Le viol devient autorisé en France

Des viols répétés en réunion et à l’arrivée, de la prison avec sursis ou de très petites peines de prison ferme. Pour les victimes, une condamnation au mal-être, à la honte et à la déchéance à perpétuité.

La cour d’assises de Créteil, son président, ses jurés ont donc failli et ont, de facto, envoyé un bien mauvais messages aux voyoux : aujourd’hui le viol est autorisé, voire incité dans les cités.

C’est une honte, c’est gerbant à souhait, mais c’est comme cela : à une faute d’une extrême gravité, on oppose des peines d’une ridicule faiblesse.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 13 Octobre 2012

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Viols collectifs : les féministes voient dans le verdict un  » permis de violer « 
La cour d’assises de Créteil a acquitté dix accusés et condamné quatre hommes à de faibles peines, jeudi 11 octobre

Jugement de Salomon  » ou  » permis de violer  » ? Appelée à se prononcer sur des viols en réunion commis sur deux jeunes filles mineures dans une cité de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) entre 1999 et 2001, la cour d’assises des mineurs de Créteil a rendu dans la nuit du 10 au 11 octobre un verdict qui a mécontenté les deux parties et a suscité l’ire des associations féministes.

Julie Muret, porte-parole d’Osez le féminisme !, a notamment dénoncé  » un signal extrêmement négatif envoyé aux femmes victimes de violences sexuelles « .  » Cette affaire ne va pas encourager les victimes à se déclarer « , a réagi la ministre de la santé, Marisol Touraine, après avoir fait part de son  » malaise  » face à cette affaire.

Après trois semaines de procès à huis clos, dix hommes ont été acquittés et quatre autres condamnés à des peines allant de trois ans avec sursis à un an de prison ferme. L’avocate générale avait requis des peines de cinq à sept ans de prison pour huit accusés. Evoquant le  » doute  » et le manque d’éléments à charge, elle s’en était remise à la décision de la cour pour les six autres.

 » S’il y a eu acquittement, c’est qu’il n’y avait pas les preuves de leur culpabilité, estime Pierrette Poncela, professeure de droit pénal à Paris Ouest-Nanterre. Ce procès était trop médiatisé pour que les jurés fassent n’importe quoi. Je ne peux pas croire à une indulgence de la cour d’assises.  » Sa collègue Wafa Ayed, chercheuse au centre de droit pénal et de criminologie à Nanterre, s’étonne pourtant d’un  » quantum des peines qui ne correspond pas à grand-chose « . Pour elle,  » c’est comme si, parce que les viols ont été commis en réunion, leurs auteurs n’étaient pas considérés comme des purs délinquants sexuels. Les peines reflètent cette ambiguïté « .

 » Qui peut être satisfait d’un arrêt qui ménage tout le monde ? « , s’interroge Me Laure Heinich-Luijer, l’avocate des deux plaignantes. Si le verdict est un  » non-sens  » pour les deux parties, juge l’avocate, c’est d’abord parce qu’il arrive trop tard.  » Treize ans après les faits, je ne voyais pas comment la justice pouvait être rendue de manière satisfaisante. « 

 » Je ne vois pas le sens de cette décision, a réagi Me Amar Bouaou, avocat d’un condamné et d’un acquitté, cité par l’AFP. On vous déclare coupable – mais avec des peines couvertes par la détention provisoire -, comme ça vous ne faites pas appel. C’est un jugement de Salomon. « 

L’association Osez le féminisme ! dénonce les  » dysfonctionnements  » de l’institution judiciaire dans ce dossier et met en avant une  » instruction bâclée  » et une  » absence de soutien  » et de  » protection  » aux victimes. Evoquant les  » insultes  » reçues par les deux plaignantes tout au long du procès de la part des accusés, Me Laure Heinich-Luijer parle, elle, d’un  » raz-de-marée insupportable « . Elle décrit ses clientes, qui vivent toujours à Fontenay-sous-Bois, comme  » effondrées  » et  » détruites  » par ce verdict.  » Aujourd’hui, je déconseille aux femmes qui ont été violées de porter plainte. Cela ne sert à rien à part ouvrir de vieilles souffrances « , a déclaré au Parisien Aurélie, l’une des deux plaignantes, qui n’a pas été reconnue comme victime.

Les critiques les plus virulentes ont été formulées par le docteur Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol, qui considère que les jurés de la cour d’assises de Créteil ont délivré un  » permis de violer « . Elle rappelle qu’environ 75 000 femmes adultes sont violées chaque année en France (et au moins autant de mineures), que moins de 10 % d’entre elles portent plainte tandis que moins de 2 % des violeurs sont condamnés par la justice.

 » Très en colère « , elle met également en cause la presse qui, en ne mettant pas le  » focus  » sur les procès où  » les viols sont bien traités par la justice « , aurait une  » responsabilité majeure dans l’atténuation et la banalisation de ces crimes sexuels « .  » Il n’y a qu’à voir le mot « tournante » s’étaler à la « une » des journaux. C’est un mot inventé par les proxénètes pour ne pas dire viols collectifs. « 

Le parquet dispose de dix jours pour décider s’il fait appel de la décision.  » Mes clientes ont du mal à souhaiter qu’il le fasse, dit Me Laure Heinich-Luijer. Pour ma part, je le souhaite pour que soit changé le message qui a été envoyé aujourd’hui à la société. « 

François Béguin

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