Quand la France empoisonnait les antilles

C’est honteux ce que la France a fait entre 1973 et 1992. Depuis 1976, le produit était jugé dangereux et interdit aux Etats Unis, mais continuait a être utilisé aux Antilles.

A la France maintenant d’essayer de corriger cette abération en tentant de réparer ce qu’elle a causé en dédommageant les populations victimes de cette pollution.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 18 Septembre 2012

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Les effets néfastes du chlordécone sur le nourrisson
Une étude démontre que l’exposition in utero au pesticide retarde le développement cognitif

Les chercheurs n’ont pas fini de mettre au jour les dégâts sanitaires provoqués par l’utilisation intensive et prolongée du chlordécone, un pesticide destiné à combattre le charançon de la banane, aux Antilles françaises.

Une nouvelle étude, publiée sur le site de la revue Environment Research, montre que l’exposition prénatale ou postnatale à cette substance semble liée à des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons. Le chlordécone est un produit toxique pour le système nerveux et pour la production de spermatozoïdes. Il se comporte comme un oestrogène et est considéré comme un cancérogène possible. Il a été massivement employé, en particulier en Guadeloupe et en Martinique de 1973 à 1992, à la demande des grands planteurs et avec la bienveillance du ministère de l’agriculture, alors qu’il a été interdit dès 1976 aux Etats-Unis. Vingt années durant lesquelles le pesticide a pénétré les sols.

Or ce produit se dégrade très lentement une fois dans l’environnement. C’est donc une contamination à grande échelle des sols, des nappes phréatiques et des récoltes qui s’est produite dans certaines zones des deux îles antillaises. Pire, elle se poursuit, notamment auprès des populations les plus défavorisées qui cultivent leurs propres légumes, avec des expositions qui persisteront probablement pendant plusieurs siècles, selon les études menées.

Sur le terrain, Luc Multignier (Inserm, Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail) et les médecins du CHU de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) suivent, dans le cadre de la cohorte  » Timoun  » ( » enfant  » en créole), 1 042 femmes et leurs enfants depuis leur grossesse. Pour cette étude, ils ont collaboré avec des chercheurs québécois, belges et américains pour évaluer le développement cognitif, visuel et moteur chez des nourrissons, garçons et filles, nés à terme et en bonne santé, âgés de 7 mois.

Une estimation de l’exposition prénatale, dans le ventre de la mère, avait été réalisée en dosant le chlordécone présent dans le sang du cordon ombilical. L’exposition postnatale, elle, a été appréciée à la fois par le dosage du chlordécone dans le lait maternel et par la fréquence de consommation par les nourrissons d’aliments susceptibles d’être contaminés par le pesticide. A 7 mois, la mémoire visuelle, l’acuité visuelle et le développement moteur ont été testés.

Les chercheurs ont trouvé une association significative entre l’exposition prénatale au chlordécone et un score abaissé à deux tests : l’un explorant la mémoire visuelle, dit  » test de préférence pour la nouveauté  » (est-ce que l’enfant regarde plus longuement un objet nouveau qu’un objet déjà vu et devenu familier), et l’autre le développement de la motricité fine (préhension des objets entre les doigts et la paume de la main).

Communication différée

L’exposition postnatale par le biais des aliments susceptibles d’être contaminés est associée – mais aux limites de la signification sur le plan statistique – à une réduction de la vitesse d’acquisition de la mémoire visuelle et de la préférence pour la nouveauté. Les scientifiques n’ont toutefois pas observé de lien entre l’exposition postnatale par le biais de l’allaitement maternel et une anomalie du développement psychomoteur.

 » Basées sur de petits effectifs, ces observations ne traduisent pas de troubles graves, mais elles sont à rapprocher de particularités décrites auparavant chez des adultes américains ayant été fortement exposés au chlordécone dans le cadre professionnel « , souligne Luc Multignier. Le chercheur et son équipe se demandent si les anomalies constatées pourraient constituer  » un signal d’alerte et annoncer des troubles permanents à un âge plus avancé « . Cette étude fait d’ores et déjà parler d’elle dans le milieu de la recherche, où il se raconte que toute communication autour de cet article a été différée, à la demande des autorités, afin de ne pas être sous les feux de la rampe lors de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre.

Paul Benkimoun


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