Pourquoi s’acharner sur le chiffre d’affaires ?

Quand on vous demande ce que vous gagnez par mois, vous donnez le brut ou le net ? Le net bien sûr car c’est lui qui tombe dans votre poche. Pour le chiffre d’affaires (CA) d’une entreprise c’est pareil : le CA est le montant total des ventes et… c’est tout…

En aucune façon la divulgation du CA n’est associée à la bonne santé d’une boite : si vous vendez des Ferrari, en tant que concessionnaire, votre CA sera mirobolant, mais si vous les vendez à perte, votre entreprise ne durera pas 2 ans.

Ainsi, une loi basée sur la notion du chiffre d’affaires ne fait que révéler l’idiotie et l’incompétence de nos politiques. Dans certaines catégories d’activité, le taux de marge brute (différence brute entre les ventes et les achats) peut varier de 2% à plus de 50%. On comprend dès lors que le CA est une notion qui ne veut absolument rien dire.

Cela n’empêche pas nos politiques de l’utiliser car ils comprennent le mot dans leur sens premier : ce qui est dans la poche de l’entrepreneur… ce que le CA n’a jamais été.

Il faut donc renvoyer nos politiques de tous poils sur les bancs de l’école car ils en ont besoin.

Donc, il faut déjà organiser cette réforme à l’aune d’une notion de marge brute, voire de bénéfice, pour savoir réellement ce qui tombe sur le compte en banque de l’investisseur afin de lui appliquer un taux d’impôt en véritable adéquation avec ses gains.

De plus, la notion de respect des normes ne tient pas entre les artisans et les auto-entrepreneurs : si un chantier doit imposer des normes de sécurité et que l’auto-entrepreneur n’a pas ces garanties, il doit être écarté du marché, point.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 21 Août 2013

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Autoentrepreneurs : l’exécutif joue la montre

Le projet de loi, très flou sur le nouveau statut, est présenté en conseil des ministres, mercredi 21 août

Au menu du conseil des ministres de rentrée, mercredi 21 août, figure le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. S’il traite aussi bien des baux commerciaux que de la promotion de l’artisanat, ce texte est très attendu pour le sort qu’il réserve au régime avantageux des autoentrepreneurs. Ces derniers ne paient de charges qu’à partir du moment où ils réalisent un chiffre d’affaires.

Depuis des mois, ce sujet donne lieu à un bras de fer entre le gouvernement et les représentants des autoentrepreneurs, notamment le mouvement des  » poussins « . Les pouvoirs publics ne font pas mystère de leur volonté de réformer ce statut très favorable qui placerait une partie des autoentrepreneurs dans une situation de concurrence déloyale par rapport aux artisans.

En vigueur depuis 2009, ce statut permet de créer de façon simple et rapide une entreprise et compte actuellement 900 000 adeptes. Un peu moins de la moitié sont économiquement actifs et seulement 6,1 % déclarent un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 30 000 euros.

La réforme, telle qu’elle avait été présentée le 12 juin, prévoyait qu’un autoentrepreneur qui, durant deux années consécutives, réaliserait un chiffre d’affaires supérieur à 19 000 euros dans les services ou 47 500 dans le commerce (contre 32 600 et 81 500 aujourd’hui) serait contraint de sortir de ce régime fiscal avantageux pour rejoindre le droit commun.

L’article 12 du projet de loi présenté mercredi entretient toutefois le flou. S’il maintient l’idée d’une sortie du régime en cas de dépassement d’un niveau de chiffre d’affaires, le texte reste muet sur le niveau de ces seuils. Ils seront fixés par décret ultérieurement.

Statuts valables pour tous

L’entourage de la ministre de l’artisanat et du commerce, Sylvia Pinel, précise que  » rien n’est changé par rapport à la version du 12 juin « . Le gouvernement prendra en compte les résultats de la commission de travail sur l’entreprenariat individuel, confiée au député PS de Côte-d’Or, Laurent Grandguillaume.  » L’idéal serait que nous ayons terminé nos travaux, qui démarrent fin septembre, avant la fin de l’examen du texte par le Parlement « , assure M. Grandguillaume, dont l’objectif est de  » sortir de l’opposition entre autoentrepreneurs et artisans « . Il s’agirait, selon lui, de parvenir à des pistes de simplification des statuts valables pour tous.

Le député de la Côte-d’Or évoque la possibilité de simplifier les régimes fiscaux et sociaux actuels des artisans, ce qui aurait pour principal avantage de lever les réticences des autoentrepreneurs au moment de basculer de leur régime dérogatoire vers le droit commun. La problématique de ce débat, pour l’instant mal engagé entre les entrepreneurs et le gouvernement, serait alors inversée.

Les autoentrepreneurs redoutent le pire si les seuils – le nerf de leur guerre – sont fixés par décret. Adrien Sergent, initiateur des  » poussins « , dénonce  » la manoeuvre du gouvernement pour passer en force, par décret, car beaucoup de parlementaires, de droite comme de gauche, ne sont pas d’accord avec la limitation du régime dans le temps et dans le chiffre d’affaires « .

M. Sergent craint que le projet de loi soit validé  » avant les conclusions de la commission Grandguillaume « .  » Mme Pinel n’a déjà pas tenu compte des conclusions du rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales qu’elle avait commandé et qui déconseillait une limitation du régime « . La Fédération des autoentrepreneurs est prête à  » négocier avec le gouvernement et le Parlement sur la base d’un texte et d’un calendrier clairs « .

Le porte-parole des  » poussins  » veut pouvoir faire avancer, dans la commission Grandguillaume, les questions de la formation, l’accès au microcrédit ou encore la fiscalité. La ministre est prête à donner aux entreprises qui basculeront dans le régime général  » des leviers d’investissement et de développement  » inexistants pas dans le régime des autoentrepreneurs, comme la déduction des frais professionnels, les amortissements ou la déduction de la TVA. Et promet de faciliter l’accès au financement de la formation.

Les artisans, les plus hostiles au statut actuel, restent sur leur ligne.  » Les autoentrepreneurs nous font une concurrence qui nous gêne beaucoup « , affirme Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment, qui regroupe 57 000 adhérents, soit deux tiers de l’activité du secteur dans l’Hexagone.  » Nous sommes soumis à des normes extrêmement contraignantes de sécurité, d’hygiène, de formation, d’assurances, alors que les autoentrepreneurs ne le sont pas. Rien ne les oblige à respecter la réglementation sur l’amiante par exemple. Ils ne font pas non plus payer la TVA, donc le client gagne d’office 20 % sur les travaux effectués « , assure M. Ridoret.

 » Un salarié d’une entreprise de BTP peut aussi être déclaré comme autoentrepreneur et travailler 24 heures sur 24, sept jours sur sept « , affirme-t-il. A ses yeux, tous les corps de métiers sont touchés – plombiers, électriciens, peintres, maçons, entreprises de gros oeuvre…  » Il faudrait qu’artisans et autoentrepreneurs bénéficient des mêmes mesures, or le régime actuel ne donne des avantages qu’à certains « , souligne M. Ridoret, qui milite depuis quatre ans pour  » que les métiers du BTP sortent du régime des autoentrepreneurs « .

Le Medef, qui s’est saisi du sujet il y a deux mois, tente de jouer les conciliateurs. En n’affichant plus officiellement de montant pour les seuils de sortie du régime des autoentrepreneurs, le gouvernement choisit de  » dépassionner le débat et renoncer à agiter un chiffon rouge  » devant les autoentrepreneurs, argumente Thibault Lanxade, président de la commission PME du Medef. L’organisation patronale considère que, par leur attitude, les pouvoirs publics donnent un nouveau départ à cette réforme controversée.

Le bricoleur et l’artisan

 » Pour sortir par le haut, les discussions ne doivent pas se résumer à un débat sur les seuils.  » M. Lanxade préconise que la réflexion s’oriente plutôt sur une distinction entre  » activité  » et  » métier  » afin de distinguer le bricoleur du véritable artisan. Cette piste de travail figurait dans le rapport sénatorial Dini-Kaltenbach rendu le 3 juillet. N’évoquant jamais un éventuel abaissement des seuils et estimant que la réforme Pinel revenait à prendre un  » marteau pour tuer un moustique « , le socialiste Philippe Kaltenbach est opposé à une limitation générale de la durée d’activité.

Pour le sénateur, la solution serait de faire la distinction entre  » un autoentrepreneur qui refait toute votre électricité et celui qui viendrait repeindre un volet « . Faire la différence donc entre gros travaux et bricolage.  » Une fois cette distinction techniquement établie et économiquement juste, la question des seuils ne se posera plus « , pronostique M. Lanxade.

Anne Eveno et Nicole Vulser

Cacophonie sur un dossier empoisonné

1er octobre 2012
Bercy confie une mission d’évaluation du régime de l’autoentrepreneur à l’inspection générale des finances et à l’inspection générale des affaires sociales.
23 mai 2013
La ministre déléguée à l’artisanat, au commerce et au tourisme, Sylvia Pinel, annonce une limitation dans le temps (entre un et cinq ans) du régime de l’autoentrepreneur quand il s’agit d’une activité principale.
31 mai
Jean-Marc Ayrault, pour calmer la fronde des autoentrepreneurs, assure que seuls ceux du bâtiment verront leur activité limitée dans le temps. MmePinel affirme que rien n’est acté.
12 juin
Le projet de réforme est présenté. Il abaisse les seuils de chiffre d’affaires à partir desquels un autoentrepreneur bascule dans le régime classique. Ces seuils ne pourront être dépassés deux années de suite.
21 août
Le projet de loi réformant le régime des autoentrepreneurs est présenté en conseil des ministres. Le niveau des seuils n’est pas précisé, mais la limitation dans le temps est maintenue.


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