La mise en place du stockage de gaz est-elle sans risque ?

Cela devait être une avancée écologique majeure : utiliser d’anciennes cavités pétrolifères pour y stocker du gaz. Las, la technique a vite montré ses limites puisque, en Espagne, on juge qu’un tel projet est responsable de plusieurs centaines de séismes.

Ceci est une raison pour être extrêmement vigilant quant à la mise en place d’une telle entité de stockage en France. De plus, il est évident que si le simple stockage de gaz pose problème, l’exploitation du gaz de Schiste par les méthodes actuelles l’est tout autant ! En effet, fracturer la roche avec des produits chimiques n’est pas plus doux que d’injecter du gaz sous pression !

Quand on joue avec la nature, souvent, elle a le dernier mot. Nos politiques seraient bien aises de ne pas l’oublier.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 08 Juillet 2014

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En Espagne, un chantier de stockage de gaz sous-marin a provoqué mille séismes
Le gouvernement, qui devra indemniser l’entreprise, est accusé d’avoir autorisé l’opération sans étude d’impact environnemental sérieuse
Madrid Correspondance

Il n’y a plus de doute. Le projet Castor est bien le responsable de la vague de séismes qui a secoué le sud de la Catalogne et le nord de la communauté de Valence à l’automne 2013. Cet ancien gisement pétrolier sous-marin situé à 21 km de la côte espagnole et à 1 800 m de profondeur, transformé en entrepôt de gaz, devait permettre de stocker sous la mer l’équivalent de trois mois de la consommation de gaz dans la région de Valence, pour faire face aux pics de consommation ou à d’éventuelles ruptures d’approvisionnement.

Entre juin et septembre 2013, du gaz comprimé a été transporté via un gazoduc jusqu’à une plate-forme maritime, puis injecté dans l’ancien puits de pétrole, exploité dans les années 1970 et 1980, et formé de roches poreuses. Jusqu’à ce que, le 26 septembre, le gouvernement ordonne l’arrêt de cet entreposage après que des dizaines de séismes, d’abord de faible intensité puis atteignant une magnitude de 4,3 sur l’échelle de Richter, ont été recensées dans la zone.

La première étude scientifique sur le sujet vient d’être publiée dans le Geophysical Journal International. Elle révèle que mille séismes se sont produits face aux côtes de Vinaros, Benicarlo et Peniscola en 2013 et assure que, si l’exploitation du puits reprend, il est probable que se produisent davantage de tremblements de terre.

 » Les calculs indiquent que, en augmentant la pression par injection de gaz, la friction entre les failles, relativement petites, qui existaient près du point d’injection, a pu se réduire. Cela a probablement favorisé les mouvements brusques des blocsde roche, produisant des séismes « , résume l’observatoire de l’Ebre, l’une des fondations scientifiques qui a participé à l’étude.

Le projet Castor n’a pas été exempt de polémique, depuis son annonce en 2007, par le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero. Durant des années, les associations écologistes n’ont eu de cesse de dénoncer la faiblesse de la déclaration d’impact environnemental (DIA) fournie par l’entreprise espagnole Escal UGS au ministère de l’environnement.

Négligence des autorités

 » En 2008, nous pointions le manque d’information sur le tracé des gazoducs, leurs risques sur l’écosystème et les dommages sur le paysage, se souvient Enrique Luque, représentant de l’association Ecologistes en action dans la région. Nous ne connaissions pas les risques sismiques, mais il était clair que la DIA avait été faite à partir de données bibliographiques, de “copier-coller”, et en aucun cas de nouvelles études en profondeur de la géologie des fonds. « 

En mai, grâce à la demande d’un député de la Gauche unie (écolo-communistes), le gouvernement a rendu publiques les conclusions de l’Institut géographique national (IGN), datées de décembre 2013. Pour l’IGN, il existe  » une relation directe  » entre les séismes et l’injection de gaz, qui aurait  » accéléré le processus sismo-tectonique avec accumulation de forces « .

L’existence d’une faille non répertoriée jusque-là pourrait avoir eu une incidence sur les tremblements de terre, mais l’organisme critique surtout la négligence des autorités qui n’ont pas tenu compte de la  » sismicité indue  » avant d’accorder le permis d’exploitation. Même reproche de l’Institut géologique et minier d’Espagne, qui souligne que les séismes ont coïncidé avec l’augmentation du volume de gaz injecté.

Le 25 juin, ACS, le groupe espagnol propriétaire de 60 % de la concession, a annoncé à la Commission nationale du marché des valeurs, le régulateur boursier, son intention de renoncer à la gestion du projet Castor. En échange, il exigera du gouvernement de récupérer son investissement, estimé entre 1,4 et 1,8 milliard d’euros.

Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, dans l’embarras, a demandé au parquet d’accélérer l’enquête sur le projet  » pour déterminer la responsabilité du gouvernement socialiste qui l’approuva sans avoir commandé tous les rapports nécessaires pour garantir la sécurité de l’installation « , a déclaré le secrétaire général du Parti Populaire de la province valencienne de Castellon, Miguel Barrachina, estimant possible que les Espagnols aient à payer la note par le biais de leur facture de gaz.  » Pourquoi devrions-nous payer pour ces erreurs, s’étrangle M. Luque. S’il y a négligence, c’est celle de l’entreprise, qui n’a pas réalisé correctement la DIA, et celle du gouvernement, qui ne l’a pas vérifiée correctement. « 

Une chose est sûre : plus personne ne veut de ce dépôt de gaz face à la Costa Dorada et à la Costa del Azahar.

Sandrine Morel


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