Quand Michel Rocard se trompe sur le gaz de schiste

La mémoire a joué quelques tours à M. Rocard qui a dit que Lacq avait pu exploiter du gaz de schiste par fracturation hydrolique. En fait, de fracturation, il n’y a jamais eu.

Par contre, M. Rocard a oublié la sismicité engendrée par l’exploitation citée. Et si ce Monsieur, oh combien intelligent au demeurant, vérifiait ses dires avant de parler ?

En plus, M. Fillon a cru bon de reprendre ses dires sans vérification…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 16 Novembre 2012

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Gaz de schiste, gaz de Lacq : les erreurs de Michel Rocard et de François Fillon
La fracturation hydraulique n’a jamais été utilisée dans le sol calcaire des Pyrénées-Atlantiques

A l’occasion d’un entretien publié dans Le Monde du samedi 10 novembre, Michel Rocard indique ne pas comprendre la décision prise par François Hollande de fermer la porte au gaz de schiste pendant son quinquennat.

Depuis la loi du 13 juillet 2011, la fracturation hydraulique, seule technique disponible à ce jour pour exploiter les hydrocarbures de roche, mais dont les effets sur l’environnement (pollution des nappes phréatiques, émanations de méthane, etc.) sont potentiellement néfastes, a été interdite en France. Le chef de l’Etat marche, sur ce sujet, dans les pas de Nicolas Sarkozy.

Ce choix fait tempêter l’ancien premier ministre de François Mitterrand :  » Quand on sait que le gaz de Lacq était extrait par fracturation hydraulique sans dégâts sur place, on s’interroge. Or, la France est bénie des dieux. Pour l’Europe, elle serait au gaz de schiste ce que le Qatar est au pétrole. Peut-on s’en priver ? Je ne le crois pas. « 

Une analyse saluée dès mardi par François Fillon, candidat à la présidence de l’UMP :  » Comme Michel Rocard – décidément un des esprits les plus éclairés du pays – l’a dit : le gaz de Lacq était extrait par fracturation hydraulique et ça ne faisait de peine à personne… « 

La comparaison gaz de Lacq et gaz de schiste était tentante. Et on comprend bien pourquoi elle est venue à l’esprit de l’ancien responsable du PSU.

Etudiant à l’ENA en 1957, M. Rocard doit parfaitement se souvenir du lancement de l’exploitation du bassin de Lacq. Comme en témoignent les reportages de l’époque préservés à l’Institut national de l’audiovisuel, les milliards de mètres cubes de gaz naturel  » enfouis à 4 000 m, sous la province d’Aquitaine, celle du bon roi Henri  » devaient permettre  » de guider la France vers l’indépendance énergétique  » en diminuant d’un bon tiers nos importations de charbon.

Un Texas en plein Sud-Ouest ! La France semblait alors également  » bénie des dieux « . C’est ce même espoir qui berce aujourd’hui les partisans de l’exploitation du gaz de schiste, persuadés que le sous-sol français en regorge, même si aucune évaluation des réserves de l’Hexagone n’a été encore réalisée. Dont acte.

En revanche, côté technique, la mémoire de l’ancien député européen lui joue quelques tours.

Pour exploiter Lacq, découvert en 1951, l’industrie française a réalisé de belles prouesses techniques. Le gaz naturel était anormalement riche en hydrogène sulfuré, et les ingénieurs de l’époque ont dû inventer un acier spécial capable de résister à la corrosion.

En revanche, de fracturation hydraulique, il ne fut pas question, car  » comme tous les gisements de la région Aquitaine, Lacq est naturellement fracturé « , explique un chercheur de l’université de Pau et des pays de l’Adour (Pyrénées-Atlantiques).

Un constat confirmé par Nicolas Terraz, directeur général de Total Exploration-Production France, filiale du groupe pétrolier qui gère les puits aquitains depuis la fusion d’Elf et de Total :  » Les réservoirs disposent, c’est exact, de réseaux de fractures naturelles. La roche (du calcaire) a dû être stimulée, mais pas par fracturation hydraulique. La technique de l’acidification a été utilisée. Elle permet de faire migrer plus facilement les poches d’hydrocarbures vers le puits. C’est différent de la fracturation hydraulique, où l’injection à haute pression d’un fluide (mélange d’eau, de sable et d’adjuvants chimiques) ouvre dans le schiste des fissures qui peuvent s’étendre sur plusieurs centaines de mètres. « 

Développer Lacq fut néanmoins un défi. Dans les années 1950 et 1960, 33 millions de m3 de gaz naturel sont extraits chaque jour, de quoi assurer entre 40 % et 50% de la consommation française. Comme le confirme M. Terraz,  » à l’époque, l’impact sur l’environnement n’était pas pris en compte. On raisonnait plutôt en termes de sécurité. Et, à Lacq, la question-clé était la maîtrise des émanations de dioxyde de soufre (SO2), un gaz très toxique « .

Les progrès techniques et l’épuisement annoncé des puits, dont la grande majorité fermera fin 2013 (aujourd’hui Total produit 2,5 millions de m3 par jour), ont permis d’éliminer les rejets toxiques à 99,6 % contre 94 % dans les années 1970, selon le groupe pétrolier.

Reste un point commun au gaz de Lacq et au gaz de schiste, que Michel Rocard en revanche n’a pas évoqué : les mini-séismes.  » Quand vous changez la pression du fluide dans un sous-sol, vous en modifiez les contraintes, et êtes confrontés à une sismicité induite « , indique l’universitaire palois. A Lacq, les secousses enregistrées n’auraient jamais dépassé la magnitude 4.

A Youngstown aussi, petite ville industrielle américaine de l’Ohio, des secousses sismiques de magnitude allant de 2,1 à 4 ont été enregistrées. Une douzaine entre mars 2011 et mars 2012. Selon un rapport du département des ressources naturelles de l’Etat, rendu public le 9 mars 2012, des  » circonstances coïncidentes  » montrent que l’exploitation locale des gaz de schiste les aurait provoquées.

Marie-Béatrice Baudet


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