Un témoignage édifiant sur le mille-feuille administratif

Le mille-feuille administratif peut dégoûter parfois les élus… En effet, ceux qui vont à la soupe, ceux qui ne cherchent qu’un strapontin pour cumuler des indemnités n’y verront rien à redire. Par contre, pour l’élu soucieux de l’intérêt général, l’équation devient vite insoluble et peut démotiver les vocations les plus tenaces.

Je relate donc ce témoignage qui se suffit largement à lui même.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 18 Mars 2014

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L’intercommunalité a échoué
Une vraie réforme est encore à mener

Le président de la République a annoncé qu’il était favorable à la fusion de certaines régions. D’autres avant lui ont avancé d’autres scénarios, sans qu’on en ait vu à ce jour la moindre application concrète. Au contraire, on a trouvé le moyen de créer de nouvelles structures territoriales : la dernière en date est la métropole, dont on ne sait pas précisément quelle sera la place dans le maelström administratif envisagé.

Je suis conseiller municipal et adjoint aux finances de ma commune, qui compte près de 7 000 habitants. J’ai été également représentant de ma commune au sein de la communauté d’agglomération, qui compte 100 000 habitants. C’est mon premier mandat, qui se termine donc en mars.

Je n’ai pas souhaité me représenter sur une liste, car mon expérience d’élu et les réalités financières auxquelles j’ai été confronté au cours de ce mandat m’ont fait comprendre que notre pays devait urgemment modifier son organisation territoriale. Voici les éléments qui m’ont confirmé dans cette opinion.

Les communes ont intégré au cours de ces dernières années un ensemble plus vaste (agglomération ou communauté de communes), dans un but d’efficacité et d’économies. Des compétences, obligatoires et facultatives, leur ont été transférées. Or non seulement les effectifs communaux n’ont pas baissé, mais ils ont augmenté de manière très sensible. Où sont les économies promises ?

Les structures intercommunales doivent avoir une politique communautaire et donc choisir de faire ce qui a du sens à ce niveau. Or, est-ce que, par exemple, rénover ou construire des équipements sportifs ou culturels dans… chaque commune est à la mesure d’un tel enjeu ? Les débats au sein des communautés sont la plupart du temps biaisés, car chacun vient y chercher des avantages pour sa commune et n’est pas prêt à s’investir pour l’intérêt communautaire. C’est pour cela que les décisions se prennent quasiment toujours à l’unanimité (une aberration démocratique).

Quand un véritable enjeu se dessine comme, par exemple, la création d’une nouvelle zone d’activités qui pourrait faire concurrence à celles existantes sur le territoire, les débats entre les élus se durcissent et chacun défend alors son pré carré.

Les communautés devraient s’occuper en priorité du logement, de l’aménagement de leur territoire (y compris en contrôlant la totalité des décisions d’urbanisme) et de son développement économique. Pour changer ce fonctionnement coûteux et peu efficace, il est nécessaire que les conseillers communautaires soient élus au suffrage universel et qu’ils ne représentent plus leur commune.

Le niveau des frais de personnel dans la plupart des communes est tout simplement excessif. Il représente dans beaucoup de cas plus que les rentrées fiscales ! C’est comme si une entreprise devait affecter la totalité de ses produits d’exploitation au paiement de ses frais de personnel. La faillite serait vite assurée…

Une fiscalité locale trop lourde

Les communes n’ont plus les capacités financières pour faire face à tous les besoins de la population, à la mise en place des nouvelles normes ou réglementations et à la mise en œuvre des nouveaux projets. D’autant plus que l’Etat se désengage de plus en plus et que les autres partenaires financiers connaissent aussi des difficultés (les subventions des régions et des départements sont en baisse).

La fiscalité locale est devenue trop lourde (les impôts locaux pèsent de plus en plus sur les ménages, qui doivent parfois payer jusqu’à deux mois de leur pension de retraite en taxes d’habitation et foncière, alors qu’ils ne sont pas imposables au titre de l’impôt sur le revenu).

Cette fiscalité locale est de plus injuste (selon la richesse de la commune) et constitue une fuite sans fin, car la hausse des taux d’imposition est devenue quasiment la seule variable d’ajustement pour redresser les comptes ou financer de nouveaux investissements. Or ces impôts pourraient et devraient être plus faibles si les collectivités se recentraient sur l’essentiel de leurs missions, qui seraient d’ailleurs à redéfinir.

Mon expérience d’élu local m’a convaincu qu’il est très difficile de réduire les dépenses publiques et de faire des économies, sauf à la marge. Il est plus gratifiant de répondre aux demandes des électeurs et de lancer des projets, quand bien même ils peuvent être contestables.

En conclusion, mon expérience d’élu me fait dire qu’il est urgent de regrouper les communes au sein des communautés (en gardant les mairies, lieux physiques de proximité) et en supprimant les départements au sein de régions redessinées. Le devenir de la métropole pourra se régler dans ce cadre. Cette simplification territoriale se traduira inévitablement par des économies importantes à terme, car on pourra faire des économies d’échelle très significatives et on n’aura plus besoin d’une administration territoriale, qui est sans doute pléthorique.

Quels élus auront le courage de prendre ce chemin, scabreux sur le plan politique, sinon électoral ?

Jean-Louis Dalbera

Docteur en droit, cadre bancaire et élu local

    Jean-Louis Dalbera

    est conseiller municipal, adjoint au maire des Arcs-sur-Argens (Var), délégué aux finances


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