Enfin, on va arrêter de financer les super-stars !

Enfin on va mettre un frein à la rémunération sans contre-partie des stars du cinéma Français. On était en train de marcher sur la tête : notre système de subvention pouvait mener à payer plus un acteur Français qu’un acteur américain alors même que le film pouvait avoir moins de succès !

On se dirige vers une forte limitation de ce système. La CNC va plafonner le salaire des stars, quitte à ce qu’elles touchent un supplément si le film marche bien.

Cela va dans le bon sens et limite les aides du secteur… financées sur argent public.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 6 décembre 2014

***************

Le star-système mis au régime
Le CNC a annoncé plusieurs mesures, dont le plafonnement des cachets des stars, afin de rééquilibrer l’industrie du cinéma

Trop de cachets nuisent à la santé du cinéma français, on le savait. Vincent Maraval, de la société Wild Bunch, l’avait dénoncé dans une tribune publiée dans Le Monde du 29  décembre  2012. Il s’élevait contre certaines rémunérations de stars qu’il jugeait trop élevées, au regard des résultats des films. Une tempête médiatique, puis l’organisation d’Assises du cinéma s’ensuivirent. Deux ans plus tard, au terme d’une large concertation professionnelle, et sur la base du rapport de René Bonnell de janvier  2013, la partie fixe des salaires des comédiens, réalisateurs, scénaristes ou producteurs, se voit plafonnée, à des degrés divers, et selon les niveaux de devis des films.

C’est l’annonce la plus symbolique, mais ce n’est pas celle qu’attendaient avec le plus d’impatience les professionnels. D’autres mesures tout aussi décisives ont été entérinées par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), jeudi 27  novembre, comme l’ont annoncé Le Film Français et Les Echos, mercredi 3  décembre. Une longue séquence s’achève pour le cinéma français, mais le feuilleton est loin d’être terminé. René Bonnell se réjouit de voir que nombre de ses propositions ont été retenues :  » C’est la première fois qu’il y a un corps de mesures qui vont dans le sens de la restructuration des aides, tout en limitant certaines dérives inflationnistes et en renforçant l’essentiel du dispositif « , déclare-t-il au Monde.

Il n’est pas aisé, en période de crise, de communiquer sur les cachets les plus élevés au sein d’une équipe de film. Déjà, le CNC répète depuis deux ans que son budget n’est pas assis sur un matelas de subventions, mais issu d’un système de taxation au sein de la filière cinématographique (la TSA, ou taxe sur les entrées en salles, etc.). Plafonner les rémunérations, c’est mieux utiliser l’argent du cinéma : c’est arrêter de miser à l’excès sur une tête d’affiche, et récompenser davantage le succès d’une œuvre au fil de son exploitation (salles, DVD…). Aux Etats-Unis, on dit que  » la star, c’est le film « .

Un comédien qui voit son cachet raboté pourra toujours recevoir un chèque, ultérieurement, si les recettes sont au rendez-vous. Le plafonnement prévu par le CNC ne concerne pas la part variable de la rémunération. Les esprits seraient en train d’évoluer :  » Gérard Depardieu a fait un effort dans Mammuth, de Gustave Kervern, Juliette Binoche a fait de même dans Camille Claudel, de Bruno Dumont, et aussi Catherine Deneuve dans Trois cœurs, de Benoît Jacquot « , indique-t-on au CNC.

Les plafonds de rémunération ont été calculés par tranches de devis : un film présente  » un coût artistique disproportionné « , lit-on dans un document du CNC, lorsque la rémunération la plus élevée excède  » 15  % de la part du coût de production de l’œuvre inférieure à 4  millions d’euros « . Les taux deviennent dégressifs dans les tranches supérieures, 8  % entre 4 et 7  millions d’euros puis 5  % entre 7 et 10  millions. Au-delà de 10  millions d’euros, la rémunération ne doit pas excéder 990 000  euros. Si chacun de ces plafonds n’est pas respecté, les professionnels ne pourront pas utiliser leur soutien automatique (généré par les entrées en salles des précédents films) pour financer l’œuvre à venir.

 » Le CNC a été courageux de le faire. Quelques agents vont gueuler un peu pour le principe, mais c’est tout. Et ils sauront trouver des parades. Ils limiteront les salaires et voudront être payés plus en retour. Moi, ça me va. Si ça fait baisser les devis et donc que ça réduit notre risque, c’est sain « , déclare au Monde Vincent Maraval. Mais, globalement, les mesures visant à assainir le secteur lui paraissent insuffisantes :  » Je pense que le CNC aurait pu aller plus loin. Du fait qu’il dépend du préfinancement, et pas du marché, le cinéma français s’asphyxie. Tout le monde se sert au début, et à la fin il ne reste plus rien. Aucun investisseur privé ne peut entrer dans le financement. Tant que cela ne sera pas le cas, rien ne changera en profondeur. « 
Fortes turbulences

Pour le cinéma d’auteur, l’urgence est de préserver la diversité, depuis les moyens alloués à la production jusqu’à l’exploitation en salles. Le SPI, Syndicat des producteurs indépendants, a pu féliciter ses adhérents Elzévir, Hold-Up, Capricci, etc., pour la vingtaine de films sélectionnés à Cannes, en  2014 (Party Girl, Bande de filles, P’tit Quinquin, La Chambre bleue…). Mais ces œuvres  » fragiles  » se font de plus en plus difficilement, dans un contexte de fortes turbulences, avec la chute des investissements de près de 23  % en  2014, la diminution du nombre de films produits, le piratage, etc.

Or, les mesures du CNC ne répondent que partiellement à ces défis, estime le producteur Gilles Sacuto, représentant du SPI. D’un côté, le producteur de Séraphine (2008), de Martin Provost – sept Césars, dont celui de la meilleure actrice à Yolande Moreau – applaudit les mesures qui visent à soutenir la distribution, et l’incitent à investir davantage dans la production. Ainsi, le soutien automatique généré par les entrées en salles est amélioré. De plus, le distributeur percevra un bonus s’il réinvestit ce soutien sous la forme de minimum garanti dans la production. Dans un autre registre, des aides sont prévues pour favoriser le passage du court au long-métrage ; le montant de l’avance sur recettes sera connu plus en amont, afin de sécuriser le plan de financement, etc.

De l’autre côté, Gilles Sacuto regrette que rien ne soit dit sur  » l’exposition des films en salles, ni sur les obligations des chaînes de télévision « , alors que ces dernières concentrent leurs investissements sur les films jugés rentables.  » Les Assises sont restées au milieu du gué « , dit-il. Le rapport Bonnell préconisait, entre autres, de supprimer la possibilité pour une chaîne de préfinancer deux passages d’un film sur son -antenne, un geste qui logiquement fait gonfler le devis. Et rend possible de factoune hausse des cachets. Le CNC n’a pas retenu la piste.

 » Les discussions continuent, on a traité 75  % du rapport Bonnell « , dit-on au CNC. Les 25  % restants donneront lieu aux plus âpres négociations. Ce n’est pas tout. La profession doit encore s’accorder sur la chronologie des médias. Enfin, la question de la transparence dans la filière cinématographique passera par la loi. L’article rédigé par le CNC  » pourrait être intégré  » dans le projet de loi création.Celui-ci devrait être examiné au Parlement durant le premier semestre 2015. Beaucoup de conditionnel. La fièvre n’est pas près de tomber.

Clarisse Fabre, et Isabelle Regnier

Please follow and like us: