Une salve d’un économiste envers M. Sarkozy

C’est vrai que je n’accorde pas une grande confiance aux dires de la plupart de nos économistes. En effet, ils ont une fâcheuse tendance à discourir sans motiver leurs propos. Dire ce que l’on pense est à la portée de n’importe qui, mais savoir démontrer ses dires est une toute autre affaire.

Dans le papier qui suit, cet économiste ne se contente pas de dire sa pensée, il la motive et la démontre. Pas complètement, certes, mais l’effort doit être loué et force est de constater que ses propos sont plutôt justes et fournis.

On m’a souvent dit que l’on remarquerait plus tard la plus-value de la politique de M. Sarkozy sur la France des années 2007-2012. Pour l’instant, je ne l’ai toujours pas remarquée. Je ne suis pas le seul car cet économiste fait la même constatation que moi : Sarkozy n’a pas été bon pour réformer la France alors qu’il avait eu une vision à peu près juste de ses manques.

Sarkozy a été un mauvais président, le plus mauvais de la cinquième république. Il a été mauvais car il savait ce qu’il fallait faire, il avait eu une juste vision des problèmes du pays, mais n’a pas engagé les réformes par pure démagogie. C’est en cela que le quinquennat de Sarkozy est un échec, plus que ne l’est celui de M. Hollande qui n’a pas, lui, la bonne vision des forces et faiblesses de notre pays.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 13 Septembre 2013

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Un inventaire du quinquennat de M. Sarkozy
La rupture libérale n’a pas eu lieu

C’est sur le thème de la rupture que Nicolas Sarkozy avait été élu président de la République. Cette rupture était affirmée aussi bien sur le plan des valeurs à respecter que de la politique économique ou des règles institutionnelles. Mais c’est dans le domaine économique que l’attente était probablement la plus forte. Après des décennies de socialisme de gauche et de droite, il était devenu évident que la France était à la traîne et que son modèle social était à bout de souffle. Nicolas Sarkozy, lorsqu’il a été élu, était donc porteur de très grands espoirs et il avait une chance extraordinaire d’entrer dans l’Histoire.

Or qu’avons-nous vu en réalité ? La continuation des vieilles méthodes politiques françaises : un pouvoir qui s’incline immédiatement devant les syndicats, du bricolage fiscal appelé pompeusement  » réforme fiscale  » – et même la création d’un très grand nombre d’impôts nouveaux -, un quasi-statu quo dans tous les domaines. Dès le début du quinquennat, il a été évident que la rupture annoncée n’aurait pas lieu. Il a ainsi suffi qu’un leader syndical étudiant exprime son opposition à deux mesures fondamentales du projet de loi sur l’Université (la sélection des étudiants et la liberté de fixation des droits d’inscription) pour que celles-ci soient promptement supprimées.

Dans le domaine si essentiel de la fiscalité, il y a bien eu le  » paquet fiscal « . Mais au lieu d’une réforme forte, claire et simplificatrice, on a obtenu une nouvelle usine à gaz. Par peur des réactions de la gauche, Nicolas Sarkozy n’a pas osé supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ni diminuer la progressivité de l’impôt, pas plus d’ailleurs que renoncer aux 35 heures… On a préféré contourner les obstacles et en atténuer certaines des conséquences néfastes. C’est ainsi qu’au lieu de supprimer l’ISF, on a inventé le bouclier fiscal – qui avait certes sa justification -, mais qui a eu un effet désastreux pour l’opinion.

De même, au lieu de supprimer les 35 heures et de diminuer la progressivité de l’impôt, on a inventé l’exonération des heures supplémentaires. L’intention était certes louable, mais on en est arrivé à construire un système incompréhensible et très injuste, puisque, par exemple, un membre de profession libérale ou un entrepreneur qui ne ménagent pas leur peine sont punis par la surtaxation de l’effort marginal due à la progressivité de l’impôt sur le revenu. Une vraie réforme fiscale aurait dû diminuer les taux marginaux d’imposition les plus élevés, car ce sont eux qui découragent les efforts supplémentaires les plus susceptibles d’entraîner une accélération de la croissance. Une telle réforme – accompagnée de profondes déréglementations, en particulier sur le marché du travail, mais aussi dans le domaine de l’assurance-maladie et des retraites – aurait été un moyen pour les Français de retrouver la voie de la prospérité.

Certes, on dira sans doute que Nicolas Sarkozy a eu la malchance de voir éclater la crise financière et économique mondiale peu après son accession au pouvoir. Mais il aurait fallu, précisément, libérer les énergies des Français en réduisant l’interventionnisme étatique. Malheureusement, Nicolas Sarkozy a accepté l’idée fausse selon laquelle la crise avait été provoquée par l’instabilité fondamentale des marchés et il a donc répondu par une augmentation des dépenses publiques et des réglementations, et il est parti en guerre contre le profit et les hauts revenus.

Curieuse  » prime dividendes « 

Citons, à titre d’exemple, le cas du  » grand emprunt  » : Nicolas Sarkozy a brutalement annoncé que l’Etat allait emprunter une grande somme d’argent afin d’aider à la sortie de crise et il a ensuite demandé à des comités et à ses ministres de décider des dépenses à effectuer avec les sommes empruntées. Que penserait-on d’un entrepreneur qui ferait un grand emprunt avant même de savoir comment l’utiliser ? Il irait probablement à la faillite.

Nicolas Sarkozy a créé une curieuse  » prime dividendes « , car il considérait qu’il n’était pas normal que la totalité du profit aille aux actionnaires des entreprises. Or faut-il rappeler que le profit est la rémunération des actionnaires, et le salaire, la rémunération des salariés ? Par conséquent, dire qu’il n’est pas normal que les actionnaires touchent la totalité des profits est aussi absurde que le serait l’affirmation selon laquelle il n’est pas normal que les salariés touchent la totalité des salaires ! Cet exemple montre, parmi d’autres, que Nicolas Sarkozy ne comprenait pas les processus économiques et qu’il réagissait plus aux réactions supposées de l’opinion qu’aux exigences d’une véritable logique économique. Mais cela ne l’a pas empêché de vouloir être le chef de file mondial d’une politique visant à réformer – et même à  » moraliser  » – le capitalisme, comme si quelques chefs d’Etat pouvaient en quelques jours modifier un système qui a émergé au cours des siècles de manière spontanée parce qu’il est à la fois le plus juste et le plus efficace.

Comme on pouvait le prévoir, la politique économique de Nicolas Sarkozy a été un échec, parce qu’elle s’est refusée à effectuer la rupture annoncée. Cela n’a pas empêché un grand nombre de commentateurs de prétendre que cet échec était une preuve supplémentaire des méfaits de l’ultralibéralisme. Mais ce n’est pas parce qu’on se prétend de droite qu’on est ultralibéral. L’échec de Nicolas Sarkozy est en réalité celui de l’ultra-interventionnisme étatique.

Pascal Salin

Economiste


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