M. Sarkozy a bien abusé du système pour sa dernière campagne

On peut le dire : M. Sarkozy est un pourri. Un pourri qui n’a pas hésité à bafouer les règles financières des élections, ce, pour se faire élire.

Fausses factures, dépassement du plafond de la campagne, maquillage des dépenses : tout est bon pour que M. Sarkozy puisse gagner…

Il a perdu… Il faut donc que M. Sarkozy continue à perdre pour empêcher qu’une pourriture de son espèces redevienne le président des Français.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 6 Juin 2014

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RéCIT
La campagne Sarkozy ou la folie des grandeurs
L’affaire Bygmalion révèle les sommes extravagantes dépensées en 2012 pour tenter de faire réélire le président

Ce 26 mai, les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) s’apprêtent à quitter le siège d’Event & Cie, la filiale du groupe Bygmalion, avec des caisses entières de factures. Franck Attal, le patron opérationnel de Event & Cie, qui a organisé les 42 meetings de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, est présent. Il interroge son avocat, Me Patrick Maisonneuve. Doit-il se confier immédiatement aux policiers ? Son conseil donne le feu vert. Alors, pendant la perquisition, il se lâche, à mots choisis, quand même. Et il confirme. La campagne 2012 de M. Sarkozy a bien été entachée d’irrégularités financières.

Les fausses factures ? Oui, bien sûr. Le plafond officiel des dépenses de campagne, fixé à 22,5 millions d’euros, a explosé. Alors, Franck Attal décrit les demandes pressantes de l’UMP. Sa propre angoisse de ne pas être payé pour des prestations que sa société a pourtant bien effectuées. L’obligation – économique, il faut bien rétribuer ses sous-traitants – d’accepter un artifice comptable parfaitement illicite : faire passer le surplus des sommes extravagantes dépensées pendant la campagne, soit plus de 11 millions d’euros, sur les comptes de l’UMP, au prétexte de fausses conventions.

Il décrit les réunions, donne les noms des participants. Il cite Guillaume Lambert, l’homme de confiance de Nicolas Sarkozy, qui l’a nommé directeur de sa campagne. Eric Cesari, l’ami du candidat, directeur général du parti. Et la bonne âme chargée de l’administration, Fabienne Liadzé. Et enfin, bien sûr, Jérôme Lavrilleux, fidèle copéiste, organisateur hors pair, devenu directeur adjoint de la campagne. Aux policiers, M. Attal décrit un système, un emballement, que Le Monde a tenté de reconstituer, en examinant les comptes et autres factures, en rencontrant les principaux protagonistes de ce dossier. Aucun n’a accepté de s’exprimer publiquement. C’est fou comme les langues se libèrent… à l’abri derrière l’anonymat ! Mais devant la justice, c’est à visage découvert qu’ils devront s’expliquer.

L’un d’eux s’annonce particulièrement loquace : l’eurodéputé Jérôme Lavrilleux. Il n’a pas l’intention de jouer les fusibles plus longtemps. Il compte dire aux enquêteurs sa vérité : oui, il a accepté de faire des fausses factures. Non, il n’a volé l’argent de personne. Sur BFM-TV, il a déjà décrit le 26 mai  » l’engrenage irrésistible d’un train qui file à grande vitesse et où les personnes qui devaient tirer sur le signal d’alarme ne l’ont pas fait « . Sans livrer de noms. Devant les enquêteurs, il devrait confirmer les déclarations de Franck Attal.

C’est que Jérôme Lavrilleux, fils de garagiste de l’Aisne, en a assez. Il estime avoir assumé sa part de responsabilité. Il pourrait raconter ce jour d’avril 2012 où il assure avoir été prévenu par M. Cesari et Mme Liadzé d’une décision prise en haut lieu : plus possible de continuer la campagne sur les comptes officiels, il faut maquiller les dépenses.  » On ne peut pas faire autrement « , lui disent ses interlocuteurs. Qui a pris la décision initiale ? Les regards convergent en direction de Guillaume Lambert. Et, plus haut, vers la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy. C’est à l’Elysée, chaque soir, en ce printemps 2012 de furie électorale, que se décident les meetings, les stratégies, que s’affinent les propos, autour du candidat. A Lavrilleux, ensuite, de mettre tout cela en musique.

Franck Attal a les mêmes souvenirs. Il situe à début avril 2012 la réunion où le dilemme lui est proposé : accepter les fausses factures, ou ne pas être payé. Pas de traces écrites, tout est oral. C’est avec Lavrilleux qu’il travaille au quotidien. Il est bon, Lavrilleux. Sans état d’âme. On lui demande l’impossible ? Il y parvient.

Il suffit de comparer les comptes 2012 de campagne du PS et de l’UMP, publiés au Journal officiel. Les socialistes déclarent 5,5 millions d’euros de dépenses de  » propagande et de communication « , quand l’UMP annonce plus de 33 millions d’euros déboursés au même chapitre. Tout est à l’avenant. A l’UMP, les frais de voyage se montent à 9 752 389 euros – un TGV loué pour amener des militants coûte par exemple 200 000 euros. Le PS, lui, déclare 3 113 646 euros.

Prenez le dernier grand meeting de M. Sarkozy, le 15 avril 2012, place de la Concorde, à Paris. M. Hollande, depuis l’esplanade du château de Vincennes (Val-de-Marne), découvre avec stupéfaction le déploiement de moyens de son rival. Rien n’est trop beau. La scène est mal située, sans perspective en arrière-plan ? Pas de souci, une gigantesque photo très haute définition est commandée et déployée derrière le pupitre. Elle ne plaît pas au candidat ? On en réalise une seconde, dans la nuit, qui finira à la poubelle, le lendemain. Découpée en fines bandelettes. Lavrilleux ira la récupérer, au cas où…

Il est à la manœuvre, en permanence. Par exemple ce fameux 15 avril. Au même moment à Vincennes, M. Hollande s’apprête à voler la vedette à M. Sarkozy. L’enjeu est d’importance : le premier qui parle sera retransmis en direct par les chaînes d’information. Enervement maximal dans l’entourage du président-candidat. D’autant que sur scène, François Fillon s’adresse toujours à la foule.  » Fillon, on s’en fout « , tranche M. Sarkozy. Et Lavrilleux hurle :  » Envoyez la musique, merde ! « 

M. Fillon est interrompu brutalement, le candidat fait son entrée, fracassante. Les barrières métalliques sont recouvertes d’un coton gratté bleu, du meilleur effet, un vrai réalisateur de télévision est aux commandes, un signal vidéo est réservé. Jusqu’aux dizaines de milliers de drapeaux qui s’agitent. Ça coûte cher, un drapeau : 2 euros si on s’y prend à l’avance, jusqu’à 8 euros si on presse au dernier moment les fournisseurs.

Rien n’est trop beau, trop cher. Il faut fournir chocolats fins et chouquettes, dont le candidat se gave. Il exige une loge cinq étoiles – un appartement, en fait. Il réclame des pièces insonorisées pour se préparer en toute quiétude ? Attal fait bâtir des doubles cloisons en bois épais bourrées de papier de verre. L’entourage du candidat, prompt à devancer les désirs de M. Sarkozy, veut toujours plus de tout : des portiques de sécurité à foison, les bancs des gradins qu’il faut gainer de bois… Sans compter les cantines pour ravitailler bénévoles et services de sécurité, soit plusieurs centaines de personnes par meeting. Et les réunions publiques s’accumulent. Facturées 250 000 à 300 000 euros pour une salle moyenne, et souvent programmées au dernier moment, ce qui entraîne une hausse faramineuse des coûts…

Au départ, c’était pourtant simple. Une campagne éclair, quatre ou cinq meetings, façon François Mitterrand en 1988. Mais le candidat est largement devancé par François Hollande dans les sondages. Et puis, les premiers meetings le grisent.  » Maintenant, je veux en faire un par jour ! « , lâche-t-il un soir d’euphorie. Les responsables d’Event ont cru qu’il blaguait…

Cette frénésie, un homme clé l’orchestre. Un sous-préfet, fidèle, précieux. Qu’il faut protéger à tout prix. Comme ce 15 mai 2012. Ambiance glaciale à l’Elysée, dans le bureau présidentiel. Jour de passation de pouvoirs. Nicolas Sarkozy et François Hollande se toisent. L’ex-chef de l’Etat demande à son successeur une seule faveur : prendre grand soin de son homme de confiance, qu’il a bombardé préfet, six jours plus tôt. Un certain Guillaume Lambert…

Gérard Davet et Fabrice Lhomme

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