Quand les taxis se trompent de cible

Les taxis se trompent de cible. Ce ne sont pas leurs concurrents qui entravent leur profitabilité, mais bel et bien l’état. L’Etat Français, ce n’est pas une nouveauté, déteste les entrepreneurs. Ces patrons ne sont bons qu’à être exploités et ponctionnés.

Résultat, les taxis, qui ne sont rien d’autres que des patrons, morflent. Ils paient des charges énormes et n’arrivent à vivre de leur travail qu’en faisant des heures interminables. La demande est difficilement au rendez-vous : les tarifs sont trop souvent prohibitifs, et ils sont prohibitifs car l’Etat prend les taxis pour des porte-monnaie sur pattes. Bref, c’est le chien qui se mord la queue.

Inutile donc de dire que, dans ces conditions, la moindre concurrence n’est pas vue d’un bon oeil.

C’est une erreur. Cette concurrence peut agir comme autant de poids supplémentaire pour demander à l’Etat de respecter ses entrepreneurs comme il se doit. Le vrai ennemi n’est donc pas la concurrence, car celle-ci est défendue dans la Constitution par la sacro-sainte liberté d’entreprendre. Le vrai ennemi est ce foutu état d’esprit nauséabond consistant à toujours faire passer le patron pour le méchant vis à vis du gentil qui serait le salarié.

Amis taxis, ne vous trompez pas de cible. Demandez à être respectés, à payer moins de charge, à avoir de meilleurs droits sociaux, mais laissez la concurrence jouer car cette concurrence est indispensable à l’intérêt général.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 7 Août 2013

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Les taxis soucieux de protéger leur rente

Il fut un temps où les taxis, suivant l’ordre du général Gallieni, se mobilisaient pour transporter les fantassins de la 7e division d’infanterie vers la première bataille de la Marne. L’été 1914 a ainsi vu triompher leur courage.

Quatre-vingt-dix-neuf ans plus tard, l’été 2013 a vu parader les taxis de la honte. Nul doute que les artisans taxis sont pénalisés par l’effet d’étranglement du numerus clausus créé par le paiement d’une licence hors de prix, et qu’ils souffrent de la montée en puissance constante de la pression fiscale, des charges sociales et de l’idéologie antivoiture de certains maires. Ils ont cependant usé de lobbying, non pour recouvrer plus de liberté mais pour fermer plus encore leur marché en contraignant les  » voitures de tourisme avec chauffeur « , ces transports de personnes qu’on ne peut héler dans la rue mais qu’on peut appeler par téléphone ou via une application mobile, à respecter un délai incompressible de quinze minutes entre la commande et la prise en charge du client.

En forçant les nouveaux entrants à accuser un retard artificiel, le gouvernement s’est fait l’allié de la rente au mépris des bienfaits du pluralisme dans l’offre économique et des intérêts directs des consommateurs et des demandeurs d’emploi (plus de 40 000 emplois pourraient être créés pour rattraper les grandes villes comme New York ou Londres).

La sanction tombe, une fois de plus, sur ceux qui rencontrent un certain succès parce qu’ils ont su faire preuve d’innovation (selon les offres : prix de la course annoncé à l’avance, identification du véhicule approchant par GPS, voiture haut de gamme, chauffeur en costume ouvrant la porte et proposant de l’eau, chargeur de téléphone, amabilité, etc.).

Comment ne pas penser à la fameuse pétition des fabricants de chandelles, bougies, lampes, chandeliers, réverbères, mouchettes, éteignoirs et des producteurs de suif, huile, résine, alcool et généralement de tout ce qui concerne l’éclairage qui, dans les fameux Sophismes de l’économiste Frédéric Bastiat (1801-1850), interpellaient les politiques contre  » (…) l’intolérable concurrence d’un rival étranger placé dans des conditions tellement supérieures aux – leurs – , pour la production de la lumière, qu’il en inonde – leur – marché national à un prix fabuleusement réduit ; car, aussitôt qu’il se montre, – leur – vente cesse, tous les consommateurs s’adressent à lui, et une branche d’industrie française, dont les ramifications sont innombrables, est tout à coup frappée de la stagnation la plus complète. Ce rival n’est autre que le soleil  » ?

Et les détenteurs de la rente – fût-elle, comme pour les taxis, minime – d’en appeler à l’adoption urgente d’une loi ordonnant  » la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, abat-jour, contre-vents, volets, rideaux, vasistas, oeils-de-boeuf, stores, en un mot, de toutes ouvertures, trous, fentes et fissures par lesquels la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons, au préjudice des belles industries dont – ils se – flatt – ent – d’avoir doté le pays, qui ne saurait sans ingratitude – les – abandonner aujourd’hui à une lutte si inégale « .

La France est un pays de rentiers dans lequel la liberté s’est effacée au profit d’égoïsmes jaloux et syndiqués, arc-boutés sur le moindre privilège devenu, en temps de vaches maigres, un acquis immuable. Les richesses anciennes sont bien plus protégées que le profit éventuel d’entrepreneurs innovants. Certaines professions – dites  » réglementées  » – demeurent des bastions inviolables, y compris par la gauche qui, dans ses principes, en appelait jadis à l’égalité des chances et à la suppression des avantages de classe hérités du passé.

La surprotection des taxis, qui sont pourtant plus à plaindre qu’à blâmer – c’est dire l’inefficacité du modèle -, par des mesures kafkaïennes, déjà dénoncées par le rapport Rueff-Armand (1960) et le rapport Attali (2008), est un symbole désolant de la prime sans cesse donnée, dans notre pays, à certains favorisés. Elle révèle un conservatisme dont la puissance est telle que l’Inspection générale des finances a fait mettre sous clé un récent rapport  » explosif « , lu uniquement par le ministre de l’économie et son directeur de cabinet, qui évalue les gains considérables pour les consommateurs, le pouvoir d’achat, l’emploi et Bercy de l’ouverture à la concurrence des professions réglementées.

Les organisateurs de ce secret d’Etat savent qu’une telle réforme inciterait tous les acteurs, historiques comme nouveaux, à proposer le meilleur service au meilleur prix. Malheureusement, le malthusianisme et la peur de voir les rues assiégées par les bénéficiaires des rentes l’emportent toujours sur le courage, la vérité et le réformisme global. Jusqu’à quand ?

Mathieu Laine

Directeur du cabinet de conseil en stratégie Altermind

    Mathieu Laine enseigne à Sciences Po et vient de publier avec le pédopsychiatre Patrice Huerre  » La France adolescente – Et si on la laissait grandir ?  » (Lattès, 260 p., 18 €)

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