La France ne veut-elle pas en faire trop en matière d’éducation

Le système éducatif Français ne marche pas. Il ne marche pas, déjà, car les résultats sont mauvais en matière de classement de notre pays dans l’échelon international. Il ne marche pas non plus car il est extrêmement cher. De plus, le corps enseignant est véritablement englué dans un syndicalisme qui immobilise toutes réformes. Enfin, notre système est idéologique et non pragmatique.

En clair, on veut envoyer toute une classe d’âge au Bac, quitte à brader celui-ci. Par la suite, l’échec n’est que plus cuisant en études supérieures et nos jeunes sont les premières victimes du chômage.

Il faut donc en revenir à un pragmatisme évident :
– L’école doit être pensée pour que nos jeunes acquièrent un job. La formation du citoyen doit être un but annexe. Le but de l’école c’est de former. Il ne peut y avoir d’intégration dans la société si il n’y a pas d’intégration professionnelle. Le but premier est de donner une formation à nos jeunes.
– Il ne sert à rien de se fourvoyer dans une idéologie de formation théorique si le marché du travail n’y est pas adapté. En ce sens, abaisser le niveau du Bac pour que 80% des élèves l’aient, n’a aucun sens.
– Il faut valoriser les formations professionnelles, quitte à organiser des passerelles.

En Allemagne, la formation est performante car pragmatique. En Suisse, on sait l’être aussi…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 3 Juillet 2014

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REPORTAGE
Les jeunes Français colonisent les écoles suisses
Dans un pays où la formation professionnelle est très valorisée, tous les parcours et les passerelles sont possibles
Berne et Lausanne

Lorsqu’on évoque la Suisse, quelques mots viennent immédiatement à l’esprit : secret bancaire, fromage, montre, tennis… Rarement, organisation et qualité de l’enseignement supérieur ! Et pourtant, s’il y a un domaine où la Suisse excelle, c’est aussi celui-là. Un modèle où le maître mot n’est pas, comme en France,  » passe ton bac d’abord « , mais où formations professionnelles et universitaires sont traitées sur un pied d’égalité.

Les étudiants français ne s’y trompent pas. Ils seraient environ 4 000 à y faire leurs études. Ils se ruent à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), sur les rives du lac Léman. En intégrant cette institution de rang international après le bac, ils s’évitent deux années de classes prépa et le risque de ne pas intégrer de grande école française.

L’EPFL connaît un succès tel auprès des Français qu’elle a dû durcir ses conditions d’accès. A la rentrée 2014, il faudra montrer sa mention très bien au bac pour intégrer, contre une mention bien auparavant.  » Dans les années 1990, un 12 sur 20 au bac était suffisant « , se souvient Philippe Gillet, vice-président pour les affaires académiques. A l’époque, l’EPFL était encore considérée comme une école de seconde zone par certaines grandes écoles françaises, à commencer par Polytechnique.  » Aujourd’hui, un polytechnicien qui veut faire un master chez nous doit avoir une moyenne de 14 sur 20. Cela signifie que, s’il n’a que des B et des C, on le refuse « , indique Hubert Girault, doyen de l’école Bachelor et Master.

En septembre 2013, les jeunes Français représentaient 30 % des étudiants en première année du bachelor (licence) et 27 % sur l’ensemble des premières années de bachelor. Leur taux de réussite se situe dans la moyenne : 47 % passent du premier coup l’année propédeutique. Et 20 % supplémentaires valident leur première année après un redoublement. La loi suisse prévoit deux tentatives pour réussir.  » Le fait d’être accrédité par la commission des titres d’ingénieurs explique aussi notre succès « , indique Hubert Girault.

Les étudiants suisses ne représentent que 54,7 % du total des inscrits. Car le système helvétique est ainsi organisé que les deux tiers des jeunes en âge d’aller au lycée choisissent la voie professionnelle. Ils ont le choix parmi 200 professions reconnues par l’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie. Avant d’opter pour une entreprise et de postuler à une formation en apprentissage, chaque jeune Suisse aura fait plusieurs stages.  » A 15 ans, ils doivent avoir fait quatre ou cinq semaines de stage. Très tôt, ils apprennent à rédiger leur CV « , indique Fabienne Gamblin, responsable des apprentis chez Nestlé. Ainsi, Dominique Humbert, qui termine sa deuxième année de technologue en denrées alimentaires, a d’abord testé l’électricité, la plomberie et même l’agriculture…

 » A démographie égale, on compte 40 % d’étudiants de moins que dans la filière universitaire en France « , souligne Mauro Dell’Ambrogio, chef du secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri). Lui-même ne manque jamais une occasion de rappeler que, sur ses sept enfants, ceux qui ont fait une formation professionnelle  » s’en sortent mieux  » que ceux qui ont fait des études universitaires.

Valorisés, choisis, l’apprentissage et la formation professionnelle sont des voies d’excellence en Suisse. A la différence de la France où elles sont plutôt réservées aux élèves en difficultés. En Suisse alémanique, c’est même l’élite qui choisit cette voie.  » A Fribourg, les parents disent à leurs enfants : attention, si tu ne sais rien faire de tes dix doigts, tu vas finir au lycée « , affirme avec amusement Gilles Triscone, responsable de la coordination de la recherche et développement à la Haute Ecole du paysage, de l’ingénierie et d’architecture (Hepia).

Et nul besoin de passer par des grandes écoles pour atteindre le sommet d’une entreprise : Sergio Ermotti, le patron de la banque UBS, ou encore Monika Walser, directrice de Freitag, possèdent un certificat fédéral de capacité (CFC). Même si certains s’interrogent sur le fait qu’un jour peut-être ce ne sera pas suffisant pour atteindre des postes élevés.

Reste que le système des passerelles permet déjà à tout jeune de réintégrer la voie générale et universitaire. A la rentrée 2014, Michael Peytrignet intégrera ainsi une école d’ingénieurs à Fribourg. Le jeune homme de 21 ans termine sa troisième année d’apprenti laborantin chez Nestlé.  » J’étais un élève plutôt doué. J’avais envie d’aller au lycée mais comme je ne travaillais pas beaucoup, j’ai redoublé la première année de lycée et j’ai de nouveau échoué.  » Sélectionné parmi 300 jeunes, Michael a été engagé par le géant de l’agroalimentaire, qui forme actuellement en Suisse 250 apprentis sur dix-huit métiers différents. Environ 40 % travailleront chez Nestlé à l’issue de leur formation.

Résultat de cette politique souhaitée et construite sur le long terme : le taux de chômage des 15-24 ans n’est que de 3 %, contre 23 % en France. Mais il varie selon la politique menée dans chaque canton. Ainsi, à Genève, où parents et professeurs poussent les élèves à passer le bac, le taux de chômage s’élève à 10 % car la formation n’est pas en adéquation avec les besoins des entreprises.  » Il faut que l’on devienne aussi suisse que les Suisses « , ironise François Abbé-Decarroux, directeur général de la Haute Ecole spécialisée de la Suisse occidentale (HES-SO).

Créées en 1998, les HES – au nombre de sept, elles regroupent 64 écoles publiques –, véritables universités de métiers, ont révolutionné le système éducatif suisse. Jusqu’à cette période, les jeunes avaient le choix entre le lycée et l’apprentissage. Aujourd’hui, les passerelles se sont multipliées.  » Désormais, quel que soit son choix, un jeune peut, après une formation professionnelle et un certificat fédéral de capacité, accéder à un bachelor, un master… dans une HES et même intégrer ensuite une des deux écoles polytechniques « , affirme François Abbé-Decarroux, citant le cas d’un jeune garçon qui, après avoir entrepris à 16 ans un CFC d’horlogerie, est entré à l’Hepia pour faire un bachelor microtechnique, puis a intégré l’EPFL pour passer un master. Il est aujourd’hui en doctorat.

Nathalie Brafman


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