Des pratiques honteuses au sein de l’administration

L’administration est un bien public. A ce titre, elle se doit d’être exemplaire en fournissant des informations à tous les citoyens. Ce sont les citoyens, par leurs impôts qui font vivre l’administration, elle se doit, en retour d’être exemplaire en fournissant les informations utiles au citoyen.

C’est parce que ce travail n’est pas fait, que l’administration est condamnable ! Il faut cesser ces pratiques honteuses car elles sont assimilables à de la trahison envers le citoyen !

Il est particulièrement honteux que le citoyen n’ait d’autre recours que d’aller se plaindre au Tribunal Administratif pour obtenir des informations qu’il est en droit de recevoir !

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 19 Juin 2013

**************

Le culte du secret reste fort dans l’administration
Les avis de la Commission d’accès aux documents administratifs ne sont pas forcément suivis par les agents

Jacques-Olivier Teyssier est du genre taquin avec l’administration. Fondateur de Montpellier journal, un site d’informations locales  » poil à gratter « , il s’adresse régulièrement aux collectivités locales et aux services déconcentrés de l’Etat pour leur demander des comptes. Tantôt, ses requêtes portent sur les dépenses de communication d’une intercommunalité ; tantôt, il réclame le montant des aides publiques accordées à des clubs sportifs. Dans certains cas, les informations lui sont communiquées – avec plus ou moins de bonne volonté. Dans d’autres, il se heurte à un  » non  » catégorique ou – ce qui revient au même – au silence.

Courant mars, M. Teyssier a souhaité obtenir la liste des communes de l’Hérault qui sont surveillées de près par l’Etat à cause de leurs difficultés financières. La direction générale des finances publiques (DGFIP) n’a pas voulu la lui fournir. Il s’est alors tourné vers la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), une instance qui peut être saisie par toute personne à laquelle l’administration a refusé de remettre des pièces. Le 11 avril, la CADA a rendu un  » avis favorable  » à la demande du journaliste.

Mais la DGFIP, qui n’est pas tenue de s’y conformer, n’a rien transmis à M. Teyssier.  » Il s’agit d’éléments d’un système d’alerte qui ont un caractère préparatoire et non pas décisionnel, justifie-t-on à Bercy. Leur vocation est d’apporter des conseils aux collectivités territoriales. Ils ne sont donc pas communicables au public. « 

Est-ce que ce cas de figure est fréquent ? Non, d’après les statistiques de la CADA : en 2012, moins de 20 % de ses  » avis favorables  » n’ont officiellement pas été suivis par l’administration, soit parce que le service concerné s’y est opposé, soit parce qu’il était dans l’incapacité de le faire (document perdu, détruit, etc.).

Cet indicateur, qui a peu varié au cours des cinq dernières années, pourrait laisser penser que la transparence est la règle et l’opacité l’exception. Mais la réalité s’avère difficile à cerner car il y a beaucoup d’ » avis favorables  » dont le sort n’est pas connu : 36,5 % l’an passé contre 21,5 % en 2008, ce qui montre, au passage, que le phénomène s’aggrave, alors même que l’administration est obligée d’indiquer à la CADA ce qu’elle fait. Quant aux  » avis favorables  » dont on est sûr qu’ils sont suivis, leur part n’a cessé de baisser : elle atteignait 65,5 % en 2008 avant de passer sous la barre des 50 % en 2012.

Cette situation est gênante pour évaluer l’efficacité de la CADA. Son président, Serge Daël, dit en avoir conscience. Pour améliorer son niveau de connaissances sur le traitement réservé à ses avis, la Commission mise sur un surcroît de  » pédagogie  » à l’égard des fonctionnaires. Elle envisage aussi de leur envoyer des lettres de relance plus fermes.

Restent les dossiers où l’administration, en désaccord avec un  » avis favorable  » de la CADA, choisit de ne pas s’y soumettre. Ces divergences prouvent que les usagers des services publics  » se heurtent encore souvent au culte du secret, trop présent chez les agents publics « , commente un responsable d’administration centrale. Cette attitude, ajoute-t-il, existe y compris chez  » les plus jeunes, qui n’ont pas intégré les lois sur la motivation des actes administratifs et sur la communication de ces actes « .

L’administration est d’autant plus rétive à se plier à la CADA que le sujet est sensible. Exemple relativement récent : la décision de la Commission nationale des comptes de campagne (CNCC) qui a rejeté, en décembre 2012, ceux de Nicolas Sarkozy, estimant qu’il avait dépassé le plafond des dépenses autorisées lors du dernier scrutin présidentiel. Une journaliste du site Mediapart a demandé à la CNCC de lui transmettre sa décision. Sans succès. Elle s’est ensuite tournée vers la CADA, qui a émis un  » avis favorable  » à sa requête.

Mais la CNCC a maintenu sa position initiale de refus en invoquant le fait que M. Sarkozy avait saisi le Conseil constitutionnel pour contester le rejet de ses comptes de campagne. Avant de répondre par la négative à la journaliste de Mediapart, elle a consulté Jean-Louis Debré, le président du Conseil constitutionnel. La CADA avait, pour sa part, développé une analyse juridique très différente : pour elle, l’existence d’un recours à l’initiative de M. Sarkozy ne faisait pas obstacle à la communication de la pièce réclamée. Le comportement de la CNCC  » risque de nourrir l’idée – peut-être à tort – qu’elle a quelque chose à cacher « , déplore Corinne Bouchoux, membre de la CADA et sénatrice (écologiste) de Maine-et-Loire.

Lorsqu’un  » avis favorable  » de la CADA n’est pas pris en compte, la personne  » victime  » du refus peut saisir le juge administratif afin d’obtenir satisfaction. En 2011, 575 recours de ce type ont été enregistrés en première instance, soit un peu plus d’un dixième des affaires traitées par la CADA. En règle générale, le tribunal administratif confirme une large majorité des avis de la Commission (près de 60 %, d’après une étude réalisée sur 140 jugements). Dans ce cas, l’administration doit remettre le document – parfois dans un délai précis et sous peine de verser une astreinte si elle ne s’exécute pas.

Y a-t-il des matières sur lesquelles les contentieux sont particulièrement fréquents ? Difficile à dire, affirme-t-on au Conseil d’Etat, dans la mesure où les sujets sont  » variés « . Peuvent cependant être mentionnées les demandes auprès de l’administration fiscale, celles relatives à la transmission de dossiers médicaux ou de documents liés à la défense nationale.

Bertrand Bissuel

     » Le Monde  » saisit la CADA sur Pôle emploi

    Le Monde a décidé de saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) après plusieurs mois de tentatives infructueuses pour obtenir certaines informations auprès de Pôle emploi. Les données demandées concernent le nombre de chômeurs par conseiller et par agence. Elles sont facilement accessibles sur le logiciel interne de ce service public.

    Le 26 juin 2012, Pôle emploi avait d’ailleurs publié quelques éléments pour l’ensemble du territoire : en moyenne, un conseiller suit 161 chômeurs. Mais dans certaines agences, ce chiffre monte jusqu’à 500. Depuis, Pôle emploi n’a jamais publié de mise à jour de cet indicateur. Sollicité plusieurs fois par Le Monde, de manières formelle et informelle, la direction de Pôle emploi a répété qu’elle fournirait ces données, en repoussant systématiquement l’échéance. Mais, lors d’un colloque organisé le 12 juin, le directeur de Pôle emploi, Jean Bassères, a dit au journaliste du Monde qui le sollicitait à nouveau qu’il  » verrait, mais que ces chiffres sont compliqués à lire « .
    4 827 avis rendus en 2011

    Missions Instituée par la loi du 17 juillet 1978, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) est une autorité administrative indépendante chargée de faire respecter le droit, reconnu à toute personne, d’obtenir communication de documents détenus par une administration (Etat, collectivités territoriales, établissements publics, organismes privés investis d’une mission de service public). La CADA émet des avis lorsqu’elle est saisie par une personne n’ayant pas obtenu les pièces qu’elle réclamait. La loi de 1978 précise les documents qui ne sont pas communicables.

    Activités En 2011, la CADA a rendu 4 827 avis. 46,5 % d’entre eux étaient favorables à la demande de communication et 8,5 % y étaient opposés. Les autres avis portaient sur des requêtes irrecevables ou sans objet (document fourni, désistement de la personne, etc.).

    Thèmes abordés Dans les grands sujets soumis à la CADA figure en tête l’urbanisme (permis de construire, projets d’aménagement, etc.). Viennent ensuite le  » secteur fonction publique  » (éléments individuels du dossier d’un agent, décisions collectives portant sur l’avancement, les primes, etc.) et les  » affaires sociales  » (chômage, Sécurité sociale, dossier médical, etc.).


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *