Quand les élites de notre pays se montrent d’une immaturité rare

Est-il bien normal et bien sain que les futures élites de notre pays se comportent avec une telle immaturité ? La tradition ne peut tout pardonner. En tout cas, absolument pas le droit de baffouer, par son comportement honteux, son propre guide des valeurs !

Les élèves de Polytechnique doivent donc travailler sur leur maturité : c’est bien beau d’être bon en maths, mais il faut savoir aussi avoir des valeurs sociales élémentaires. L’épisode sur cette association étudiante montre qu’il y a encore beaucoup de travail à faire en la matière.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 6 Juillet 2013

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Polytechnique dissout son association étudiante
La Khômiss, vieille de 200 ans, avait organisé une expédition punitive contre un élève

Le chahutage potache, oui. Les expéditions punitives, non. La direction de Polytechnique a décidé de frapper un grand coup en dissolvant, vendredi 28 juin, la Khômiss. A sa tête, un chef, baptisé le GénéK, élu par sa promotion, et 12  » missaires  » choisis par lui et qui, coiffés d’une cagoule de bourreau, gardent l’anonymat toute l’année.

L’organisation étudiante historique – elle a fêté ses 200 ans récemment -, garante des traditions du prestigieux établissement, a manifestement été trop loin. En cause, le rappel à l’ordre un peu trop ferme d’un élève de deuxième année. Chargé d’organiser avec d’autres les soirées du jeudi, il aurait fait l’objet de reproches de ses camarades de promotion.  » Ils se sont plaints auprès de la Khômiss de son comportement « , indique Jean-Marie Gontier, directeur de la formation humaine et militaire.

Il est environ minuit lorsque le jeune homme reçoit un appel du GénéK sur son portable :  » On t’attend à telle heure et à tel endroit.  » Il s’exécute, pensant qu’il s’agit de parler de la future cérémonie de remise du bicorne. Pas vraiment.

On l’embarque dans une voiture, un sac sur la tête. La troupe s’arrête à côté de l’étang du campus. La litanie des reproches commence. Le remontage de bretelles aurait pu s’arrêter là. Mais pour être sûr que l’étudiant a bien compris, retour dans la voiture, le sac sur la tête. Et voilà l’étudiant lâché dans la ville d’Orsay, à 1,2 km du campus. Moyennement drôle comme punition, mais sans doute moins grave que l’élève qui avait dû, en 2009, plonger dans le lac avec lui aussi un sac sur la tête.

 » Le GénéK lui a donné un plan, s’est assuré qu’il avait un portable, mais honnêtement c’était exagéré de le laisser tout seul à 1 heure du matin « , souligne M. Gontier. C’est un copain, à qui l’élève a envoyé un SMS, qui est venu le chercher.

L’histoire est remontée à l’administration malgré la décision des élèves de garder le silence. Le 21 juin, l’élève et le GénéK sont convoqués. La sanction tombe : quinze jours d’arrêt ferme pour ce dernier. Sur le papier, cela paraît effectivement sévère. En réalité, lui sont juste interdits les lieux de convivialité ainsi que le foyer des élèves (le Bôbar) après 19 heures. Par ailleurs, il est consigné sur le campus deux week-ends de suite et doit signer un registre toutes les quatre heures.

Pour Helen, élève en troisième année,  » il est indéniable que la Khômiss a outrepassé sa fonction de garant des bonnes traditions et de l’esprit de cohésion. Personne ne le nie. Cependant, les promotions y sont très attachées et la comparer au Ku Klux Klan, comme certains l’ont fait, c’est injustifié « .  » On voudrait faire croire que l’extrême droite a infiltré l’école qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Or, cette organisation n’a aucun contenu philosophique, ni religieux, ni politique « , dit un ancien élève et ancien de la Khômiss.

Farouchement attachée au statut militaire, la Khômiss organise les cérémonies de remise du Grand U (l’uniforme) en début d’année, du bicorne et de la tangente (l’épée) en fin d’année et du Code X, le guide des valeurs : attachement à l’école, humilité, camaraderie, manière de porter le Grand U… C’est à cette occasion que les élèves découvrent qui sont les  » missaires « . La Khômiss fait aussi le lien entre l’administration et les élèves. Surtout, elle joue le rôle de poil à gratter et entretient un certain folklore dans l’école.

Chaque jour depuis sa dissolution, ses membres tiennent une permanence au bar de l’école pour évoquer son héritière.  » On a besoin d’une organisation qui transmette les valeurs et qui organise l’incorporation des premières années. Mais dans un contexte de mondialisation, il faut qu’elle soit à l’image de tous les élèves « , indique Mathilde Cohen, du bureau des élèves. Une chose est sûre. La cagoule des bourreaux devrait être remisée au placard.

Nathalie Brafman


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