Espionner les citoyens et ne pas leur dire menace-t-il la sécurité de ces citoyens ?

La question est centrale, et relève de l’intérêt général, guide suprême de toute démocratie : « Espionner les citoyens et ne pas leur dire menace-t-il la sécurité de ces citoyens ? ».

Je pense que l’on peut tourner et retourner cette question dans tous les sens. A aucun moment, on ne pourra y répondre par l’affirmative. L’information est un droit absolu qui doit être octroyé dans toute démocratie. Quand on met un système d’écoute ou de surveillance, il en va du devoir de l’autorité d’informer les individus qu’ils sont surveillés.

Cela se voit tous les jours quand on traverse différents batiments publics ou que l’on téléphone à différentes administrations : le droit d’informer d’une écoute ou d’un enregistrement est un droit fondamental…

…Droit qui a largement été oublié par les américains dans le dossier Snowden.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 10 Juillet 2013

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L’affaire Snowden révèle la toute-puissance des juges autorisant les écoutes
La Cour suprême américaine va être saisie de la légalité des interceptions de communication

Un tribunal dont les audiences et les décisions sont secrètes a-t-il le pouvoir d’autoriser la collecte généralisée des relevés de communications des citoyens américains ? Début juin, Edward Snowden, l’ancien collaborateur de l’Agence de sécurité nationale (NSA) américaine toujours en attente à Moscou d’un pays d’asile, était sorti du bois. Il permettait au quotidien britannique The Guardian de publier une décision  » top secret  » des juges de la cour instaurée par le Foreign Intelligence Surveillance Act (ou cour FISA), qui statue sur les demandes des services de renseignement. Cette décision autorisait la traque, à leur insu, de millions d’abonnés de l’opérateur téléphonique Verizon.

Un mois après ces premières révélations, une association américaine de défense des libertés publiques, l’Electronic Privacy Information Center, a annoncé, lundi 8 juillet, qu’elle s’apprêtait à contester, devant la Cour suprême, la légalité des autorisations d’écoute données aux services secrets par ce tribunal spécial chargé de mettre en oeuvre le FISA. Ce recours devant la plus haute juridiction américaine, le premier du genre, suit d’autres plaintes déposées en juin devant des cours fédérales par des groupes d’abonnés à Verizon.

Au centre de toutes ces procédures se trouve l’application de la disposition du Patriot Act de 2001, qui exige que les relevés de communications soient  » pertinents  » avec  » une enquête autorisée concernant la sécurité nationale « . Or, selon des indiscrétions qui se multiplient dans le sillage du scandale Snowden, la cour FISA interprète de façon lâche la nécessité d’un tel lien : les juges considèrent que, même si chaque relevé individuel n’a pas de lien avec la sécurité nationale, l’image globale que fournit cette masse de données, elle, est  » pertinente  » avec la sécurité nationale. Ils autorisent donc largement leur collecte et leur conservation.

 » Comment chaque appel passé ou reçu par chaque Américain peut-il être « pertinent » avec une enquête particulière ?, interrogent deux juristes de prestigieuses universités dans une tribune intitulée  » La NSA criminelle « , publiée le 27 juin dans le New York Times. N’importe quelle information peut être un jour « pertinente » avec une enquête, si « un jour » signifie « avant la fin des temps ». Si toutes les informations sont « pertinentes », le concept de pertinence est une plaisanterie. « 

Certes, une loi de 2008 a clairement étendu les pouvoirs d’intrusion de la NSA au nom de la lutte contre le terrorisme, en l’autorisant à exiger des opérateurs et fournisseurs d’accès qu’ils installent des dispositifs permanents destinés à scanner les données.

Mais les onze juges de la cour FISA, tous nommés par le président de la Cour suprême et dont dix ont été choisis sous un président républicain, ont élargi l’application de la législation, ces dernières années, dans une série de décisions non contradictoires (seul l’Etat est représenté) et non rendues publiques. D’ailleurs, ils n’ont jamais refusé une demande d’autorisation formulée par la NSA ou le FBI.  » Sans faire de bruit, la cour FISA est pratiquement devenue une Cour suprême parallèle « , estime le New York Times du 8 juillet, citant anonymement plusieurs témoins de cette dérive.

Ainsi, les juges ont étendu à la collecte des relevés de communications la notion d’ » intérêt spécial  » qui, au nom de la sécurité publique, justifie depuis 1989 le dépistage de la drogue chez les cheminots. Ce faisant, ils ont estimé que collecter les données électroniques au nom de la lutte antiterroriste ne contrevient pas au quatrième amendement de la Constitution, qui protège les citoyens contre des intrusions arbitraires.

Selon le journal, la cour FISA a aussi élargi considérablement la notion de  » renseignement étranger  » prévue par la loi sur les écoutes. Elle a ainsi autorisé l’interception, sans mandat judiciaire, d’e-mails échangés à l’intérieur des Etats-Unis suspectés de contenir des diagrammes liés au programme nucléaire iranien. La lutte contre les cyberattaques a justifié d’autres intrusions.

Jusqu’où ira la mise en cause de la toute-puissance de la cour FISA,  » un tribunal comme il n’en existe aucun autre aux Etats-Unis « , insiste le Washington Post ? La liberté d’interprétation de juges travaillant dans le secret a pratiquement vidé de son sens le principe de publicité des règles de droit. Des membres du Congrès réclament la publication des décisions de la cour. Mais, auditionné en juin au Sénat, le général Keith Alexander, directeur de la NSA, a dit craindre qu’une telle transparence  » ne menace la sécurité des Américains « .

Philippe Bernard


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