Une analyse politique quelque peu erronée

Pour moi, cette analyse politique est quelque peu fausse, car :

1. On dit que « Pour le parti lepéniste, ces scores sont d’autant plus importants qu’ils sont réalisés dans un contexte de faible mobilisation, ce qui désavantage traditionnellement le FN dont les électeurs se confondent souvent avec les abstentionnistes. ». L’abstention n’a jamais été forte chez l’électorat FN, bien au contraire. Bien que la classe sociale où se situent les deux électorat soit la même, individuellement parlant, l’électeur du FN n’est pas abstentionniste, loin s’en faut ! Cet électorat peut être appelé la « classe des désabusés ». Ainsi, si le FN n’a pas de candidat, il s’abstiendra, mais si il a un candidat, il se déplacera à coup sûr. Le FN n’est pas un abstentionniste, et l’est même beaucoup moins que l’électorat de gauche ou de droite ! Attention donc aux raccourcis hâtifs qui peuvent mener à une mauvaise conclusion !

2. On n’en parle pas ou peu dans cet article, mais il est évident que la stratégie de droitisation de l’UMP a joué à plein. L’UMP a légitimé le discours du FN, sans y ajouter de plus-value ni d’idées supplémentaires. Il a copié le discours frontiste sans l’innover. Et lorsque l’on copie sans innover, l’original est toujours préférable à la copie : résultat, un FN légitimé dont le discours paraît convenable à l’électorat.

La droitisation de l’UMP ne peut mener qu’à sa perte s’il se contente d’aller dans le discours frontiste sans y apporter d’autres idées.

C’est grâce à cela que le FN gagne actuellement. Une bonne chose pour le parti, une médiocrité suprême pour la démocratie.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 26 Juin 2013

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ANALYSE
Les nouvelles dynamiques du vote FN
Battu par l’UMP, le candidat du FN a recueilli 46 % des voix et enregistré une forte mobilisation entre les deux tours

Une nouvelle confirmation, un avertissement supplémentaire : les résultats de l’élection législative partielle des 16 et 23 juin dans la 3e circonscription du Lot-et-Garonne – 53,7 % pour le candidat de l’UMP, 46,3 % pour celui du FN – s’inscrivent dans une tendance de fond davantage qu’ils ne marquent une rupture. En cela, rien ne serait plus faux que de parler d’un  » coup de tonnerre « , comme l’avait fait Lionel Jospin pour qualifier son élimination par Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002. Loin d’être une surprise, et quelles que soient les singularités du contexte dans lequel elle s’est déroulée, cette législative partielle doit en effet se lire comme une illustration, une de plus, d’une nouvelle donne politique que l’on peut définir en quatre points.

Le premier est la progression importante du Front national dans l’électorat. Dans la 3e circonscription du Lot-et-Garonne, 7 566 électeurs avaient voté pour lui au premier tour des législatives de juin 2012. Un an plus tard, toujours au premier tour, ils étaient 8 552. En pourcentage, la poussée est spectaculaire : de 15,7 % à 26 % des suffrages exprimés.

Cette dynamique, à vrai dire, n’a rien de surprenant. Les précédentes élections partielles organisées en France depuis un an l’ont déjà montré. Selon une étude publiée le 22 juin par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) à partir de cinq de ces élections partielles, le FN a ainsi progressé de 3,7 points par rapport à juin 2012. Il fait aujourd’hui exactement jeu égal avec le Parti socialiste : 18,8 % au premier tour des partielles. Il y a un an, le PS devançait le FN de 11,1 points.

A cette progression au premier tour s’ajoute la dynamique dont jouit désormais le FN quand il est en capacité de se maintenir au second. Dans le Lot-et-Garonne, le candidat du FN a ainsi gagné 20 points entre les deux tours. Dans la deuxième circonscription de l’Oise, lors de la législative partielle de mars où le PS avait déjà été éliminé au premier tour, la progression du FN avait été du même ordre.  » Une telle capacité de mobilisation par le FN entre les deux tours est inédite « , observe Yves-Marie Cann, directeur adjoint du pôle opinion chez CSA.

Cette dynamique d’entre-deux-tours – c’est la deuxième caractéristique de cette nouvelle donne politique – écorne la stratégie de front républicain consistant à faire barrage au FN au second tour.  » Le front républicain est mort « , estime ainsi Marine Le Pen, la présidente du parti, qui promet de  » mettre une pression croissante sur un système politique qui commence à prendre l’eau de toutes parts « .

Tangible dans les urnes, cette fragilisation du front républicain n’est, là non plus, pas une surprise. Elle s’inscrit dans une tendance de fond, qui est la banalisation progressive de l’image du FN dans l’opinion. Les études, sur ce point, sont sans ambiguïté. Entre avril 2012 et juin 2013, la part des Français estimant que Marine Le Pen les inquiète est ainsi passée de 62 % à 51 %, selon TNS-Sofrès. Comme le résume l’institut dans une note récente,  » sur la toute dernière année, le pourcentage de répondants déclarant « une bonne opinion du FN » atteint son niveau le plus élevé depuis 1984, c’est-à-dire depuis que la mesure existe « . A la question de savoir quel parti est le plus à même de répondre à leurs préoccupations, 15 % citent le FN, qui arrive en tête ex-aequo avec l’UMP.

Pour le parti lepéniste, ces scores sont d’autant plus importants qu’ils sont réalisés dans un contexte de faible mobilisation, ce qui désavantage traditionnellement le FN dont les électeurs se confondent souvent avec les abstentionnistes.  » Les deux profils sociologiques sont très proches, entre abstentionnistes et électeurs FN. Ils sont peu politisés, peu diplômés, peu intéressés par la chose publique. Le FN n’est pas un parti qui prend beaucoup à l’UMP et au PS mais chez les abstentionnistes « , note le sociologue Sylvain Crépon. Ainsi, l’on ne peut pas dire à l’heure actuelle, qu’un important report de voix venant de la gauche a eu lieu en faveur du candidat FN.

Autre enseignement du scrutin : ce bon résultat est réalisé alors que Marine Le Pen est très discrète depuis le mois de mai, comme si l’omniprésence médiatique de la présidente du FN n’était plus nécessaire au développement électoral de son parti. Par ailleurs, il intervient deux semaines après l’agression du jeune Clément Méric par des militants d’extrême droite.

 » Le fait que l’affaire Méric n’ait pas agi comme repoussoir vis-à-vis du FN montre que le parti a changé de stature et d’image, estime Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop. On n’est plus dans « l’époque Carpentras » – la profanation du cimetière juif de la sous-préfecture de Vaucluse par des néonazis en 1990 – où le FN pâtissait dans l’opinion de ses liens avec des groupuscules violents d’extrême droite. « 

Dans quelle mesure ces résultats ont-ils pour autant une portée nationale ? Certes, la législative partielle de la 3e circonscription du Lot-et-Garonne s’inscrit dans un contexte particulier, celui de l’affaire Cahuzac, avec une résonance forcément singulière puisqu’elle avait lieu dans le fief de l’ancien ministre du budget. Cette spécificité ne doit cependant pas aveugler. Comme le note Sylvain Crépon,  » la chute du PS au premier tour n’a pas avantagé l’UMP. La défiance envers les partis de gouvernement, dans un contexte de retour des affaires, est donc un élément central pour comprendre les résultats de cette élection « .

Pour le Front national, enfin, le résultat de dimanche valide la stratégie de détection et de formation de jeunes candidats. Fils du président de la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne mais âgé de seulement 23 ans, Etienne Bousquet-Cassagne avait ainsi le double avantage pour le FN d’avoir un nom qui rassure et d’appartenir à une génération qui le délie du passé sulfureux avec lequel cherche à rompre le FN de Marine Le Pen. C’est précisément ce type de candidats que le parti d’extrême droite veut pousser en 2014 pour qu’ils se forment dans les conseils municipaux.

Cette implantation et cette expérience s’avéreront primordiales en vue des législatives de 2017. D’ici là, plusieurs élections auront valeur de test pour le FN. A commencer par les municipales de mars 2014, où la qualification de nombre de ses candidats au second tour dans le cadre de triangulaires posera la question fondamentale de la stratégie d’alliance avec la droite, et les européennes du mois de mai suivant, dont l’enjeu pour le FN est de talonner voire de devancer le PS et l’UMP, afin d’installer dans l’opinion l’idée qu’il n’est plus seulement un parti de protestation mais une potentielle force d’alternance.

Abel Mestre et Thomas Wieder

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