute que le pays n’a pas un organisme de sanction des juges (le Conseil supérieur de la magistrature) doté d’autant de pouvoirs que les pays comparables, qu’il a proportionnellement peu d’avocats mais un nombre considérable de notaires, force est de reconnaître que dans l’Europe de 2010, le système judiciaire français n’était pas très dynamique.

Franck Johannès


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