Quand nos enseignants profitent du système (1/2)

Dans le monde de l’éducation, il y a une classe d’élèves qui profitent de la situation : les fils d’enseignants.

Même par rapport aux fils de cadre, ils sont en avance.

Alors pourquoi ?

Pour trois raisons principales :

1. Ils connaissent les ‘trucs’ à faire pour pouvoir bénéficier de la meilleure éducation en se trouvant dans les meilleures classes.

2. Par leur copinage, ils bénéficient de passe-droits qui leur permettent d’avoir la priorité par rapport aux autres élèves

3. Les enseignants ont beaucoup de temps. Ils sont très loin de faire leur 35h par semaine, alors ils peuvent s’occuper de leurs enfants et les assister.

Cette situation n’est pas normale car elle brise l’égalité qui devrait prévaloir entre nos citoyens.

Le corps enseignant est gangrainé par un syndicalisme d’un autre âge qui empêche toute réforme d’envergure. Maintenant, on a aussi la preuve que ce sont eux qui profitent le plus du système.

A quand donc une réforme d’envergure capable de redonner plus d’égalité entre tous les élèves en forçant les enseignants à travailler plus pour la communauté et un peu moins pour leurs propres enfants ?

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 9 Mai 2013

**********************

Enfants d’enseignants, ces  » chouchous  » de l’école
Des chercheurs veulent expliquer la suprématie scolaire des fils et filles de profs, désormais statistiquement établie

La peur de l’école ? La plupart des enfants d’enseignants ignorent ce que c’est. Pour eux, l’école est un territoire familier, presque un prolongement de leur foyer.  » On est dans le moule dès la plus tendre enfance « , témoigne Anne, 38 ans, agrégée d’espagnol, qui marche sur les traces de ses parents, tous deux enseignants.  » On entend parler d’éducation à table, on intègre les codes, les attentes de l’école…  » Un sentiment partagé par François, 45 ans, professeur des écoles en banlieue parisienne, fils et petit-fils d’instituteurs.  » Il n’y a pas de séparation entre la sphère familiale et la sphère scolaire, note-t-il. Très tôt, j’ai compris ce qu’on attendait d’un bon élève, d’un bon lecteur, d’un bon scripteur… « 

Toujours premiers de la classe, les enfants de  » profs  » : c’est ce qui se murmure entre parents lors des réunions de classe. A ce préjugé favorable, Annie Lasne, enseignante et formatrice, a donné une base statistique fiable. Dans le cadre de sa thèse de doctorat, soutenue en novembre 2012 à l’université de Bourgogne, elle a isolé les résultats scolaires des enfants de professeurs – du primaire et du secondaire – de ceux des enfants de cadres et de professions intellectuelles supérieures.

Des chiffres : 97,5 % des enfants d’enseignants quittent le CM2 à l’heure ou en avance, contre 94,5 % des enfants de cadres. Ils sont 5 % de plus à n’avoir jamais redoublé au collège et au lycée. Ils ont aussi 3 % de chances de plus de décrocher le baccalauréat… Un  » bac S  » pour 46 % d’entre eux, contre 43 % pour les enfants de cadres.  » La différence peut sembler ténue, mais elle est récurrente dès le plus jeune âge, souligne Annie Lasne, et elle va dans le sens d’un avantage constant donné aux enfants d’enseignants, au primaire et plus encore au secondaire. « 

C’est que leurs parents savent, sans doute bien mieux que quiconque, privilégier ce que le système peut offrir de plus  » efficace  » d’un point de vue scolaire. Allemand plutôt qu’anglais en LV1, options dites de distinction comme le grec et/ou le latin, mais aussi la musique ou le cinéma, classes à horaires aménagés, classes bi-langues ou européennes… Tout en valorisant la culture au sens académique, ils contribuent, à travers ces choix d’orientation, à ce que leurs enfants se retrouvent  » entre bons élèves « .

 » L’avantage que confère la connaissance fine des arcanes de l’école s’est renforcé avec la complexification du système « , note le sociologue Yves Dutercq, qui vient de publier Les Bons Elèves (avec Carole Daverne, éd. PUF).  » Posséder les bonnes informations, savoir frapper aux bonnes portes pour éviter les mauvaises classes est évidemment plus facile quand vous venez de la « maison ».  » Pour ce professeur d’université, la maîtrise des codes de l’école compte, et pour beaucoup, dans ce qu’il nomme la  » surréussite  » de ces enfants.

Que dire, alors, de leur accompagnement quotidien ?  » La réussite scolaire se prépare dans l’ordinaire des situations familiales, explique Annie Lasne. Les activités domestiques ou de loisirs conduisent à la construction de compétences valorisées à l’école. Peu importe l’activité : ce qui compte c’est l’utilisation qui en est faite, au profit de compétences cognitives. Les parents enseignants installent une continuité des pratiques et des valeurs entre les sphères familiale et scolaire. « 

La sociologue Agnès Van Zanten, qui coordonne, depuis septembre 2012, au sein du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP/Sciences Po), une enquête de deux ans sur la scolarité des enfants d’enseignants, porte toute son attention sur ces  » pratiques culturelles « .  » Elles ont suivi l’évolution de la société pour se normaliser, devenir plus éclectiques, observe la chercheure, mais elles sont plus régu liè res et plus intensives q ue dans d’autres familles… ne serait-ce que parce que les enseignants ont une maîtrise de leur emploi du temps que d’autres n’ont pas « . Un  » capital temps  » qui, associé au  » capital culturel « , pèse davantage que le  » capital économique « .

Depuis le Québec, où elle effectue un post-doctorat, Géraldine Farges, chercheure associée aux travaux d’Agnès Van Zanten, entend mesurer précisément ce  » capital temps « .  » Nos premières observations montrent que les enseignants ont une disponibilité de l’ordre de 1 h 50 au quotidien – pour des enfants de moins de 6 ans -, contre plutôt 1 h 30 chez les cadres, explique-t-elle, et la différence est plus forte le mercredi. Reste à regarder de plus près la manière dont ce temps est investi. « 

 » Surinvesti, même « , renchérit Marie Duru-Bellat, professeure à Sciences Po Paris.  » Dans les foyers enseignants, tout – ou presque – devient objet de préoccupation éducative, souligne-t-elle. Ces parents vont « rentabiliser » les activités les plus banales, sans en être toujours conscients, et en plaçant la barre haut.  » Attestée jusqu’au lycée, la  » surréussite  » des enfants d’enseignants n’est pas confirmée après le baccalauréat. D’autres facteurs entrent alors en ligne de compte – le coût des études, l’expérience du secteur privé qui fait défaut, l’absence de  » réseau « …

 » Les parents enseignants sont persuadés que les établissements et les facs se valent, que la valeur d’un enseignement dépend uniquement de l’engagement et du travail personnel… « , explique Louna, 35 ans. Cette ex-juriste a passé sur le tard le concours d’institutrice après avoir grandi en Vendée aux côtés d’une mère directrice d’école.  » C’est en ce sens qu’ils vivent sans doute un peu dans un monde idéal ! « 

Un monde idéal, mais qui ne profite pas à tous, selon le sociologue François Dubet.  » Dans tous les pays, les compétences des parents jouent un rôle dans la formation des inégalités scolaires, rappelle-t-il. Le problème, c’est que ces mécanismes sont plus accentués en France, et que les inégalités qui se révèlent à l’école sont plus importantes que ce que supposeraient les seules inégalités sociales.  » Pas facile pour les enseignants d’inverser la donne, alors que le système bénéficie, en premier lieu, à leurs enfants.

Mattea Battaglia

Please follow and like us: