Un éditorial qui manque de courage

Je n’ai jamais aimé les éditoriaux, car un journaliste qui donne un avis, n’est pas un journaliste. On demande au professionnel d’informer, pas de dire ce qu’il pense.

Encore heureux parfois, tant on voit des propos mal à propos dans certains éditoriaux. Ainsi, qualifier une décision de un an de prison avec sursis de ‘courageuse’ est pour moi très clairement abusive. Elle aurait été courageuse si elle avait été beaucoup plus sévère, là, la peine n’est clairement pas à la hauteur des faits.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 20 décembre 2012

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ÉDITORIAL
La psychiatre et l’assassin : un jugement courageux

Le jugement rendu, le 18 décembre, par le tribunal correctionnel de Marseille mérite que l’on s’y arrête. Dans cette affaire, un meurtrier, Joël Gaillard, avait été considéré comme pénalement irresponsable de l’assassinat qu’il avait commis en 2004. En réaction au non-lieu prononcé, logiquement, par les juges, le fils de la victime a porté plainte. Et la psychiatre, Danièle Canarelli, médecin du futur assassin, vient d’être déclarée coupable d’homicide involontaire et condamnée à un an de prison avec sursis.

 » L’impunité de principe ne saurait exister, l’opinion publique ne le supporte pas « , a rappelé le président du tribunal de Marseille. Chaque fait divers mettant en cause un malade mental ou un condamné récidiviste en fournit la démonstration : l’opinion a besoin de désigner un responsable. Surtout lorsqu’un tel drame est exploité politiquement.

L’article 121-3 du code pénal, qui vaut au docteur Canarelli d’avoir été poursuivie et condamnée, est issu de la loi Fauchon du 10 juillet 2000 sur les délits non intentionnels susceptibles d’être reprochés aux décideurs publics. Cette loi a été conçue, notamment, pour protéger les élus locaux confrontés à une augmentation des procédures mettant en cause leur responsabilité pénale dans des affaires concernant, par exemple, l’hygiène, la sécurité du travail ou les accidents de la circulation.

Désormais, en cas de lien indirect entre la faute et le dommage, le délit n’est constitué que s’il y a eu  » violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité « . Le prévenu ne peut être condamné que s’il a commis  » une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer « .

Ainsi, dans le cas du docteur Canarelli, l’instruction a fait apparaître une succession de fautes. Le réquisitoire le plus terrible sur le suivi thérapeutique qu’elle avait mis en place pour Joël Gaillard n’est d’ailleurs pas venu des juges, mais de son collègue psychiatre désigné comme expert, Jean-Claude Archambault : ce dernier a souligné que le docteur Canarelli s’était enfermée  » dans le déni « .

Les juges de Marseille ont pris soin de fermer la porte à toute interprétation extensive de leur décision. Il ne s’agit pas de juger les psychiatres ou la psychiatrie, ont-ils assuré. Mais de déterminer si, dans cette affaire, des fautes ont été commises. Car les psychiatres ne sont pas les seuls intéressés, ou préoccupés, par cette décision.

Parmi ceux qui guettaient avec appréhension la motivation du tribunal figurent… les magistrats eux-mêmes, et notamment les juges d’application des peines. En écho à l’inquiétude manifestée par un certain nombre de leurs collègues, le jugement relève d’ailleurs que  » les magistrats savent que la prédictibilité et le risque zéro n’existent pas « . En outre, le tribunal fait la distinction entre ceux qui  » agissent et réagissent dans l’urgence « , à l’égard desquels la justice doit se montrer compréhensive, et ceux qui bénéficient de la durée mais persistent dans l’erreur.

De la part de magistrats qui, en l’occurrence, peuvent être considérés comme juges et parties, la décision rendue à Marseille ne manque pas de courage.


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