Des bateaux à la place de camions

C’est une bonne chose que les bateaux puissent remplacer les camions à Paris. Cela ne demande qu’à être développé et amélioré.

Quant au contexte de rentabilité, pour moi, ça serait plus rentable si les politiques avaient la bonne idée d’instaurer une taxe pollution aux camions qui rentrent dans la capitale. Le fruit de cet impôt pourrait être utilisé pour promouvoir ce mode de transport. Enfin, moi je dis ça, je dis rien…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 25 Septembre 2012

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Des livraisons en péniche pour libérer Paris des camions

Des supermarchés et transporteurs quittent la route pour le fleuve, un défi écologique et économique

A deux pas de la tour Eiffel, au petit matin, une grue du port de la Bourdonnais décharge d’une péniche les conteneurs destinés à alimenter les rayons de quatre-vingts magasins Franprix de la capitale. Ce spectacle, répété chaque matin depuis le 27 août, annonce une petite révolution : la naissance à Paris de la logistique fluviale, alors que la Seine n’avait encore jamais réussi à se substituer aux camions pour l’acheminement des biens de consommation. L’enjeu écologique est énorme. Le défi économique aussi.

Près de 2,3 millions de tonnes de produits transitent déjà chaque année par le fleuve – une économie de 100 000 camions. Mais la quasi-totalité de ce trafic concerne les matériaux et les déchets du secteur de la construction. En fait, 87 % du tonnage total entrant dans Paris le fait encore par la route. Cette sous-utilisation des voies navigables n’est pas une exception française : très peu de métropoles s’approvisionnent par bateau.

Les freins mis par les villes à l’entrée des camions et l’aggravation des embouteillages autour des agglomérations sont en train de faire évoluer cette situation.  » Le modèle que nous voulons favoriser, c’est l’acheminement des marchandises au coeur de la ville par le fleuve, puis leur distribution par des véhicules propres « , explique Benoît Mélonio, le directeur du développement de Ports de Paris, qui souligne que  » la Seine est la seule artère d’accès à Paris qui ne soit pas saturée « .

Le dispositif de Franprix, en rodage jusqu’à la fin du mois de septembre, vise à livrer par la Seine, depuis le port de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), 26 conteneurs quotidiens – soit 450 palettes de produits alimentaires. Les camions qui effectuent la fin du parcours jusqu’aux supermarchés roulent encore au gasoil. Ils pourraient, à terme, être remplacés par des véhicules  » verts « . Trois autres opérateurs réfléchissent à une organisation similaire, selon Ports de Paris.

Le coût du carburant et la prise en compte croissante des enjeux environnementaux militent en faveur des péniches. Le transport fluvial consomme cinq fois moins de carburant et émet 2,5 fois moins de CO2 que la route par tonne de marchandise embarquée. Dernier avantage, le fret fluvial permet de libérer de l’espace public dans les villes, où les livraisons par camion occupent en moyenne 20 % du trafic et 30 % de la voirie, selon un récent rapport du Centre d’analyse stratégique.

Pas si simple pourtant d’abandonner le camion pour la barge.  » Ce mode de transport a été délaissé trop longtemps, c’est toute la filière qui est à rénover : il faut rajeunir la flotte, revoir l’équipement industriel des ports, multiplier les centres logistiques « , explique Danielle Rouganne, déléguée générale de l’association professionnelle Entreprendre pour le fluvial.

La flotte ? Pour l’essentiel, des péniches Freycinet de 38 mètres de long et de cinquante ans d’âge, conçues pour transporter du sable ou du blé en vrac, pas pour livrer des palettes en centre-ville. Les Néerlandais disposent de bateaux équipés d’ascenseurs, de grues embarquées, de ponts roulants qui vident leur cargaison en une demi-heure.  » Pour décharger les 26 caisses de Franprix, il faudra six heures « , calcule M. Mélonio.

Les ports ?  » On n’a pas tant de quais disponibles que cela « , reconnaît Benoît Mélonio. Surtout, les investissements sont lourds : Ports de Paris a dépensé 1,5 million d’euros pour accueillir Franprix à la Bourdonnais.  » Nous espérons mutualiser cet équipement avec d’autres opérateurs « , nuance M. Mélonio.

Les centres logistiques ? Depuis des années, la pression foncière et le rejet des nuisances a repoussé les entrepôts à vingt ou trente kilomètres de Paris. Or, dans le nouveau modèle qui se dessine, il faut recréer des centres de stockage en ville pour faire le lien entre les péniches et les véhicules de livraison. Ports de Paris aménage un hôtel logistique de 7 000 m2 dans les anciens magasins généraux du quai d’Austerlitz. Ailleurs, les terrains risquent de manquer.

La solution viendra peut-être du modèle développé par une petite société baptisée Vert chez vous. Depuis le mois de mai, ce transporteur a transformé une péniche en entrepôt flottant pour livrer ses colis dans Paris. Le bateau quitte le port de Tolbiac tous les matins, les cales pleines de 3 000 colis.

A chacune des cinq escales, une armada de livreurs part approvisionner les clients du quartier – boutiques, administrations, hôtels… – au guidon de tricycles à assistance électrique capables d’emporter chacun 2 m3 et jusqu’à 200 kg de marchandise. Les vélos rejoignent ensuite la péniche à l’escale suivante, et ainsi de suite.

 » Pour rester compétitifs, nous avons organisé les flux pour nous rapprocher de la ville : nous économisons les deux heures que les chauffeurs de camion perdent chaque jour pour entrer et sortir de Paris « , explique Gilles Manuelle, le directeur de la société. Un autre acteur s’apprête à mettre en oeuvre ce duo péniche-vélos : à partir du mois d’octobre, l’entreprise Green Link établira une liaison fluviale quotidienne entre Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et le port des Saint-Pères, dans le 6e arrondissement, pour distribuer ensuite ses colis sur des tricycles électriques. Selon M. Manuelle,  » le modèle de Vert chez vous doit rapidement devenir très rentable « .

La rentabilité, c’est ce qui décidera du succès ou non de la logistique fluviale.  » On parle beaucoup de l’environnement, mais ce qui intéresse les industriels, ce sont les économies sur les prix « , souligne-t-on à l’association Entreprendre pour le fluvial. Des économies qui supposent de repenser en profondeur l’ensemble de la chaîne logistique. Pas sûr que les poids lourds du secteur y soient vraiment disposés.

Grégoire Allix


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