Quand le citoyen fait de la politique en dénonçant les abus

Ces « délateurs » n’en sont pas car ils cherchent, par la divulgation des faits dont ils sont au courant, à promouvoir l’intérêt général. L’existence des ces  » whistleblowers « , outre-atlantique, est une avancée démocratique indéniable car elle est une aide à l’information précieuse pour tous les citoyens.

Quand les politiques mentent au citoyen, il ne reste souvent que ce moyen au citoyen de connaître la vérité.

A quand cela en France ?

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 11 Juin 2013

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Les  » whistleblowers « , une tradition américaine de dénonciation civique

CE NE SONT PAS DES DÉLATEURS car leurs motivations sont moralement élevées, plutôt des dénonciateurs, désireux d’informer l’ensemble de la société de son dysfonctionnement en révélant des informations tenues secrètes. Les  » whistleblowers  » – traduit en français par  » lanceurs d’alerte  » – défraient la chronique de la vie politique américaine depuis des décennies.

Edward Snowden, 29 ans, le collaborateur de la National Security Agency (NSA) qui vient de révéler l’intrusion de cette agence dans les communications privées, apparaît comme le frère de combat de Bradley Manning. Ce dernier, jeune soldat américain analyste du renseignement en Irak, qui a transmis à WikiLeaks des centaines de milliers de documents classés secret-défense, est jugé depuis le 3 juin en cour martiale. L' » affaire NSA-Snowden  » ne devrait d’ailleurs pas manquer d’avoir des répercussions sur le procès où Bradley Manning risque la prison à vie pour  » collusion avec l’ennemi « .
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Mais les hautes responsabilités d’Edward Snowden et les motivations éthiques qu’il avance, évoquent davantage le personnage de Daniel Ellsberg, qui, en 1971, avait contribué à retourner l’opinion américaine jusque-là favorable à la guerre du Vietnam. Economiste formé à Harvard, salarié de la Rand Corporation, un organisme de recherches considéré comme un appendice des services secrets, ex-  » marine  » et haut fonctionnaire du Pentagone, Daniel Ellsberg organisa la fuite des  » Pentagon papers « , quarante-trois volumes ultra-confidentiels de 7 000 pages sur l’origine de l’engagement des Etats-Unis au Vietnam.

Guerre injuste

Publiée par le New York Times à partir du 13 juin 1971, la série d’articles qui s’ensuivit dénonçait les mensonges systématiques des différentes administrations, depuis Eisenhower à Nixon, destinés à justifier l’engagement américain au Vietnam, ainsi que leur cynisme à propos de son issue.  » Je n’avais aucun doute, déclarera plus tard Daniel Ellsberg, mon gouvernement était impliqué dans une guerre injuste qu’il entendait poursuivre et même élargir. Des milliers d’hommes jeunes en mouraient chaque année. « 
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 » Le fils de pute !  » s’exclamera Richard Nixon en découvrant le premier article. Le président américain envoya même une équipe de  » plombiers  » au cabinet du psychiatre de Daniel Ellsberg pour tenter de le discréditer et tenta de faire verser de grandes quantités de LSD dans sa soupe. Son procès se termina triomphalement en 1973 par une annulation des poursuites, après que sa défense eut démontré des écoutes illégales et des preuves fabriquées.

Devenu le père de tous les  » whistleblowers  » et une icône de la gauche pacifiste, Daniel Ellsberg, aujourd’hui âgé de 82 ans, a pris publiquement la défense du soldat Manning.

Plus récemment, la presse américaine a relaté les mésaventures d’un autre  » whistleblower « , William Binney, 69 ans, un retraité de la NSA mis en cause dans l’enquête consécutive à des révélations du New York Times, en 2005, sur les écoutes pratiquées par l’agence. Prenant sa douche chez lui un matin de 2007, M. Binney s’est trouvé encerclé par une douzaine d’agents armés. Depuis lors, il a été mis hors de cause, mais la NSA lui a retiré sa licence de sécurité, le forçant à dissoudre la société prospère qu’il avait créée avec d’anciens collègues.

Philippe Bernard

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