Le problème des biocarburants de première génération

Les biocarburants étaient encore considérés comme la panacée il y a quelques années. Force est de constater aujourd’hui qu’on a cru au Père-Noël en la matière.

En effet, ces biocarburants n’avaient de bio que le nom. Car ils entraient en concurrence avec les cultures, ils ont lourdement contribué à la crise alimentaire en 2008. Ces biocarburants ne pourront jamais remplacer le pétrôle car ils nécessitent un trop grand nombre de terres pour être viables économiquement.

De plus, leurs bénéfices en matière d’écologie reste largement à démontrer. Les biocarburants de première génération, entrant en conflit avec les terres agricoles offrent des contraintes bien supérieures aux bénéfices. Il en va de même avec les générations suivantes qui ne pourront jamais supplanter les matières fossiles par la faiblesse de leur production. Ils seront donc, au mieux qu’un marché de niche, incapables de résoudre les problèmes climatiques inhérents à la pollution engendrée par nos modes modernes de déplacement.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 19 Octobre 2012

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Biocarburants : l’Europe amorce un timide tournant
Bruxelles propose de limiter à 5 % le recours aux produits issus de matières agricoles, dont le bilan carbone s’avère très médiocre

Bruxelles a décidé de revoir sa politique en matière d’agrocarburants. La Commission européenne en a dévoilé les grandes lignes, mercredi 17 octobre. La mesure la plus symbolique du projet de directive est une limitation à 5 % du poids des biocarburants de première génération, fabriqués à base de colza, betteraves, tournesol ou maïs, dans les transports en 2020.

Le seuil des 10 % d’énergies renouvelables dans les transports en 2020 fixé par le paquet énergie climat adopté en 2008, reste toutefois d’actualité. Mais il devra être atteint par d’autres moyens : véhicules électriques ou biocarburants dits de deuxième génération, produits à partir de déchets ou de résidus végétaux.

En terme d’affichage, Bruxelles, donne ainsi, un coup de frein clair au développement – très controversé – des agrocarburants de première génération. Mais, le texte de la directive est beaucoup plus nuancé que cet effet d’annonce ne le laisse supposer de prime abord. Comme le prouvent les multiples réactions qu’il a suscitées.

 » Le plafonnement à 5 % des biocarburants de première génération est un élément important « , affirme Jérôme Frignet de Greenpeace. De même, selon France Nature Environnement :  » La Commission fait un premier pas vers la remise en cause des agrocarburants industriels.  » Des organisations non gouvernementales (ONG), mais aussi des organisations internationales, dénoncent l’usage des matières premières agricoles en tant que carburant. Elles estiment qu’il contribue à la hausse du prix des matières premières agricoles, participent à l’insécurité alimentaire dans les pays en développement et sont une cause de la déforestation tropicale. Mercredi, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter a ainsi appelé l’Union européenne à ne pas en rester là :  » L’Europe doit avoir le courage politique d’abandonner les agrocarburants et les Etats-Unis devraient faire de même « , a-t-il déclaré en soulignant que  » la production d’agrocarburants repose sur des cultures d’exportation qui profitent peu aux petits producteurs – dans les pays en développement – « .

En coulisses, ONG et industriels, se sont livrés à un véritable bras de fer pour défendre leur position respective à Bruxelles. Sans surprise, le lobby européen des agrocarburants, regroupant les producteurs de biodiesel, de bioethanol comme le syndicat agricole Copa-Cogeca, a réagi en affirmant que  » que la politique de la Commission européenne allait décimer l’industrie des biocarburants « . Même son de cloche alarmiste du côté de la Filière française du bioéthanol jugeant  » inacceptable la proposition européenne « .

Les industriels ont pourtant des motifs de satisfaction non négligeables dans ce projet de directive qui doit encore être approuvé par le Parlement et le Conseil des ministres européens. Bruxelles y aborde un autre point sensible du dossier. Sans vraiment le trancher.

Le bilan carbone de la filière de première génération est en effet très inégal voire négatif par rapport à des carburants fossiles. En particulier lorsqu’on prend en compte leur incidence sur  » le changement d’affectation des sols « . L’enjeu est d’évaluer l’impact des agrocarburants sur les terres agricoles en partant du principe que leur essor conduit à trouver d’autres terres pour faire face aux besoins alimentaires. La Commission s’est appuyée sur l’étude très critique réalisée en 2011 par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) pour évaluer le bilan total des agrocarburants en terme d’émissions de CO2. Une démarche saluée par les ONG et vilipendée par les industriels qui juge l’étude  » faible scientifiquement.  » Mais la Commission a renoncé à en tirer des conclusions contraignantes. A cette aune, le biodiesel, aurait été particulièrement pénalisé.  » C’est une demi-mesure. On donne des chiffres pour les émissions indirectes mais on n’impose pas d’en tenir compte. La Commission laisse à chaque Etat, le choix de décider, il n’y a pas d’effet contraignant « , estime M. Frignet de Greenpeace. Pour Jean-Claude Bévillard, vice-président de FNE :  » La Commission européenne n’a pas eu le courage d’aller au bout de sa logique en dénonçant tous les impacts des agrocarburants de première génération sur l’alimentation, la biodiversité, le climat. « 

Les industriels peuvent aussi se réjouir du fait que la Commission ne remet pas en cause les politiques de soutien des Etats mises en place pour accompagner ces nouvelles filières. La France, où les productions pour les agrocarburants représentent 6 % de la surface agricole utile, est particulièrement concernée. Lors de la conférence environnementale, le 15 septembre, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait lui aussi affiché la volonté de  » freiner  » l’usage des biocarburants de première génération, plafonnant le taux d’incorporation à 7 % en 2020. Une limitation toute relative au regard des nouveaux objectifs européens. Mais cette  » inflexion  » n’a pas conduit le gouvernement à remettre en cause le soutien financier accordé à la filière jusqu’en 2015 et les licences d’exploitation des biocarburants ont toutes été renouvelées. Un effet d’aubaine pour Sofiprotéol, leader européen du biodiesel, mais aussi pour des sucriers comme Tereos ou Cristal Union. Cette politique d’incitation fiscale avait pourtant été épinglée par la Cour des comptes en janvier 2012. Celle-ci chiffrait à 3 milliards d’euros, le coût pour le consommateur entre 2005 et 2010. Un avantage fiscal de 250 millions d’euros est encore inscrit dans le projet de loi de finances 2013.

Laurence Girard


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