Payé pour être nul…

Vous êtes un grand patron, vous n’avez rien fait de bien et pourtant vous êtes récompensé ! Bienvenue au pays merveilleux des grands groupes où la compétence et le mérite sont des notions toutes relatives.

Le PDG d’Alstom a-t-il sorti son groupe de l’ornière ? A-t-il fait montre d’un talent économique particulier en vendant plus de matériel ? Que non ! Il a juste revendu son groupe aux américains ! Bien joué !

Pendant ce temps, le contribuable met la main à la poche pour avoir renfloué une entreprise en déficit et le PDG s’en met plein les fouilles !

On dit merci qui ?

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 17 décembre 2014

******************

Pertes & profits|Alstom
Le prix de l’indécence

La nouvelle n’a pas fait l’objet d’un communiqué. En ces temps de disette, c’est plus prudent. Selon un document discrètement mis en ligne le 7  novembre, le conseil d’administration d’Alstom devrait verser à Patrick Kron, le PDG de l’industriel, une  »  rémunération conditionnelle exceptionnelle   » d’un montant équivalent à  »  la contre-valeur de 150  000 actions de la société  « . Soit, si l’on prend le dernier cours de Bourse du fabricant de turbines et de TGV, pas loin de 4,1  millions d’euros.

Rien de très choquant jusque-là   : les grands patrons ont en effet l’habitude de s’octroyer de grasses rémunérations. Vous comprenez, la compétition entre les dirigeants est mondiale, les chasseurs de tête les harcèlent, il faut les retenir, blablabla.

Bon, c’est vrai, la prime est ici particulièrement gratifiante  : elle représente près de deux fois le salaire annuel de M. Kron, qui a touché 2,2  millions d’euros, fixe et variable compris, lors de l’exercice 2013-2014 d’Alstom. Mais le polytechnicien n’est pas le premier à en profiter – pas de quoi lui jeter la pierre.

Là où cela devient surprenant, c’est quand les administrateurs expliquent qu’ils ont voté cette prime –  »  à l’unanimité  « , selon un proche du groupe –  »  au vu de la qualité de la transaction élaborée par le PDG   » avec General Electric (GE). Autrement dit, M.  Kron est remercié pour avoir cédé 70  % de l’activité d’Alstom au géant américain  ! Tant pis si la société, réduite aux transports, supprime demain des centaines d’emplois, notamment à Belfort, comme l’anticipent les syndicats. Mieux, le conseil souligne  »  la complexité et – les – difficultés particulières de l’exécution du projet   » pour justifier le bonus attribué à M. Kron. Comprenez  : ce dernier a résisté à l’Etat, qui voulait empêcher la transaction. Cela mérite récompense.

Sans états d’âme

L’argument est d’autant plus étonnant qu’il faut se rappeler que M. Kron n’avait pas informé son conseil des négociations entamées avec GE. C’est une dépêche de l’agence Bloomberg qui leur révéla l’affaire. De plus, le PDG était prêt à signer aux conditions de l’américain  : c’est l’Etat qui a obtenu des compensations, comme la création de cœntreprises dans les réseaux et les énergies renouvelables, l’octroi d’une  »  golden share   » – une telle action donne un droit de veto sur certaines décisions prises par le conseil d’administration d’une entreprise – sur les technologies nucléaires, ou encore l’accès aux financements de GE Capital pour Alstom Transport.

Pas sûr, néanmoins, que cela fasse ciller les actionnaires d’Alstom. Appelés à approuver la transaction lors d’une assemblée générale, vendredi 19  décembre, ils devraient voter sans états d’âme  : le groupe a déjà prévu de leur verser  »  entre 3,5 et 4  milliards d’euros   » sur les 7  milliards que doit débourser GE. A ce tarif-là, la majorité estimera sans doute que la prime de M. Kron est légitime. D’autres pourront y voir le prix de l’indécence.

Cédric Pietralunga

Please follow and like us:

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *