Une bonne analyse de notre situation

Cet article est une bonne analyse de notre situation. Elle montre que l’on a, depuis les années 1980, des politiques incompétents à gérer correctement un budget. Droite comme gauche, ils ont tous failli à gérer convenablement l’argent du contribuable à engager toujours plus de dépense sans s’assurer de recettes idoines. Il faut savoir réformer afin de dépenser moins et mieux.

Avec les politiques incompétents que nous avons, la situation n’est pas prête de changer.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 7 Novembre 2013

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EUROPE | CHRONIQUE
 » I want my money back « 

C’est un grand secret. Les Français deviennent anglais. Non pas parce que leur industrie est encore plus moribonde que celle de leurs voisins outre-Manche. Non plus parce qu’ils partagent la nostalgie d’une puissance fanée et se rassurent dans une quelconque expédition postcoloniale. Encore moins parce qu’ils enverront tous à Strasbourg en mai 2014 une palanquée de députés europhobes. Non : parce qu’ils se révoltent contre les impôts. Une première depuis l’instauration de la TVA, qui fit la gloire éphémère de Pierre Poujade à partir de 1953. A les entendre protester contre leur avis d’imposition, on les prendrait pour Thatcher.  » I want my money back ! « , serinait la  » Dame de fer  » contre l’Europe.

Rendez-moi mon argent ! Les Français sont las de payer car ils ont l’impression qu’ils n’en ont pas pour leurs impôts. L’antienne de la gauche qui proclamait  » il ne faut pas moins d’Etat mais mieux d’Etat  » ne fonctionne plus. Le mensonge de Jean-Marc Ayrault, qui prétendait il y a un an que neuf Français sur dix ne seraient pas touchés par les hausses d’impôts, a aggravé la défiance.

Après ces prolégomènes urticants à dessein, examinons la pression fiscale en France. Les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) ont fortement augmenté depuis trois ans, pour atteindre en 2013 un record de 46 % du produit intérieur brut (PIB). Cette année, l’Etat aura dépensé pour nous 57 % de la richesse nationale. Un record, qui nous place derrière le Danemark. Ces deux chiffres – dont l’écart s’explique par les déficits publics et les dépenses financées par des recettes non fiscales – attestent d’une vérité : en dépit des cris d’orfraie contre le néolibéralisme, jamais la France n’a été aussi socialisée. L’argument des thuriféraires de l’impôt est connu : en France, l’éducation, la santé sont gratuites ainsi que les services-publics-que-le-monde-nous-envie. Passons pudiquement sur le prix prohibitif des billets de TGV et des péages autoroutiers, et réintégrons dans les comptes des pays occidentaux les dépenses qui sont privées mais obligatoires, telles la santé et l’éducation.

Patrick Artus, économiste chez Natixis, s’est livré à l’exercice. Les prélèvements obligatoires américains recalculés bondissent de 28 % à 43 % du PIB ; de 37 % à 46 % au Royaume-Uni et de 40 % à 44 % en Allemagne. Quant à la France, elle passe de 47 % à 50 %. Après corrections, notre pays reste le champion de la dépense !

Cette surétatisation française est le résultat d’une dérive inexorable décrite récemment dans La Tribune par Pierre-François Gouiffès, maître de conférences à Sciences Po. La dépense publique a explosé lors des récessions, immanquablement accompagnées de plans de relance et de droits nouveaux. Elle est passée de 40 % du PIB en 1973 à 57 % aujourd’hui : ce furent les relances Giscard-Chirac après le premier choc pétrolier ; les cadeaux de mai 1981 et la récession de 1983 ; les politiques généreuses du début des années 1990 et la récession de 1993 ; enfin, la relance Sarkozy-Fillon lors de la crise de 2009.

 » Savoir tailler « 

Le hic, c’est que les années de vaches grasses n’ont jamais été mises à profit pour réduire la dépense. Au contraire, on y créa des droits nouveaux, tels le RMI, la couverture maladie universelle, le droit opposable au logement, le RSA, les 35 heures, etc. Tous les régimes sont concernés : Rocard, Jospin, Chirac II et Sarkozy. En France, l’école keynésienne est toujours là pour justifier la dépense : quand la conjoncture est mauvaise, il ne faut pas l’aggraver ; quand elle est bonne, il ne faut surtout pas casser la croissance. Acide, le blairiste Denis MacShane déplore :  » L’art du jardinier n’est pas de planter, mais de savoir tailler. « 

Est-ce si grave, si les Français en ont pour leur argent ? Si l’on veut plus de justice, de police, il faut bien des impôts, socle du pacte républicain. De nouveau, Patrick Artus a comparé les dépenses de la France avec celles de ses partenaires de la zone euro. Le pays dépense peu pour ses policiers (1,75 % contre 1,85 %), mais se révèle plus dispendieux partout ailleurs. Il convient de distinguer les choix collectifs de la mauvaise gestion. Dans la catégorie  » exception française  » figurent l’intouchable culture (1,4 % du PIB contre 1,1 %) et les dépenses de défense, pour asseoir notre statut de puissance nucléaire. Dans la case mauvaise gestion, l’éducation, qui coûte cher (6,1 % du PIB contre 4,9 %) pour des performances médiocres : les enfants de 15 ans se trouvaient en mathématiques et en lecture au 22e rang de l’enquête PISA de 2009.

L’écart décisif concerne les dépenses sociales, qui atteignent 32 % du PIB, contre 26,5 % dans le reste de la zone euro. N’accablons pas le système de santé, relativement coûteux mais performant selon les classements internationaux, ni les chômeurs, qui perçoivent des indemnités relativement modestes, à l’exception des cadres. L’essentiel du surcoût concerne les généreuses retraites (12,2 points de PIB, contre 9,5 points ailleurs en Europe, en dépit d’une prétendue jeunesse démographique), les allocations familiales (3,2 % contre 2 %) et le logement (0,8 % contre 0,32 %). Ces trois postes sont, avec la défense, ceux que Patrick Artus suggère de réduire pour retrouver un niveau de dépense publique normal.

Mais, quinze ans après Jospin, François Hollande a dû renoncer à mettre sous conditions de ressources les allocations familiales ; les aides au logement nourrissent la hausse de l’immobilier, mais leur suppression entraînerait une perte immédiate de pouvoir d’achat pour les personnes concernées. Enfin, les retraités sont des électeurs très actifs. Bon courage.

par Arnaud Leparmentier


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