Il faut faire sortir les partenaires sociaux du système de l’indemnisation chômage

Il faut être clair : il faut faire sortir les partenaires sociaux du système de l’indemnisation chômage. Ce système doit être donné entièrement au pouvoir régalien : les syndicats n’ont pas à intervenir dans un système où ils ne sont pas contributeurs directs.

Il est du ressort de l’état de gérer l’argent du contribuable. Ce rôle ne doit en aucun cas être dévolu aux partenaires sociaux car cela ajoute de la complexité qui est néfaste à l’intérêt général et coûte beaucoup d’argent, comme l’a révélé le rapport de la Cour des Comptes.

Tout ce qui est complexe coûte plus.

L’architecture du système, avec une assurance-chômage gérée par les partenaires sociaux au sein de l’Unedic et des minima sociaux (RSA et ASS) gérés par l’Etat et les départements, n’est-elle pas à bout de souffle ? Assurément. Pourquoi ne pas être allé au bout de la fusion ANPE- Assedic en faisant disparaître l’Unedic ? Je ne le sais pas, mais ce que je sais c’est que le système doit être simplifié et doit aboutir à l’éviction pure et simple des partenraires sociaux dans le dispositif.

Ainsi, les partenraires sociaux pourront rejoindre leur entreprise où ils seront bien plus utiles pour les salariés.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 16 Mars 2013

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Les chômeurs désarçonnés par les règles d’indemnisation
Le ministre du travail, Michel Sapin, reçoit les associations vendredi 15 mars. Depuis l’immolation par le feu de Djamal Chaar à Nantes, le 13 février, Pôle emploi a dû recourir une cinquantaine de fois à la police ou aux pompiers face à des menaces de suicide

Depuis l’immolation par le feu d’un chômeur à Nantes, le 13 février, Pôle emploi fait face à une véritable vague de menaces de suicide. Dans toute la France, des chômeurs s’en prennent aux agents et menacent d’en finir : en un mois, selon la direction, plus d’une cinquantaine de cas ont donné lieu à une intervention des pompiers ou de la police.

Parfois, les menaces n’étaient pas sérieuses ou étaient un simple moyen de pression. Mais depuis Nantes, Pôle emploi, à cran, appelle systématiquement les services de secours. Cette effrayante tendance devrait être au coeur de la rencontre du ministre du travail Michel Sapin avec les associations de chômeurs, vendredi 15 mars.

 » Nous assistons à une forme de recrudescence depuis l’affaire de Nantes « , convient Jean Bassères, le directeur général de Pôle emploi. Celui-ci s’inquiète :  » Les conseillers font face à une tension très forte. La situation est actuellement très difficile sur le terrain, les agents doivent en plus faire face à la terrible image que donnent ces immolations.  » M. Bassères  » n’est pas en mesure d’expliquer cette vague « . Mais tous les regards se tournent vers les problèmes de l’assurance-chômage, qui génèrent parfois frustration et sentiment d’injustice.

Djamal Chaar, le chômeur qui s’est immolé par le feu devant son agence à Nantes, avait annoncé son geste, le justifiant par le refus de Pôle emploi de l’indemniser. Travailleur temporaire, il n’avait pas déclaré toutes ses heures effectuées à l’organisme, qui avait donc refusé, conformément à la législation, de les prendre en compte pour ouvrir de nouveaux droits.  » Au vu de son acte dramatique, nul doute qu’il en éprouva un profond sentiment d’injustice, devenu pour lui irréversible « , a alerté le chercheur Nicolas Renahy, dans les colonnes du Monde, vendredi 8 mars. M. Chaar avait d’ailleurs écrit à la presse locale sa révolte face à ces règles.

Même scénario à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine), le 6 mars, où un chômeur de 59 ans s’est aspergé d’essence dans son agence, avant d’être maîtrisé par les conseillers. Cette fois-ci, ce cadre n’avait pas compris pourquoi, alors qu’il avait de nouveau travaillé, sa période d’indemnisation n’était pas prolongée.

Là encore, la décision était conforme à la réglementation, mais incompréhensible pour le chômeur.  » Face à la crise, la détresse des chômeurs est de plus en plus prégnante « , s’inquiète Jacques-Henri Vandaele, le président du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), qui constate que Pôle emploi  » ne peut pas faire face à l’explosion du chômage « . Mais il met aussi en cause l’organisation de l’indemnisation.  » La plupart des chômeurs ne comprennent pas comment marche le système, notamment le passage entre l’assurance-chômage, gérée par l’Unedic, et les minima sociaux – revenu de solidarité active ou allocation spécifique de solidarité – . « 

Même constat du côté du médiateur de Pôle emploi, Jean-Louis Walter :  » Les conseillers ont de moins en moins de temps pour expliquer les règles qui sont trop compliquées, notamment celles sur l’activité réduite. Je passe une grande partie de mon temps avec des spécialistes de l’Unedic pour les comprendre et les expliquer aux chômeurs qui me saisissent. Il est urgent de les simplifier. « 

Dans les agences, les chômeurs ne trouvent pas toujours de conseiller en mesure de répondre à leurs questions. Les règles sont si complexes qu’il faut plusieurs mois aux agents spécialisés dans l’indemnisation pour les maîtriser totalement. Et ceux-ci ne se trouvent bien souvent pas à l’accueil.  » Les agents à l’accueil ne parviennent pas toujours à expliquer les décisions d’indemnisation avec les mots de chômeurs « , convient Bernie Billey, déléguée CFDT, premier syndicat de personnel à Pôle emploi, qui plaide pour une amélioration de la formation des conseillers.

Les situations les plus délicates sont celles où les chômeurs alternent activité réduite et périodes de chômage, à qui il faut recalculer les droits régulièrement, sans que les chômeurs ne saisissent toujours les résultats.  » Il m’a fallu un certain temps pour comprendre les règles de cumul activité-chômage « , admet M. Bassères lui-même.

Le directeur général de Pôle emploi plaide depuis longtemps auprès de l’Unedic pour simplifier les règles. Mais l’organisme, qui s’occupe de définir celles-ci, est géré de manière autonome par les partenaires sociaux et ne compte pas les réétudier avant la prochaine négociation d’assurance-chômage, prévue cet automne. En attendant, un groupe de travail sur la simplification existe bien entre les deux institutions, mais il ne s’est pas réuni une seule fois depuis le drame de Nantes. Les responsables de l’Unedic refusent par ailleurs de voir dans la complexité des règles l’origine unique de la vague de suicides, et estiment que c’est d’abord à Pôle emploi d’améliorer la formation de ses conseillers.

Le sujet est pourtant sur la table depuis bien avant la vague d’immolations. Dans son rapport sur les politiques de l’emploi du 22 janvier, la Cour des comptes s’inquiétait déjà de  » la complexité de l’articulation entre les différents dispositifs, qui peuvent, dans quelques cas, être à l’origine de situations sociales difficiles « . Dans sa ligne de mire : l’incompréhensible cloisonnement entre indemnités chômage et minima sociaux, gérés par des organismes différents. Les associations de chômeurs plaident pour que Pôle emploi gère seul toutes les allocations, y compris le RSA.  » Il faut un système universel et unifié pour indemniser le chômage « , défend M. Vandaele.

Une issue contestée par la plupart des partenaires sociaux.  » Il faut faire attention à la simplification, alerte ainsi Françoise Kermorgant, déléguée Force ouvrière. Les règles actuelles sont complexes parce qu’elles permettent de prendre en compte la diversité des situations pour indemniser les chômeurs. Simplification peut être synonyme de baisse des droits. Au Royaume-Uni, c’est très simple, il y a un même forfait, très bas, pour tout le monde. Je ne pense pas que ce soit mieux qu’en France. « 

L’Unedic défend aussi la spécificité de l’assurance-chômage face aux minima sociaux, pour justifier son existence autonome, à côté de Pôle emploi.  » A partir du moment où on fusionnait l’ANPE et les Assedic, on aurait pu aller au bout de la logique, glisse pourtant Jean-Louis Walter, lui-même ancien négociateur pour la CFE-CGC de convention assurance-chômage. Je ne suis pas sûr que le grand public comprenne très bien les différences entre toutes nos institutions.  » Des différences d’autant moins acceptables pour les chômeurs quand elles aboutissent à des règles qu’ils jugent injustes ou incompréhensibles.

Jean-Baptiste Chastand


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