Un article très instructif sur le monde des DRH

Un article plaide pour que le monde des DRH puisse s’organiser en véritable profession. Au vu des arguments proposés, l’article tient la route.

On l’a vu récemment : les DRH ont montré des manques criant en matière de gestion du personnel. Quand la gestion du personnel par le stress est devenue la règle, la productivité ne s’est pas améliorée. Le stress au travail est source de souffrance et la souffrance n’a jamais été à la base de la productivité. On ne produit rien de qualité sous stress.

Pire, suicides et arrêts maladie aidant, la productivité peut décroître de manière drastique. C’est à cette aune qu’il faut repenser la fonction de DRH, qui doit réellement, être organisée en profession pour être efficace.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 26 Juin 2013

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Les DRH doivent s’organiser en profession
Elaborer les règles et les institutions du métier

Plans de restructuration, troubles psychosociaux, rigueur salariale… Autant de sujets qui font la  » une  » de l’actualité. Sur chacun d’eux, la fonction ressources humaines (RH) est sur le banc des accusés. Comme si elle incarnait, aux yeux des salariés et du public, le côté sombre de l’entreprise.

Cette appréciation est partielle et partiale. Elle est surtout très française. Toutes les entreprises, quels que soient leur secteur d’activité, leur géographie d’implantation ou leur nationalité, doivent gérer leurs tensions et leurs contradictions. Elles ont toutes besoin d’une fonction RH qui gère dans la durée l’efficacité du corps social, avec ses forces et ses faiblesses.

Cette mission devrait contribuer à valoriser l’image des directeurs de ressources humaines (DRH), or ce n’est pas le cas.

Pourquoi en France, au contraire de nombreux autres pays, la fonction RH a-t-elle une image aussi délétère et ambiguë ?

Cela tient-il au profil des DRH ? Seraient-ils recrutés exclusivement parmi les cyniques et n’auraient-ils aucune conviction, aucune déontologie ? Les enquêtes réalisées auprès des étudiants qui se préparent à entrer dans cette voie témoignent, au contraire, de la dimension humaine de leur engagement, inhérent à l’exercice de ce métier. Leurs prédécesseurs avaient choisi cette fonction pour les mêmes raisons.

Cela tient-il à la nature du dialogue social ? Il est vrai que notre tradition nationale de relations sociales conflictuelles et antagonistes a tendance à mettre le DRH  » dans le camp du patron « . Cependant, dans les nombreuses entreprises où le dialogue social est un facteur d’aide à la transformation, la fonction RH joue un rôle essentiel et trouve naturellement sa place.

Cela tient-il au manque de lisibilité de la mission des DRH ? Vraisemblablement. Trop éloignés des instances de direction de l’entreprise lorsqu’ils étaient centrés sur l’administration du personnel et les relations sociales ! Trop éloignés des salariés et du corps social depuis qu’ils ont intégré les comités exécutifs ! Il est vrai que le positionnement de la fonction n’est pas simple à trouver, d’autant plus qu’elle est souvent partagée avec le management de l’entreprise.

Mais il y a une autre explication à cette ambiguïté. La fonction RH, en France, pâtit d’un manque d’affirmation de son rôle, de ses pratiques et de sa déontologie, bref, de son identité comme profession. Elle manque d’un appui institutionnel pour asseoir l’autonomie dont elle a besoin pour exister devant les autres forces au sein de l’entreprise.

Dans de nombreux pays, ce pas a été franchi.

Par exemple, le processus de certification par des organismes habilités, étape essentielle dans la constitution de la plupart des professions, est très avancé en Amérique du Nord et en Angleterre. Un des organismes les plus connus est le Chartered Institute of Personnel and Development (CIPD) britannique. Ses membres doivent signer une charte de bonne conduite. Ses dispositifs de formation et de certification élèvent les standards de la profession. Fort de sa représentativité, le CIPD est l’interlocuteur légitime du gouvernement britannique pour tout changement législatif touchant au droit du travail.

Dans d’autres pays, la gouvernance de l’entreprise renforce le pouvoir d’action des DRH. C’est le cas, par exemple, des mécanismes de codétermination qui associent les représentants des salariés et des actionnaires à la décision. Il est établi que ce mode de gouvernance affecte positivement les organisations : il permet d’entretenir des relations sociales favorables et facilite le changement structurel et technologique.

Endosser une déontologie

Un partage plus équitable du pouvoir permet une plus grande attention aux conséquences dommageables de certaines organisations du travail et améliore l’information et l’implication des salariés. Ces mécanismes existent en Allemagne, mais aussi en Autriche, au Danemark, en Suède et au Pays-Bas.

Ainsi, contrairement aux pratiques de nombreux pays européens, il n’existe en France aucun dispositif qui confère aux DRH une identité professionnelle reconnue. D’une part, parce que, en dépit de formations de qualité, il n’y a pas d’habilitations à l’exercice de cette profession ; d’autre part, parce que les DRH sont nommés par le dirigeant de l’entreprise, à sa seule initiative et sans processus de validation formalisé. Enfin, parce que ce métier n’est pas organisé en profession au sens fort du terme, avec les avantages et les obligations qui en découlent.

La fonction RH, aujourd’hui, n’appuie pas son action sur les critères constitutifs d’une profession : identité professionnelle, certifications, image publique et privilèges juridiques.

Lorsque nous nous demandons si, en France, la fonction RH n’aurait pas intérêt à s’organiser en profession, nous ne nous livrons pas à un exercice de style. Car cette fonction ne peut pas se construire par l’appel à l’héroïsme individuel de ses membres. Appartenir à une profession, c’est s’appuyer sur un savoir partagé, endosser une déontologie, un corpus de règles, d’attitudes et de modes de travail spécifiques et communs à tous ses membres. C’est bénéficier d’un cadre construit et connu d’exercice de son métier, pouvoir s’appuyer sur ces règles dans le cadre de ses fonctions, et s’imposer au nom de ces mêmes règles.

Les enjeux sont considérables. Il devient de plus en plus important de comprendre, entreprise par entreprise, comment le capital humain contribue à la création de l’avantage concurrentiel. Mise en évidence de la culture d’entreprise comme facteur de performance, meilleure prise en compte des dynamiques collectives, intérêt porté à la qualité de la vie au travail et, bien sûr, gestion de l’emploi plus anticipatrice : autant de sujets qui pourraient justifier une assise institutionnelle solide à la fonction ressources humaines.

Jean-Marc Salvanès

Misceo, cabinet de conseil

en ressources humaines

    Jean-Marc Salvanès

    est associé fondateur de Misceo


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