Tout le système éducatif est à revoir

Lorsque l’on a, pour certains, une déclassification de l’emploi par rapport aux études, les études sont-elles bonnes et préparent-elles correctement au marché du travail ? La question mérite d’être posée.

Par ces faits, on montre une déclassification patente du diplôme par rapport à l’emploi. Cela influe sur toute la chaîne : si le bac +5 sert à faire un travail bac +2, qui va faire le travail du bac +5 ?

De plus, comme on le dit dans l’article, le jeune, dans un cas sur deux, ne travaille pas dans le domaine où il a été formé : n’y a-t-il donc pas un problème sur la formation ?

Bref, cette étude pose des questions sur la compétitivité même de notre formation, donc, de nos entreprises, sur le marché international. Il y a bien évidemment un lien entre cette compétitivité, le taux de chômage des jeunes, et leur inadéquation à leur poste.

Il faut donc une réforme global dans le monde éducatif, une réforme de grande ampleur, pour changer cet état de fait. Il y a urgence.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 3 Juillet 2013

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Le marché du travail déclasse ses jeunes diplômés
Le Céreq montre que de plus en plus de bac + 5 ne décrochent pas un emploi correspondant à leur qualification

Les jeunes qui font cinq années d’études après le baccalauréat en font-ils trois de trop ? Provocation, bien sûr. Pourtant, le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) le montre : à bac + 5, les jeunes sont de plus en plus nombreux, depuis quelques années, à ne plus pouvoir obtenir un emploi correspondant à leur niveau de diplôme. Ce  » déclassement « , pointé par des sociologues comme Eric Maurin ou Camille Peugny, frappe un peu moins les bac + 2.

C’est l’une des grandes tendances qui se dégagent de vingt années d’études du Céreq sur l’insertion des jeunes en France. Le centre, qui publie le dernier opus de ses travaux le 4 juillet, a suivi, depuis 1992, six générations de jeunes entrant sur le marché du travail : ceux sortis du système éducatif en 1992 ; puis 1998, 2001, 2004, 2007 et 2010. Les cohortes ont été interrogées trois ans après leur entrée dans la vie active, parfois également cinq et sept, voire dix ans.

La fresque ainsi tracée montre qu’il existe une manière française d’intégrer les jeunes au monde du travail. Notamment, donc, en déclassant les plus diplômés.  » Il y a vingt ou trente ans, constate Isabelle Recotillet, responsable de ces enquêtes au Céreq, le titulaire d’une licence pouvait exercer un poste de cadre. Aujourd’hui, ce n’est plus vrai. C’est en tout cas ce que nous constatons chez les générations 2004 et 2007. Avec une licence, on occupe de moins en moins souvent un poste de cadre. « 

Paradoxe : les déclassés n’en ont pas conscience. A côté de l’enquête objective, le Céreq a en effet mené une autre enquête sur le ressenti des jeunes. Comment expliquer le décalage entre la réalité et la perception qu’ils en ont ?  » Nous n’avons pas de réponse à ce stade, explique Mme Recotillet. Plusieurs hypothèses sont possibles. Les jeunes peuvent avoir intégré le fait que l’employeur demande aujourd’hui davantage de compétences pour un poste donné. Il peut également s’agir d’un effet de la crise : ceux qui occupent un emploi, même s’il ne correspond pas à ce qu’ils pouvaient espérer, s’estiment heureux de ne pas être au chômage. « 

Deuxième leçon : il y a un vrai problème d’ajustement entre la formation et l’emploi en France. Seul un jeune sur deux travaille dans un domaine pour lequel il a été formé. Et ce taux ne varie pas selon que la conjoncture est bonne ou pas. Il ne s’améliore pas non plus sur les sept premières années de la vie professionnelle. C’est-à-dire qu’un jeune qui s’insère dans un secteur étranger à sa formation a peu de chance d’y revenir par la suite. Et, paradoxalement, c’est aussi vrai pour les cursus professionnels (CAP, BEP, bac pro…), bref ceux dont on attend qu’ils préparent le mieux à l’emploi… Aucune évolution n’a été constatée par le Céreq depuis vingt ans sur ce défaut d’ajustement entre spécialité du diplôme et emploi.  » Cela peut être considéré comme un constat sévère pour le système éducatif « , reconnaît Mme Recotillet.

Troisième tendance, jamais démentie, bien au contraire : oui, les études payent. Plus le niveau de formation est élevé, plus le risque de chômage est faible, et meilleures sont les conditions d’insertion. D’ailleurs, le taux de chômage des jeunes (de l’ordre de 24 %) en est l’illustration. Les jeunes concernés sont, par définition, ceux qui, entre 15 ans et 24 ans, sont sur le marché du travail. Ils ont terminé tôt, voire très tôt, leurs études, et sont donc souvent les moins préparés à y entrer. Et le phénomène, très français, à tendance à s’aggraver. Ceux qui, en 2007, sont sortis sans diplôme du système éducatif étaient à 41 % au chômage en 2010. C’est dix points de plus que la génération précédente (celle de 2004 interrogée en 2007).

Quatrième constat : l’insertion professionnelle prend du temps en France, mais elle aboutit presque toujours. Depuis la génération 1998, le modèle le plus fréquent, c’est l’insertion en contrat à durée déterminée (CDD), puis l’obtention d’un contrat à durée indéterminée (CDI) après deux ou trois ans, et ce, en changeant d’entreprise. Dix ans après avoir achevé ses études, 90 % de la génération 1998 était en CDI.  » C’est structurel, note le Céreq. C’est comme cela que la France gère la main-d’oeuvre non expérimentée. « 

Cinquième tendance : le temps partiel reste stable (autour de 15 % depuis vingt ans). Mais il est de plus en plus contraint, et ce, pour deux tiers des jeunes.  » L’évolution est peut-être liée à la conjoncture « , avance Mme Recotillet.

Dernier point : en France, le salaire est depuis toujours indexé sur le diplôme. Mais il y a un plancher : pour un diplôme jusqu’à bac + 2, le salaire le plus fréquemment proposé est le smic. Au-delà, les rémunérations décollent, tout en étant contraintes par la conjoncture.

Benoît Floc’h

    La crise frappe les nouvelles générations

    Les derniers travaux du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) montrent combien l’entrée sur le marché du travail se durcit avec la crise. En euros constants, les jeunes de la cohorte 2004 ont, sept ans plus tard, un salaire plus bas que celui perçu en 2005 par celle de 1998 : 1 240 euros (salaire médian pour un temps plein) contre 1 280 euros. Entre la troisième et la septième année après l’entrée sur le marché du travail, le salaire de la génération 2004 a augmenté de 3 %, contre 15 % pour celle de 1998… Par ailleurs, les jeunes de la génération 2004 occupent plus souvent un emploi en CDD que leurs prédécesseurs. Certes, c’est le lot de la plupart des jeunes qui entrent dans la vie active. Mais avant, le passage du CDD au CDI était continu. Or, dans la génération 2004, la part de l’emploi à durée déterminée ne baisse plus au bout de cinq ans. Un signe, sans doute, que le marché du travail devient de plus en plus flexible, estime le Céreq. Enfin, la crise a un effet négatif sur le chômage. Surtout au début du parcours. Il est en effet intéressant de noter qu’au bout de sept ans, les taux de chômage des générations 1998 et 2004 se rapprochent.

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