La mort d’un grand Monsieur

C’est un grand constitutionnaliste que l’on a perdu. Il est donc normal que l’on lui rende un dernier hommage par rapport à ce qu’il a fait pour la France et dans l’intérêt général. Il était contre le cumul des mandats, ce qui en faisait un grand homme. Tout le monde ne peut pas en dire autant : n’est-ce pas M. Weil ?

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 28 Mai 2013

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Le constitutionnaliste Guy Carcassonne est mort
Agé de 62 ans, le professeur de droit avait été conseiller du premier ministre, Michel Rocard
Guy Carcassonne est mort dimanche 26 mai à Saint-Pétersbourg, en Russie, où il était en voyage avec son épouse, la dessinatrice Claire Bretécher. Il a succombé à une hémorragie cérébrale. Il était âgé de 62 ans. Professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-X-Nanterre, commentateur avisé des institutions, il avait été membre du cabinet de Michel Rocard, chargé des relations avec le Parlement, lorsque celui-ci était premier ministre, de 1988 à 1991. Un engagement qu’il concevait comme un prolongement de sa filiation mendésiste.

Pour son mémoire de doctorat, il avait choisi comme sujet Pierre Mendès France, dont il revendiquait  » une exigence éthique dans le combat politique, une volonté de rectitude et de franchise pouvant aller jusqu’à la brutalité « . Autant de traits de caractère dont lui-même n’était pas dépourvu.  » Carcasse « , étiqueté comme rocardien, n’a pas toujours eu avec ses amis socialistes des rapports commodes. Il n’en a pas moins été un influent conseiller, recruté dès la fin des années 1970 par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale comme conseiller juridique.

Cet ancien joueur de rugby – jeune, il a joué au Paris Université Club – se plaisait à établir un parallèle entre la Constitution et le rugby :  » Dans les deux cas, vous avez une règle du jeu faite pour atteindre un optimum entre les contraintes qu’elle fait peser pour les joueurs et les libertés qu’elle reconnaît. En rugby comme en politique, la règle du jeu est un vecteur de civilisation. « 

Tout au long de sa carrière, il a gardé le goût de la liberté, y compris dans ses extravagances vestimentaires, peu soucieuses du  » bon goût « . Le goût du jeu aussi. Ainsi excella-t-il dans le jeu parlementaire lorsque Michel Rocard était à Matignon mais ne disposait pas d’une majorité suffisante. C’est à lui que revenait de parvenir à composer des majorités à géométrie variable afin d’éviter, autant que possible, le recours au 49-3. On le voyait alors rôder dans les couloirs et les coulisses du Palais-Bourbon, humer l’atmosphère, écouter les uns et les autres, négocier d’habiles compromis.

Guy Carcassonne, élève du doyen Georges Vedel, qui avait préfacé son premier ouvrage majeur, La Constitution, paru en 1996, était un des constitutionnalistes en exercice les plus sollicités. De la Constitution de 1958, il considérait qu’elle était assez souple pour s’adapter aux évolutions du système politique. Ce qui, à ses yeux, n’interdisait pas de la retoucher. A ce titre, il avait contribué au Comité de réflexion sur la modernisation des institutions mis en place en 2007 par Nicolas Sarkozy et présidé par Edouard Balladur.

Revaloriser le Parlement

Il ne pouvait totalement se satisfaire des réformes qui en étaient ressorties. Il militait notamment pour une réelle revalorisation du Parlement. Pour lui, une des conditions était la limitation radicale du cumul des mandats, qu’il considérait comme une des causes premières du déclin du Parlement.  » Le cumul des mandats est une plaie, écrivait-il dans une tribune publiée dans Le Monde en mai 2010. Cautériser la plaie implique de trancher définitivement la relation incestueuse qu’ont entre elles les carrières nationale et locale.  » Le moins que l’on puisse dire est que les atermoiements du gouvernement sur ce point depuis l’élection de François Hollande lui laissaient un goût amer. Il n’en continuait pas moins de lui prodiguer ses conseils.

Patrick Roger


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