Définir l’impôt avec la mondialisation ? Une affaire d’arbitrage…

Comme le dit M. Saint-Amans, il faut faire attention lors de l’utilisation de l’arme fiscale en France. Il faut, au minimum, une coopération Européenne. Je dirais qu’il faut une coopération mondiale. La plus-value que tirerait un pays à user d’un lobbying fiscal, induisant une distorsion forte de concurrence, ne peut être que temporaire. Temporaire car le fruit de l’impôt ne reviendrait pas aux habitants et qu’à force de mettre de côté ses habitants, on s’expose à un retour de baton qui peut mener à une révolution. Tout le monde à donc à gagner à lever l’impôt de manière juste et proportionnée.

Quoiqu’il en soit, la France se doit de militer en la matière car la France est un pays à peu près Démocratique qui aurait tout à gagner à exporter son modèle de gouvernance à travers le monde. Le Monde y gagnerait assurément.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 14 Novembre 2013

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ENTRETIEN
 » Il faut changer les règles pour les adapter à un monde globalisé « 

Pascal Saint-Amans est directeur du centre de politique et d’administration fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Quelle distinction opérez-vous entre fraude, évasion et optimisation fiscales ?

La fraude est illégale, c’est une violation de la loi. C’est par exemple faire de la rétention de TVA ou avoir un compte dissimulé à l’étranger et ne pas déclarer ses revenus. L’évasion fiscale, c’est légal et c’est le résultat de la planification fiscale. Dans la planification – ou l’évasion -, il y a une zone blanche, qui est l’utilisation des instruments légaux à disposition afin de réduire ses impôts. Il y a aussi une zone grise, l’optimisation dite agressive, qui signifie qu’on va très loin dans l’utilisation de la loi et dans laquelle vous pouvez vous trouver en conflit avec l’administration fiscale sans pour autant que le juge, s’il applique la lettre de la loi, vous donne nécessairement tort.

A-t-on une idée des sommes en jeu ?

Aujourd’hui, on n’a pas de chiffrage, ni sur la fraude ni sur l’évasion-optimisation, pour ce qui est de la France. Mais, aux Etats-Unis, les montants de profits accumulés des sociétés américaines non rapatriés aux Etats-Unis pour qu’ils n’y soient pas taxés – donc abrités dans des paradis fiscaux – s’élèvent à 2000 milliards de dollars. Cela donne une idée des montants en jeu.

Quelles sont les principales pistes à suivre pour enrayer ces flux anormaux ?

Il y a deux volets : l’optimisation domestique, en utilisant les défaillances ou les faiblesses du droit interne ; l’optimisation internationale, en utilisant les défaillances du système international. Dans le droit purement interne, le principal débat porte sur l’abus de droit : à partir de quel moment l’administration fiscale peut-elle remettre en cause un schéma ayant pour but d’éluder les impôts, mais qui peut aussi avoir d’autres incidences, derrière lesquelles s’abrite le contribuable pour justifier le schéma ? Est-ce que c’est un but exclusivement fiscal ou principalement fiscal ?

Sur cette problématique, il y a un Charybde et un Scylla : plus la définition est stricte, exclusivement fiscale, plus il y a de possibilités pour le contribuable de trouver une parade pour échapper à l’impôt. Si la définition est trop large, on crée une véritable insécurité juridique. C’est un arbitrage entre les deux qui est nécessaire. Sur l’aspect international, il faut changer les règles pour qu’elles soient plus adaptées à un monde globalisé. C’est ce que fait l’OCDE.

Comment agissez-vous ?

C’est le projet BEPS – Base Erosion and Profit Shifting,  » lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices  » – , qui prévoit quinze actions dans les deux ans à venir afin de lutter contre l’abus des traités fiscaux. Aujourd’hui, par exemple, 27 % des investissements en Inde se font à partir de l’île Maurice, parce que le traité permet de localiser son argent à l’île Maurice. Et c’est légal. Il faut réaligner la localisation des profits avec la localisation de la création de valeur. Cela veut dire adapter les règles de prix de transfert pour éviter que les groupes ne localisent leurs valeurs – notamment les incorporels, les brevets, les marques – dans des paradis fiscaux. C’est aussi donner aux Etats des instruments coordonnés pour protéger leur base fiscale.

Est-il possible d’agir au niveau national s’il n’y a pas d’accord entre les Etats, en premier lieu européens ?

Sur les schémas purement domestiques, la réponse est oui : c’est la problématique des abus de droit. Agir sur des schémas hors frontières, et cela va même au-delà de l’Union européenne, implique que l’ensemble des partenaires suivent les mêmes règles. Faute de quoi, vous pouvez bien vous protéger, mais vous devenez non compétitif. Ou, si vous ne vous protégez pas suffisamment, vous ne ramassez plus de recettes fiscales. Là aussi, c’est une question d’arbitrage.

Propos recueillis par P.Rr

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