Il faut aider les héros

Elle dénonce des faits d’enrichissements de partis politiques, illégaux, et là voilà au RSA. Ne pourrait-on pas aider cette femme qui a oeuvré dans l’intérêt général en révélant de tels agissements ?

Quand on voit ce qu’elle est devenue, ça ne poussera pas d’autres à prendre leur courage à deux mains pour dénoncer les agissements qu’elle a dénoncés.

Au pire, elle peut écrire un bouquin sur ce qu’elle sait : par cette manière, elle aura un peu plus d’argent et pourra de nouveau vivre normalement. Autant assumer…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 23 Novembre 2012

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Claire Thibout :  » Si j’avais su que cela me coûterait si cher, j’aurais sans doute hésité « 

LE REGARD éteint, elle se ronge les ongles, replie ses bras contre sa poitrine comme pour se protéger, bute sur les mots… Claire Thibout est une femme brisée. L’ex-comptable des Bettencourt, dont le témoignage, en juillet 2010, fit basculer un différend familial en affaire d’Etat, est littéralement à bout. Elle a longuement hésité avant de recevoir Le Monde, dans le cabinet de son avocat Antoine Gillot, la veille de l’audition hautement médiatisée de Nicolas Sarkozy, qui la remet en pleine lumière. Pour son plus grand malheur.

 » C’est la dernière fois que je parle à la presse, annonce-t-elle, au bord des larmes. Non, je ne vais pas très bien… Je n’aspire qu’à une chose : retourner à l’anonymat le plus complet, que l’on m’oublie complètement. Je n’en peux plus qu’on parle de moi. Je ne peux plus supporter d’entendre mon nom à la télé ou à la radio, ça me donne littéralement la nausée.  » Depuis son licenciement par Liliane Bettencourt, début 2009, Claire Thibout est au chômage.

A 54 ans, elle désespère de retrouver un travail. Depuis quelques mois, elle semble résignée. Elle sent le soufre : personne ne veut prendre le risque d’embaucher la petite comptable qui a révélé la circulation d’enveloppes en liquide chez les Bettencourt, notamment celles qui auraient été destinées à Nicolas Sarkozy via Eric Woerth…  » Quand je me présente, c’est au nom de mon mari, pas de Thibout, mais ça ne suffit pas. Récemment encore, un employeur potentiel a découvert que j’avais travaillé chez les Bettencourt. Et je n’ai plus eu de nouvelles… « 

Poursuivie par le fisc

Son époux n’est pas mieux loti, contraint de mettre sa société d’informatique en liquidation, le procureur de Nanterre Philippe Courroye n’ayant jamais voulu lui rendre son matériel confisqué pour les besoins de l’enquête…  » Mes enfants voient leurs parents rester à la maison, ils n’y comprennent rien. J’emmène chez un psychiatre ma fille de 15 ans, très perturbée à force d’entendre répéter des horreurs sur moi dans certains médias, qu’on aurait « acheté » mon témoignage par exemple.  » Elle fait allusion aux 400 000 euros d’indemnités supplémentaires versées lors de son départ par la fille de Liliane Bettencourt alors en guerre contre sa mère, et qui ont jeté le trouble.  » L’enquête a prouvé ma bonne foi totale, mais certains ont toujours intérêt à laisser entendre que je ne suis pas claire « , déplore-t-elle.

Poursuivie par le fisc, elle vit désormais avec le RSA.  » Je touche moins de 500 euros par mois, alors que chez les Bettencourt j’en gagnais 11 000. Je suis contrainte de mettre en vente ma maison de campagne et mon studio à Paris.  » Paradoxalement, celle qui aurait dû être l’héroïne de l’affaire Bettencourt, dont les révélations ont été confirmées par les investigations (au point que le juge Gentil insiste dans ses auditions sur sa  » crédibilité « ), en est devenue l’une des principales victimes. Un témoin broyé par une affaire qui l’a dépassé, proie des policiers, des juges, des politiques et même des journalistes. Alors, le sort de Nicolas Sarkozy…

 » Qu’il soit mis en examen ou pas, je ne ressens rien. Je m’en contrefiche de Sarkozy, de Woerth ou de l’UMP, moi ! J’ai l’impression d’être une martienne dans cette histoire. Bien sûr, si Sarkozy a fauté, c’est normal qu’il paye, mais moi je n’en ai rien à faire, je vois surtout que tout ça a plombé des années de ma vie. Seule la déchéance de Courroye me ravit, car il m’a fait vivre des moments épouvantables qui me marqueront pour toujours. Il s’est comporté comme un voyou, prêt à tout pour me faire revenir sur mes propos, pas comme un magistrat. « 

Et si c’était à refaire ? Elle soupire, contrariée :  » Il aurait été plus simple que je ne parle pas de financements politiques. Pourtant, je n’ai fait que dire la vérité. Mais si j’avais su que cela me coûterait si cher, j’aurais sans doute hésité. Alors oui, avec le recul, je regrette, parce qu’ils ont flingué ma vie. « 

G. Da. et F. Lh.

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