L’amnistie doit profiter à l’intérêt général, non à quelques nantis !

L’amnistie a été prononcée au nom de quoi ? C’est cette question et elle seule qui doit être prise en compte dans un tel dossier, dans une démocratie normalement constituée.

L’amnistie ne peut s’opposer à la réalité : ça serait trop facile pour un politique de faire voter une loi d’amnistie pour que tout le monde n’ait d’autre choix que de fermer sa bouche !

La liberté d’information et la liberté d’expression doit demeurer la pierre angulaire de n’importe quelle démocratie. Les faire éteindre par des actes d’amnistie relève purement et simplement de la dictature.

La paix sociale n’est pas baffouée quand on parle du Conseil de l’ordre des médecins. Ainsi, la liberté d’expression prend le pas sur cette paix dans cette affaire.

M. Rudyard Bessis ne peut donc pas être poursuivi pour avoir dénoncé des faits d’agissement, même prescrits, car il en va ainsi dans un pays démocratique de pouvoir user de sa liberté d’expression.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 23 Mai 2013

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Le Conseil constitutionnel saisi pour arbitrer un débat juridique entre liberté d’expression et droit à l’oubli
Une question prioritaire de constitutionnalité a été examinée mardi 21 mai

D’un côté, un praticien, Philippe Rudyard Bessis, radié de l’ordre des chirugiens-dentistes pour avoir dénoncé dans la presse les dérives financières dudit ordre. De l’autre, le conseil de l’ordre, qui rappelle que les condamnations judiciaires – prononcées par le tribunal correctionnel de Paris en septembre 2006 – auxquelles M. Bessis fait référence ont été amnistiées et que le fait de les évoquer est passible d’une condamnation pénale.

A l’arrivée, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portée devant le Conseil constitutionnel mardi 21 mai, visant un article de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. Que dit celui-ci ? Que  » la vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne (ou) lorsque l’imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision « .

Autrement dit, comme l’a plaidé Me Christophe Bigot, avocat de M. Bessis,  » une personne poursuivie pour diffamation est privée du premier moyen de se défendre, c’est-à-dire la possibilité de rapporter la preuve des faits lorsque ceux-ci sont amnistiés « . Ainsi, a-t-il argumenté, un journaliste ou un historien faisant état de faits de torture commis pendant les guerres coloniales et amnistiés se heurterait à cette interdiction d’apporter la preuve de la vérité.

Or, a-t-il rappelé,  » l’amnistie efface la sanction pénale, elle n’efface pas le fait « . Avec ce paradoxe que le fait de rendre compte, dans ces colonnes, de ce débat juridique, en évoquant la condamnation initiale, est répréhensible.

L’avocat s’est appuyé sur la décision de QPC du 20 mai 2011 du Conseil constitutionnel portant sur un autre alinéa du même article de loi qui interdisait, de la même manière, d’apporter la preuve des faits lorsque ceux-ci remonteraient à plus de dix ans. Au nom de la liberté d’expression, le conseil l’avait déclaré contraire à la Constitution.

 » Paix sociale « 

Pour Me Frédéric Thiriez, représentant le conseil de l’ordre, l’analogie n’est pas justifiée. L’article 133-11 du code pénal interdit de rappeler une condamnation amnistiée, a-t-il rappelé. Il est admis, a-t-il estimé, que la liberté d’expression peut être restreinte  » au nom du droit à l’oubli, dans un objectif de recherche de la paix sociale « .

En outre, a insisté Me Thiriez, l’interdiction n’est  » ni générale ni absolue « . La loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes a complété l’article 35 en permettant au prévenu de  » produire pour les nécessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, des éléments provenant d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction ou de tout autre secret professionnel s’ils sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires « .

L’abrogation de cet article, a conclu l’avocat, aurait  » des conséquences tout à fait disproportionnées  » :  » Toute personne pourrait faire état de condamnations amnistiées, qu’elle soit de bonne ou de mauvaise foi, y compris pour des buts nauséabonds, de vengeance personnelle « . La décision sera rendue le 7 juin.

Patrick Roger


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