Quand Tapie passe à la caisse !

Ca commmence à sentir bon cette histoire : Tapie est en train de passer à la caisse et c’est une bonne chose !

On soupçonne maintenant, et il n’est jamais trop tard, qu’il a perçu des sommes, sur l’argent du contribuable, qu’il ne méritait peut être pas.

En attendant, on saisit ses biens pour éviter qu’ils ne soient dilapidés ou redistribués : c’est une bonne chose pour la démocratie et pour le peuple Français.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 11 Juillet 2013

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La justice ordonne la saisie des biens de M. Tapie
Les juges considèrent qu’il est le bénéficiaire d’une  » escroquerie dont il apparaît comme l’un des organisateurs « 

Les juges Serge Tournaire et Guillaume Daïeff, au vu des progrès de leur enquête sur l’arbitrage litigieux ayant accordé en juillet 2008 la somme de 405 millions d’euros à Bernard Tapie, ont choisi de frapper l’homme d’affaires au portefeuille. Le 28 juin, d’après des pièces du dossier auxquelles Le Monde a eu accès, ils ont délivré des ordonnances de saisies pénales des biens de l’homme d’affaires, après avoir obtenu l’accord du parquet de Paris. Ils postulent, pour justifier leurs actes, que  » Bernard Tapie apparaît comme le principal bénéficiaire des sommes versées par le CDR – l’organisme chargé de solder le passif du Crédit lyonnais – au terme d’une escroquerie dont il apparaît comme l’un des organisateurs « .

Les magistrats se sont appuyés sur un inventaire précis des biens du couple Tapie, dressé en avril et mai 2013 par la brigade financière. Bernard et Dominique Tapie disposent de quinze comptes bancaires, en France, mais aussi à Monaco. L’acteur assure vivre de ses dividendes, à hauteur de 25 000 euros mensuels, et pense avoir payé 2 millions d’euros au titre de l’ISF en 2012. Les juges estiment que, à la suite de l’arbitrage, l’homme d’affaires a reçu au total 278 millions d’euros. Les juges ont d’abord fait saisir deux assurances-vie, souscrites par les Tapie en novembre 2008, grâce au montant faramineux du préjudice moral qui leur a été accordé en juillet 2008, soit 45 millions d’euros. Leur valeur de rachat est estimée par les enquêteurs à 20 780 272,66 euros.

Les magistrats ont également saisi les parts sociales détenues par Bernard Tapie dans son hôtel particulier de la rue des Saints-Pères, à Paris, à hauteur de 69 300 000 euros. Ils ont aussi confisqué la villa  » la Mandala  » achetée par l’homme d’affaires à Saint-Tropez, le 29 septembre 2011, pour un montant de 48 millions d’euros. C’est l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), alertée le 28 juin, qui va procéder aux actes.

Les juges ont également demandé l’avis du parquet pour saisir 6 comptes bancaires, un contrat d’assurance-vie de 180 millions d’euros détenu par la holding Groupe Bernard Tapie domiciliée à Bruxelles, et même les parts de l’homme d’affaires sur la SA Groupe Hersant Media, les journaux La Provence et Nice-Matin, rachetés par M. Tapie.

Les magistrats disposent donc d’un inventaire complet des biens de la famille Tapie. Grâce à l’arbitrage, Mme Tapie a offert le 20 octobre 2008 à Stéphane Tapie, leur fils, un bien immobilier de 320 m2 à Asnières-sur-Seine, payé 1 335 000 euros. Un autre appartement est acquis à Marseille, le 5 mars 2009, pour 270 000 euros. Puis elle a acheté le 29 octobre 2010 un appartement à Neuilly-sur-Seine, avec sauna et jardin privé, 213 m2 pour 2 650 000 euros. C’est sa fille, Sophie Tapie, qui l’occupe. Deux ans plus tard, le 1er octobre 2012, elle acquiert un hôtel particulier, toujours à Neuilly-sur-Seine, pour 15 200 000 euros.

Bernard Tapie, lui, possède une résidence secondaire à Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), la villa de Saint-Tropez, un yacht, le Reborn, payé 40 millions d’euros et amarré à Marseille, 426 tonnes pour 74 mètres de long, qu’il loue 500 000 euros la semaine. Il utilise aussi pour ses déplacements une Range Rover, une Smart, et son avion privé, un Bombardier, qu’il veut revendre pour 15 millions d’euros.

Si les juges ont décidé de saisir les biens de M. Tapie, c’est qu’ils estiment désormais disposer de preuves suffisantes pour accréditer l’escroquerie. Ils ont en particulier établi que l’avocat de M. Tapie, Me Maurice Lantourne, avait commercé à neuf reprises avec l’arbitre Pierre Estoup, principal rédacteur de la sentence. Un lien susceptible de faire annuler la sentence arbitrale. Maintenant, c’est au tour de l’entourage de Nicolas Sarkozy à l’Elysée d’être clairement ciblé par les magistrats.

Selon les procès-verbaux de la garde à vue de M. Tapie, les juges reprochent d’abord à l’homme d’affaires d’avoir  » trompé l’Etat, en employant des manoeuvres frauduleuses « . M. Tapie, pour les magistrats,  » en manoeuvrant en concertation avec son conseil Maurice Lantourne, pour obtenir la désignation en qualité d’arbitre de Pierre Estoup, qu’il savait déjà acquis à sa cause « , a pu parvenir à ses fins, ce qui lui a valu, le 28 juin, une mise en examen pour  » escroquerie en bande organisée « .

Les enquêteurs s’attaquent maintenant à la prise de décision politique. Au vu des derniers éléments recueillis par les policiers, Christine Lagarde, patronne du Fonds monétaire international et ex-ministre de l’économie de 2007 à 2011, devrait être reconvoquée par la Cour de justice de la République et son statut actuel de témoin assisté pourrait évoluer, estiment les enquêteurs. Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée de 2007 à 2011, est lui suspecté d’avoir décidé de l’arbitrage mais aussi d’avoir mis en place les hommes clefs du dossier.

Il va devoir répondre aux questions des enquêteurs. Ceux-ci s’intéressent notamment à un réveillon de fin d’année, en 2006, organisé dans un palace d’Agadir, au Maroc. S’y retrouvent Brice Hortefeux, alors ministre délégué à la décentralisation, proche conseiller de M. Sarkozy, ainsi que Jean-François Copé, ministre délégué au budget. Et Bernard Tapie.  » Cette rencontre était fortuite « , explique M. Tapie, assurant qu’elle  » n’a pas été l’occasion de parler du sujet d’Adidas « . Les enquêteurs sont dubitatifs, ils connaissent la propension de M. Tapie à parler constamment de ses démêlés judiciaires. D’autant qu’au retour d’Agadir,  » avec M. Hortefeux, nous avons pris l’avion privé de M. Guelfi – André Guelfi, un homme d’affaires condamné dans l’affaire Elf – « , relate M. Tapie.

M. Tapie n’a eu de cesse d’agiter son réseau relationnel. Vingt-deux visites à l’Elysée entre 2007 et 2009.  » Ces réunions n’ont jamais été cachées, argue M. Tapie. Jamais une seule fois je n’ai parlé de l’arbitrage personnellement à M. Sarkozy.  » Il admet cependant :  » Croire que l’arbitrage peut se faire dans son dos ou sans son accord est idiot…  » L’homme d’affaires soutient n’avoir  » jamais eu aucun rapport privé avec le président Sarkozy « . Les enquêteurs lui rappellent qu’il a rendu visite à deux reprises à M. Guéant, les 28 juin et 16 juillet 2007. Dans quel but ?  » Je pourrais m’en souvenir mais je ne m’en souviens pas « , rétorque M. Tapie.

Comme il a curieusement gommé tout souvenir de cette réunion de juillet 2007 à l’Elysée où il a plaidé sa cause devant François Pérol, Patrick Ouart ou Stéphane Richard.  » Je ne m’en souviens pas « , jure-t-il. Il a oublié, aussi, ce déjeuner organisé à Bercy à sa demande, au printemps 2008, avec Mme Lagarde.  » Je n’ai jamais eu aucun rendez-vous avec elle sur ce dossier ou tout autre dossier « , assure-t-il, contre l’évidence.

Les policiers s’étonnent, il s’énerve :  » Vous croyez ce que vous voulez, on n’a pas la même vie et le même agenda !  » Il se contredit tout de même, quelques minutes plus tard, à propos de cette réunion à l’Elysée dont il ne se souvient pas :  » Ils ont attendu que je parte pour en discuter entre eux…  » A propos de M. Guéant, il confesse :  » C’est un homme que j’aime beaucoup « . Au final, après 96 heures de garde à vue et de temps à autre un sandwich à 1,85 euro, il a cette conclusion philosophique :  » Tous les fous ne sont pas enfermés… « 

Gérard Davet et Fabrice Lhomme


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