La loi est-elle vraiment la même pour tout le monde ?

La définition d’un périmètre (en l’occurrence, le périmètre d’usage de consommation exceptionnel (PUCE) ), n’est peut-être pas le meilleur moyen d’accéder à l’égalité à tous devant la justice.

En effet, la loi n’est pas la même pour tout le monde, quand certains magasins relevant d’un périmètre d’activité défini (par exemple le bricolage), peuvent ouvrir le dimanche… et pas les autres.

La concurrence ne s’exprime jamais par une notion de territoire mais s’exprime par l’activité ! Ainsi, les PUCE ne répondent pas au problème : c’est parce que Bricorama est attaquée par ses concurrents, qu’elle est contrainte d’ouvrir le dimanche ! Manque de chance pour elle, les concurrents sont en PUCE et pas elle… En attendant, cela induit un défaut de concurrence sur le secteur, in fine, à une non égalité de la loi pour tous.

La loi est donc très clairement mal tanquée et l’on ne peut reprocher à Bricorama d’essayer de se faire justice elle-même tant nos politiques ne comprennent rien aux notions économiques élémentaires, en mettant des garde-fous en dépit du bon-sens.

A quand la fin de l’autisme de nos politiques en matière économique ? Bricorama va devoir baisser les salaires, voire, procéder à des licenciements pour s’être faite berner indument : est-ce bien normal ?

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 2 Novembre 2012

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DIMANCHE
Travail dominical : Bricorama veut déclarer la guerre à ses concurrents
Condamnée pour avoir illégalement ouvert le dimanche, l’enseigne critique la réglementation

Gesticulations sans lendemain ou déclaration de guerre ? Bricorama envisage de poursuivre en justice deux de ses plus gros concurrents – Leroy Merlin et Castorama – au sujet du travail dominical. Condamnée, mercredi 31 octobre, par la cour d’appel de Versailles pour avoir ouvert des magasins le dimanche sans disposer des autorisations nécessaires, la chaîne de magasins de bricolage s’estime victime de textes législatifs injustes qui profiteraient – selon elle – aux poids lourds du secteur. Elle entend dénoncer cette situation en contre-attaquant devant les tribunaux.

L’imbroglio a vu le jour en début d’année lorsque le tribunal de grande instance (TGI) de Pontoise, saisi en référé par le syndicat Force ouvrière (FO), a ordonné à Bricorama de fermer des points de vente le dimanche en région parisienne, au motif qu’ils n’avaient pas le droit de recevoir des clients ce jour-là. La décision, applicable à une trentaine d’établissements, était assortie d’une lourde astreinte : 30 000 euros par magasin et par dimanche travaillé.

Le PDG, Jean-Claude Bourrelier, a fait appel de l’ordonnance du TGI tout en refusant de s’y soumettre alors qu’elle était exécutoire. Les Bricorama ont maintenu leur activité le dimanche. Au bout d’environ six mois, FO s’est tourné vers le juge de l’exécution (JEX) afin d’obtenir la liquidation de l’astreinte. Son montant, qui n’est pas encore fixé, pourrait atteindre un peu plus de 18 millions d’euros, d’après un porte-parole de la direction, ce qui est probablement sans précédent dans ce type de contentieux.

Voyant le boulet arriver, M. Bourrelier s’est démené sans compter : lettre ouverte sur une pleine page dans le Journal du dimanche, demandes d’entretiens auprès de conseillers ministériels… Rien n’y a fait.

La cour d’appel de Versailles vient de confirmer la décision du TGI de Pontoise. Le 9 novembre, le JEX va déterminer le niveau de l’astreinte. Compte tenu de la somme qui pourrait lui être réclamée, la direction de Bricorama affirme qu’elle va devoir supprimer des primes et l’intéressement versés à son personnel. Quelque 500 emplois – sur un peu plus de 2 500 en France – seraient menacés.

Dans l’entourage de Michel Sapin, le ministre du travail, on relève que le PDG de Bricorama s’est enfermé dans une stratégie consistant à braver des décisions judiciaires. Cette forme de  » fuite en avant  » aboutit à un résultat qui était prévisible, ajoute-t-on :  » La loi est la même pour tout le monde. « 

En dehors des PUCE

M. Bourrelier, lui, pense, au contraire, qu’en l’état, la réglementation façonne un système à deux vitesses et crée des distorsions de concurrence. La loi d’août 2009 a étendu les possibilités de déroger au repos dominical dans les communes touristiques et dans certaines fractions de zones urbaines – les périmètres d’usage de consommation exceptionnel (PUCE).

Or les magasins Bricorama sont implantés en dehors de ces territoires, tandis que les grands groupes, eux, s’y trouvent, s’indigne M. Bourrelier. Dans un entretien au Figaro du 7 septembre, il avait même fustigé les autorisations  » arbitrairement et étrangement distribuées  » à certaines enseignes.

Ces querelles sur la délimitation des PUCE ne sont pas nouvelles. Fin 2009, le responsable du centre commercial de Belle-Epine, à Thiais (Val-de-Marne), s’était plaint de ne pas avoir obtenu de dérogation, alors qu’à quelques centaines de mètres de là, un autre complexe s’en était vu accorder une, après avoir illégalement ouvert le dimanche durant des mois.

D’après un rapport parlementaire diffusé fin 2011, 17 demandes de classement en PUCE déposées à l’initiative de municipalités ont été repoussées par les préfets. Les motifs de rejet sont divers : absence d’usage de consommation dominicale, requête portant sur l’ensemble du territoire communal, ce qui est contraire à la loi, etc.

S’agissant des seuls magasins de bricolage, le gouvernement Fillon avait envisagé, au printemps, de prendre un décret qui leur aurait permis d’accueillir des clients le dimanche (Le Monde du 10 avril). Mais pour des raisons restées obscures, ce texte, auquel une partie du patronat s’était opposée, n’a jamais été publié au Journal officiel.

Le ministère du travail n’a nullement l’intention de reprendre ce projet de décret à son compte. Une refonte de la loi d’août 2009 n’est pas non plus à l’ordre, indique-t-on rue de Grenelle. De son côté, Bricorama étudie la faisabilité de recours contre 24 magasins Castorama et Leroy Merlin qui seraient illégalement ouverts 7 jours sur 7. Le débat sur le travail dominical est loin d’être refermé.

Bertrand Bissuel

    De 9 000 à 10 000 salariés concernés

    La loi du 10 août 2009 étend les possibilités de dérogations au repos dominical.

    Dispositif Dans les communes et zones touristiques, tous les établissements de vente au détail – à l’exception des commerces alimentaires – peuvent, sans avoir besoin d’une autorisation administrative, ouvrir chaque dimanche. Le préfet établit la liste des municipalités et le périmètre des zones concernées, sur proposition du maire. Au 1er juin 2011, 575 communes bénéficiaient de ce régime pour l’intégralité de leur territoire (41 autres pour une partie). La loi crée les périmètres d’usage de consommation exceptionnel (PUCE) ; les commerces situés en leur sein peuvent accueillir des clients le dimanche. Il y a 35 PUCE à l’heure actuelle.

    Impact D’après un rapport parlementaire diffusé fin 2011,  » le nombre de salariés potentiellement concernés par les PUCE est estimé entre 9 000 et 10 000.  » Il n’y a pas de chiffrage précis pour les communes touristiques.

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