Ce n’est pas parce qu’on n’en parle plus que la crise n’est plus là…

Cet éditorialiste prend très clairement ses désirs pour des réalités et confond le fait de ne plus parler d’une réalité avec son inexistence.

Car, si, la crise en encore là ! Elle l’est encore, mais on n’en parle moins car on espère, un peu naïvement, que les discours des uns et des autres ont résolu la situation. On espère, aussi naïvement, que les 11 Milliards d’Euros qui vont être redonnés à la Grèce, vont enfin être les derniers et que le pays pourra se sortir de la crise avec cette dernière rallonge budgétaire.
On espère, toujours aussi naïvement, que la dèche budgétaire dans laquelle est ancrée la France disparaîtra d’elle même comme par magie. Mais comment éliminer d’un coup de baguette magique une situation désastreuse et récurrente où la France vote des dépenses de 320 Milliards d’Euros avec seulement 240 Milliards de recette ?

Pour gommer ce déficit budgétaire on fait toujours plus d’emprunt en remboursant toujours plus d’intérêts : 40 Milliards d’Euros / an d’intérêts purs à rembourser à nos prêteurs, allourdissant d’autant notre dette déjà abyssale.

La bourse se porte bien, mais qui fait encore confiance à ces idiots de boursicoteurs ? Quand on sait que la bourse est capable, en une journée, de baisser de près de 3%, on se dit qu’en l’espace de deux petites semaines, on est capable de passer d’un optimisme naïf à une vraie crise.

Donc, non, la crise n’est pas passée. Il y a juste une coordination mondiale et générale qui, dans sa chute et avant de toucher le pavé, se dit : « Jusqu’ici, tout va bien… ».

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 29 Août 2013

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EUROPE | CHRONIQUE
Quel ennui, la crise est finie !

On s’est bien ennuyé cet été. Pas de faillite de la Grèce, aucune attaque financière contre l’Italie, et la déchéance du triple A de la France par Fitch est passée inaperçue. Non, ce fut un bonheur paisible : un rebond inattendu de la croissance, en France (0,5 % au deuxième trimestre) et en Europe, qu’il fut bien difficile de contester. Et si la zone euro était tirée d’affaire ? Les marchés y croient dur comme fer.

Depuis un an, les Bourses allemande, française, italienne et espagnole ont progressé respectivement de 19 %, 17 %, 13,5 % et 16 %. Bien sûr, il existe des explications techniques à ce rebond. Les pays émergents, Brésil, Turquie et Inde en tête, sont en crise, et les investisseurs rapatrient leurs capitaux dans un Occident devenu soudain rassurant. Il n’empêche, la donne a changé. La zone euro n’est plus l’épicentre du tremblement de terre financier mondial.

Que de chemin accompli depuis qu’éclata en 2009 la crise de l’euro, avec la faillite de la Grèce. La crise était d’abord une crise de compétitivité dans une Europe disqualifiée par les grands émergents, Chine en tête. Les pays du  » Club Med  » s’endettaient à des taux allemands, s’offraient des salaires généreux et ne s’apercevaient pas que, protégés par l’euro, ils importaient beaucoup plus qu’ils n’exportaient. La cure fut sévère, mais les efforts ont payé. Les pays du Sud, à l’exception notable de l’Italie, ont largement corrigé la dérive de leurs coûts salariaux par rapport à l’Allemagne. Les déficits extérieurs – la balance des paiements courants – de l’Italie, de l’Espagne, de l’Irlande, de la Grèce et du Portugal, qui avoisinaient 8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2008-2009, ont aujourd’hui presque disparu. L’Irlande et le Portugal ont pu emprunter à dix ans sur les marchés.

Parallèlement, les Européens ont corrigé les failles du traité de Maastricht. Le pacte de stabilité, que Chirac et Schröder firent voler en éclats en 2003, a été renforcé. Les Européens surveillent désormais les déséquilibres macroéconomiques, pour prévenir les bulles immobilières et bancaires à l’origine de l’effondrement de l’Irlande et de l’Espagne. Enfin, une union bancaire est en construction. Elle doit empêcher les faillites bancaires et éviter aux Etats de se ruiner en les renflouant.

Troisième acte, les Européens ont réaffirmé leur foi dans l’intégrité de l’Union monétaire. La Grèce restera dans l’euro, a fini par décider Angela Merkel. C’était il y a un an seulement. Et, lorsque la question de confiance leur a été posée, les peuples ont tous confirmé leur attachement à l’euro. Au nord, les Néerlandais se sont détournés des eurosceptiques, tandis que les néonazis grecs d’Aube dorée et les pitres italiens de Beppe Grillo n’ont pu entraîner leur pays hors de l’euro. La stabilisation du chômage, même à un niveau extravagant, autorise un relatif optimisme pour les élections à venir. L’euro est sauvé

Enfin, pierre de voûte de l’édifice, la Banque centrale européenne (BCE) assure depuis un an qu’elle sauvera l’euro quoi qu’il arrive. Efforts économiques, renforcement institutionnel et credo politique réaffirmé : l’euro est sauvé. Il est même viable.

A chaque automne, ses tempêtes. Mais les turbulences annoncées ressemblent à un clapotis. Après les élections allemandes, le 22 septembre, il faudra restructurer la dette grecque détenue par les Etats. Les contribuables européens vont vraiment payer et le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, a vendu la mèche. Ou plutôt ce secret de Polichinelle. En d’autres temps, la nouvelle aurait fait la  » une  » indignée de la Bild Zeitung, porte-parole du contribuable allemand. Le temps a fait son oeuvre, et le tabloïd se contente, en deuxième page, d’un  » Et voilà, encore de l’argent pour les Grecs ! « . Résigné. On est loin des  » stop  » ou des  » mensonges de l’euro « , dénoncés aux débuts de la crise.

Accepté, l’effacement partiel de la dette grecque reste délicat. Les spécialistes préféreraient réduire les taux d’intérêt et allonger les remboursements pour éviter toute panique.

Le second obstacle sera l’évaluation, en fin d’année, de la solidité des banques européennes, avant que celles-ci ne passent sous la tutelle protectrice de la BCE dans le cadre de l’union bancaire. L’institution de Mario Draghi dénichera quelques pertes cachées. Il faudra alors les combler pour rétablir la confiance.

Cet apaisement offre un répit à François Hollande. Nul ne croit plus la prédiction énoncée, fin 2012, par Gerhard Schröder : l’ancien chancelier annonçait – souhaitait en réalité – une attaque punitive des marchés contre une France jugée dépensière et peu réformatrice.

Heureusement, l’économiste Patrick Artus nous apporte l’once de pessimisme sans laquelle une chronique n’est pas une vraie chronique : l’endettement des pays du Sud continue de croître, et les marchés se trompent en faisant une confiance aveugle à la BCE qui n’efface en rien la dette publique de ces pays. Bigre. Pis, la France et l’Italie ne réalisent pas de gain de productivité : qui va y investir s’il n’a pas de perspective de croissance ? L’Europe ne retrouvera pas le dynamisme qui prévalait avant 2007, lorsque l’économie était dopée à l’argent facile. Les Européens vont vivre avec des impôts élevés, une dette à rembourser, des hausses salariales modérées et un chômage massif tant que le choix collectif est de protéger ceux qui ont déjà un emploi.

Si la crise est finie, le bonheur est encore loin.

par Arnaud Leparmentier

leparmentier@lemonde.fr


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