Quand la Cour Européenne des Droits de l’Homme abuse de son pouvoir

Très franchement, je ne vois pas en quoi l’Angleterre n’aurait pas le droit d’interdire le droit de vote aux prisonniers. Ils ont commis une faute et je conçois que l’Angleterre veuille supprimer les droits civiques à celui qui a commis un délit puni d’emprisonnement.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) abuse de son pouvoir en voulant instaurer ses règles d’autorité. Je comprends donc la réaction Anglaise.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 21 Novembre 2012

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Sept années de crise avec la Grande-Bretagne

LE NOUVEAU PRÉSIDENT de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), Dean Spielmann, fils d’un procureur général à Luxembourg qui a lui-même siégé à la Cour, connaît parfaitement les affaires françaises pour avoir présidé la section chargée des requêtes contre la France. Dix nouveaux juges, sur les 47 des pays membres du Conseil de l’Europe, viennent d’être élus et c’est ainsi une CEDH profondément renouvelée qui doit affronter l’une des crises majeures de son histoire.

C’est que le conflit s’envenime avec la Grande-Bretagne. Londres a été condamné une première fois en octobre 2005 par la Cour européenne parce qu’il privait tous ses détenus du droit de vote (arrêt Hirst), décision confirmée par la Cour en avril 2010 contre l’Autriche (arrêt Frodl), puis de nouveau, en 2011, contre le Royaume-Uni (Greens et MT). Le comité des ministres du Conseil de l’Europe – les 47 ministres des affaires étrangères -, chargé de faire appliquer les décisions de la Cour, s’en est ému en 2009 mais la Chambre des communes a, au contraire, adopté, le 10 février 2011, une motion favorable à l’interdiction, à une écrasante majorité (234 voix contre 22).

Le comité a donné un premier délai à la Grande-Bretagne pour se mettre en conformité, puis un second, jusqu’à six mois après une décision contre l’Italie (arrêt Scoppola) sur la même question  : l’ultimatum tombe le 23 novembre, et Londres n’a aucune envie de céder.

Le gouvernement de David Cameron a annoncé qu’il présenterait la veille un texte au Parlement, qui propose trois options : maintenir l’interdiction, donner le droit de vote aux détenus condamnés à moins de six mois, ou à moins de quatre ans de prison. Le coup est bien joué : le gouvernement semble faire un geste, mais les chances de faire exécuter l’arrêt Hirst restent minces. La Cour avait déjà fait preuve d’ouverture avec l’arrêt Scoppola, en acceptant que seuls les condamnés à des peines de moins de cinq ans puissent voter. Elle pourrait accepter les quatre ans, mais certainement pas que seuls les détenus condamnés à moins de six mois aient le droit de vote.

Ce n’est pas la première fois qu’un Etat rechigne à exécuter une décision. La Turquie, condamnée en 1996 à propos d’une expropriation à Chypre (arrêt Loizidou), a tergiversé jusqu’en 2003 ; la Russie et la Moldavie, condamnées en 2004 pour torture (arrêt Ilascu) en Transnistrie, ont fini par remettre en liberté les détenus, sans exécuter l’arrêt. Le droit de vote des détenus est une question sensiblement moins épineuse – ils peuvent voter en France, sauf en cas de privation des droits civiques, et ne le font guère -, mais la Grande-Bretagne en a fait une affaire de principe et ne veut pas paraître capituler. M. Cameron n’a pas caché son  » dédain pour les bureaucrates non élus de Strasbourg  » – qui sont en fait des juges et qui sont élus.

C’est un paradoxe  : la Grande-Bretagne a été l’une des premières à ratifier la Convention européenne des droits de l’homme (en 1951, la France en 1974) et n’a guère de leçons à recevoir en matière d’Etat de droit. Le Royaume-Uni n’a été condamné que 279 fois de 1959 à 2011. La France 627 fois, la Russie 1 140, la Turquie 2 404.

Le comité des ministres hérite ainsi de l’affaire. Mais  » face à un Etat farouchement récalcitrant, relève Nicolas Hervieu, l’un des meilleurs spécialistes de la Cour dans la Revue des droits de l’homme, le comité des ministres sem ble démuni « . Si les ministres estiment, contre l’avis de la Cour, que la solution votée jeudi est satisfaisante, la juridiction européenne en sortira passablement affaiblie. Avec la crise anglaise, c’est ainsi tout le système de protection européen des droits qui est fragilisé :  » Il y a un risque que l’attitude du Royaume-Uni envers les arrêts de la Cour ait un impact négatif sur les autres Etats « , s’inquiétait Nicolas Bratza, le prédécesseur de M. Spielmann.

Les Anglais, qui ont présidé six mois le comité des ministres, en ont profité pour convoquer en avril une conférence à Brighton dont le but avoué était de réduire les pouvoirs de la CEDH : elle ne devait  » pas compromettre sa réputation en contrôlant les décisions nationales qui n’ont pas besoin de l’être « , avait clairement annoncé David Cameron. La conférence n’a finalement accouché que de mesures symboliques, grâce notamment à la résistance de l’Autriche, mais aussi d’Andorre, du Luxembourg, de la Belgique, de la Pologne ou de l’Allemagne. La France, elle, a su se faire oublier pendant la crise anglaise. La précédente majorité n’a jamais caché son peu d’intérêt pour Strasbourg et soutenait en sous-main les Anglais. Le réchauffement des relations entre Paris et la Cour ne sera pas de trop pour appuyer le mandat du nouveau président.

F. J.


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