Où l’on prend les grandes surfaces pour des vaches à lait…

Il faut se méfier des solutions trop simples… Ainsi, sous couvert que certaines enseignes ont bénéficié du CICE, on leur reprend de la main droite ce qu’on leur a donné de la main gauche… Comment parler de surplus de compétitivité dans ce cas ? Comment ne pas penser que notre gouvernement souffre de schizophrénie aigüe quand il n’est pas capable d’assumer ses actes économiques ?

On n’a jamais fait bouger les choses quand le pas en avant que l’on vient d’effectuer est suivi d’un pas en arrière…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 18 décembre 2014

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Les grandes surfaces en guerre contre la Tascom
Une majoration de 50 % de cette taxe a été confirmée mardi 16 décembre à l’Assemblée nationale malgré l’intense lobbying des enseignes de la distribution

Un combat pour la liberté   » (Carrefour),  »  on est chez les fous   » (Leclerc)… Les grandes enseignes de la distribution, parties en guerre contre la majoration de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) introduite dans le projet de loi de finances rectificative, n’ont pas craint l’emphase. Et, depuis l’adoption de cet amendement, déposé lors de l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale, le 2  décembre, avec l’avis favorable du gouvernement, elles se sont livrées à un intense travail de lobbying auprès des parlementaires pour inverser la décision.

Objet de leur ire  : une majoration de 50  % de la Tascom pour les commerces d’une surface supérieure à 2  500  mètres carrés, le produit de cette majoration allant dans les caisses de l’Etat alors que la taxe est perçue par les collectivités locales.

Les auteurs de cet amendement ont clairement annoncé la couleur  : cette surtaxe, qui devrait rapporter environ 200  millions d’euros,  »  est en quelque sorte le gage du CICE  « , comme l’a souligné Marie-Françoise Bechtel, députée (MRC) de l’Aisne apparentée au groupe socialiste. La grande distribution a en effet largement bénéficié, pour plus de 300  millions d’euros, de ce crédit d’impôt compétitivité emploi.

 »  On a fait notre travail  « 

La riposte a été organisée par la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Dès le lendemain de l’adoption de cet amendement en première lecture, elle publiait un communiqué dénonçant  »  une décision irresponsable  « .

Selon elle,  »  alors que le CICE avait favorisé la création de 14  000  emplois nouveaux en  2013, l’ensemble des mesures prises ou annoncées depuis l’été dernier va se traduire par la suppression de 35  000  emplois dans la grande distribution  « . La FCD décidait immédiatement de suspendre la mise en œuvre de l’accord sur les contrats de génération, qui prévoyait 30  000  embauches sur trois ans, et d’annuler toutes les négociations en cours sur les contreparties au pacte de responsabilité.

Au-delà de ces déclarations, ce sont les parlementaires eux-mêmes que les représentants des intérêts du secteur de la grande distribution ont tenté de retourner.  »  On a fait notre travail. On a alerté les parlementaires de la gravité de cette mesure  « , admet Fabienne Prouvost, représentante de la FCD. Les grandes enseignes se sont également mises de la partie.  »  Cette majoration va coûter à Auchan 20  millions d’euros, soit l’enveloppe nécessaire à 800  équivalents temps plein, estime Franck Geretzhuber,  »  lobbyiste   » du groupe enregistré à l’Assemblée nationale. Nos directeurs de magasins ont alerté leurs parlementaires sur les effets prévisibles en termes d’emplois.  « 

Les élus ont été systématiquement contactés.  »  Moi-même j’ai reçu des gens d’Auchan, qui sont extrêmement organisés  « , reconnaît Dominique Lefebvre, porte-parole du groupe socialiste de l’Assemblée.  »  Ce qui a interpellé les parlementaires, c’est qu’ils se sont rendu compte que ça touchait aussi les indépendants, qui sont des entrepreneurs locaux, explique un représentant d’une grande enseigne, qui ne veut pas être cité. Mais les députés ont une vision passéiste de la grande distribution et de la concurrence. Leur manque de connaissance économique est stupéfiant.  « 

Ce travail de lobbying a porté ses fruits, au moins au Sénat, qui a voté la suppression de cet amendement. Même le groupe socialiste s’est prononcé en ce sens.  »  Comme pour d’autres sujets, l’enfer est pavé de bonnes intentions, a défendu son porte-parole, Jean Germain. Cette majoration de la Tascom ne nous paraît pas avoir été décidée avec suffisamment de concertation. Elle n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, alors qu’elle sera lourde de conséquences pour les entreprises affectées par la hausse.  « 

L’activité déployée auprès des parlementaires n’a toutefois pas suffi à faire revenir les députés, ni le gouvernement, sur leur décision.  »  Les choses ont bougé au Sénat, ce qui est déjà une bonne chose mais côté gouvernement on n’a eu aucun retour  « , déplore Mme  Prouvost. Malgré un dernier baroud d’honneur, mardi soir au Palais-Bourbon, sous l’impulsion, notamment, du président (UMP) de la commission des finances, Gilles Carrez, la majorité a confirmé son vote de première lecture.

Patrick Roger

    4,1  %
    de déficit prévu en  2015
    L’Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture, dans la nuit du 16 au 17  décembre, le projet de programmation des finances publiques 2014-2019, amendé par le gouvernement, qui a révisé ses prévisions de déficit public. Il envisage désormais 4,1  % en  2015 au lieu de 4,3  %, 3,6  % en  2016 et 2,7  % en  2017.

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