Le lanceur d’alerte doit être récompensé, pas puni

Bien que la peine de cet ex-commandant de police soit petite, elle ne peut convenir à une démocratie comme la nôtre. Le rôle de lanceur d’alerte doit être pris en compte dans notre droit et la notion d’intérêt général doit en être la pierre angulaire.

Je ne trouve pas que la peine soit symbolique. Du sursis, certes, mais 1500 Euros tout de même ! Quand on a des convictions d’intérêt public, comme le souligne le jugement du tribunal, on ne doit pas être condamné mais récompensé !

Ce monsieur avait démontré que le STIC contenait des erreurs et avait alerté sa hiérarchie. Sa condamnation n’est donc pas au niveau d’une démocratie comme la nôtre : on aurait du aller plus loin dans la démarche et purement et simplement l’acquitter.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 24 Octobre 2013

****************

Peine symbolique pour Philippe Pichon,  » lanceur d’alerte  » sur les fichiers de police
L’ex-policier avait divulgué des fiches de personnalités pour dénoncer les dérives du système

Certes, Philippe Pichon, 44 ans, ex-commandant de police mis à la retraite d’office, a été condamné, mardi 22 octobre, pour avoir consulté et divulgué des fiches issues du système de traitement des infractions constatées (STIC), le grand fichier fourre-tout de la police. Mais la peine prononcée par le tribunal correctionnel de Paris est symbolique, 1 500 euros d’amende avec sursis, quand le ministère public demandait quatre à six mois de prison avec sursis. Et la phrase qui justifie cette clémence fera date à l’heure où l’on s’interroge sur la protection juridique des lanceurs d’alerte :  » Le tribunal ne peut que constater que les faits qui lui sont reprochés sont partiellement motivés par les convictions d’intérêt public. « 

 » L’analyse de la décision très bien motivée montre clairement que la dimension citoyenne, éthique et désintéressée de la démarche a été largement prise en compte. Le lanceur d’alerte courageux et nécessaire qu’est Philippe Pichon est reconnu « , se félicite Me William Bourdon, l’avocat de l’ancien policier. Le tribunal évoque d’ailleurs  » les alertes sans doute infructueuses que le prévenu a lancées « … Comme un clin d’oeil aux  » lanceurs d’alerte « .  » C’est un droit nouveau qui en train de s’élaborer « , ajoute Me Bourdon.

Philippe Pichon était poursuivi pour  » violation du secret professionnel  » après avoir communiqué les fiches STIC de Jamel Debbouze et Johnny Hallyday au journal en ligne Bakchich, en 2008. Les journalistes souhaitent alors dénoncer le manque de fiabilité du système, qui contient près de 7 millions de fiches de personnes mises en cause, un jour, par les forces de l’ordre, quelles que soient les suites judiciaires. Utilisé notamment lors des enquêtes administratives pour les emplois sensibles ou pour savoir si un suspect est déjà  » connu des services de police « , le fichier est bourré d’erreurs. Depuis cette affaire, le STIC est dénoncé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés comme par les parlementaires.

 » Grand canyon « 

Le policier atypique, très bien noté mais en conflit avec sa hiérarchie,  » pas révolutionnaire mais légaliste « , comme il nous l’affirmait en 2011, ne peut que soutenir l’initiative de Bakchich. Chargé, en tant que numéro deux du commissariat de Coulommiers (Seine-et-Marne),  » de veiller au strict respect des instructions encadrant le STIC « , il a dénoncé en vain, en 2007, ses  » graves dysfonctionnements  » à sa hiérarchie.

Le jugement constitue aussi un camouflet pour l’administration. C’est peu dire que le ministère de l’intérieur, débouté de ses demandes de dommages et intérêts, a tout fait pour se débarrasser du policier, de conseils de discipline en audiences administratives, avant d’obtenir gain de cause en décembre 2011. A rebours, le tribunal  » ne peut que tenir compte  » dans son jugement  » des très bons états de service  » du policier,  » lequel n’a jamais fait l’objet d’une sanction administrative  » et a reçu  » 22 lettres de félicitations « .

Le tribunal ne prononce donc pas  » d’interdiction d’exercice professionnel  » et n’inscrit pas la peine à son casier judiciaire. Il ne voit  » aucune raison  » d’interdire à M. Pichon le métier de policier. Comme le résume Me Bourdon,  » un grand canyon vient de s’ouvrir entre la décision judiciaire et la sanction disciplinaire « . Ce sera au Conseil d’Etat, auprès duquel M. Pichon a déposé un recours, d’en juger.

Laurent Borredon


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *