La Russie, modèle international de Démocratie à travers le Monde !

On en revient toujours au même : M. Depardieu a tort quand il parle d’une Démocratie quand il parle de la Russie…

Derrière perle en date, un dirigeant condamné sans plainte… ou plutôt si, celle d’un pouvoir politique qui veut taire son principal opposant…

Et dans tout ça, une victime collatérale qui ne sait pas comment réagir en la personne de ‘Yves Rocher’. La ficelle est tellement grosse pour faire taire ses opposants qu’elle en serait presque comique… si elle n’était à ce point tragique…

Vive la Russie !

Deux articles datés du 31 décembre 2014

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Russie : du sursis pour museler Alexeï Navalny
L’opposant à M. Poutine a été condamné à trois ans et demi de prison avec sursis, son frère à de la prison ferme

Passée la stupéfaction, un cri a déchiré la salle du tribunal moscovite de Zamoskvoretskiï :  » Pourquoi emprisonnez-vous mon frère ?  » Quelques minutes plus tard, Alexeï Navalny, les larmes aux yeux, serrait dans ses bras son frère Oleg pour un dernier adieu.

Mardi 30  décembre, la justice russe a délivré un verdict inattendu contre les frères Navalny, poursuivis pour escroquerie et détournement de fonds dans une affaire en fait totalement politique, où même la victime supposée assure ne pas avoir subi de préjudice. L’aîné, Alexeï, militant anticorruption devenu opposant numéro un à Vladimir Poutine, a été condamné à trois ans et demi de prison avec sursis. Il a quitté le tribunal pour rejoindre son domicile, où il est assigné à résidence depuis février dans le cadre de cette affaire. Le cadet, Oleg, a reçu la même peine, mais ferme. Il rejoindra une colonie pénitentiaire.

 » Quel genre de gens êtes-vous pour l’enfermer, lui, en voulant m’atteindre moi ? « , a encore eu le temps de lancer Alexeï Navalny à la cour avant d’être emmené. Comme en écho, au même moment, les réseaux sociaux russes ont résonné du même cri :  » otage « ,  » méthodes de KGBistes « …   »  S’il ne se tient pas à carreau, c’est toute sa famille qui est menacée « , a aussi réagi Piotr -Ofitserov, coaccusé avec Alexeï Navalny dans une autre affaire.

Le verdict a d’autant plus choqué que  » l’affaire Yves Rocher « , plus qu’aucune autre parmi celles visant M.  Navalny, s’apparente à un coup monté. Entre 2008 et 2012, la société des frères Navalny, Glavpodpiska, aurait escroqué 26 millions de roubles (370 000  euros) à la compagnie de cosmétiques française en lui surfacturant ses services, et en utilisant pour cela la position d’Oleg à la Poste russe. Après le dépôt initial d’une plainte, Yves Rocher avait conduit un audit interne concluant qu’il n’avait subi aucun préjudice. Au cours d’une des audiences, son directeur financier avait assuré qu’il signerait aujourd’hui le même contrat. De l’avis de tous les observateurs, la société française a agi sous la pression des autorités russes, sans jamais le reconnaître.

Dans la Russie de Vladimir Poutine, l’indépendance de la justice est une fiction. C’est le Kremlin qui a décidé de laisser Alexeï Navalny en semi-liberté, sous la menace permanente de son sursis, et toujours poursuivi dans une autre affaire d’escroquerie. Une manière de le maintenir sous pression sans en faire pour autant un martyr.

Le pouvoir a-t-il eu peur d’un possible mouvement de contestation populaire ? C’est probable. Depuis les manifestations massives de décembre  2011, organisées contre les fraudes aux élections législatives, M.  Navalny s’est imposé comme le dirigeant le plus emblématique de l’opposition démocrate. Ses talents d’orateur impressionnent. Son slogan contre le parti au pouvoir, Russie unie, rebaptisé  » parti des voleurs et des escrocs « , a fait mouche. Même les vieux libéraux qui regardaient d’un œil méfiant ses prises de position nationalistes l’ont adoubé. Aux élections pour la mairie de Moscou, en septembre  2013, il avait réussi le tour de force de -réunir 27  % des voix.
Eviter les manifestations

Le Kremlin a tout fait pour éviter une répétition de ce mouvement. A commencer par avancer le verdict de deux semaines.  » Parce que le texte du verdict était prêt plus tôt « , a-t-on expliqué. En réalité, le but de cette précipitation était limpide : empêcher les rassemblements de masse prévus le 15  janvier, date théorique du verdict, par les partisans de M.  Navalny. La -semaine passée, les autorités russes avaient même obtenu de Facebook qu’il bloque l’une des pages appelant à manifester le 15  janvier.

Cela suffira-t-il ? A la sortie du tribunal, Alexeï Navalny appelait à  » descendre dans la rue contre ce pouvoir répugnant qui n’hésite pas à s’en prendre aux familles « . Sur la nouvelle page Facebook appelant à manifester, mardi soir, le nombre d' » inscrits  » continuait d’augmenter, pour atteindre 17 000 en milieu de matinée. Rien ne dit qu’ils seront au rendez-vous. Le 30  décembre, veille du Nouvel An, la plupart des Moscovites prêts à se mobiliser partent en vacances à l’étranger ou en province…

Le verdict de mardi a un autre objectif : il agit comme une arme dissuasive contre quiconque envisagerait de collaborer avec M.  Navalny. L’avocat de 38 ans est devenu  » radioactif « . Au fil des mois, la totalité des membres de la direction de son parti politique, qu’il n’a jamais pu faire enregistrer, ont subi des démêlés avec la justice ou ont été contraints à l’exil.

Plus encore que l’homme politique, c’est le blogueur Navalny que le Kremlin a voulu neutraliser. Ou, plus précisément, l’enquêteur qui dénonce inlassablement, depuis des années, petits et grands scandales de corruption. Dans la Russie de Vladimir Poutine, appeler à des élections libres ou au respect de la liberté d’expression est risqué, mais généralement toléré. Parler de l’argent des puissants, non. Alexeï Navalny s’est attaqué au cœur du régime Poutine, en démontant les mécanismes mis en place par l’élite pour transformer l’Etat et les grands groupes publics en machines à  » cash « .

Il a heurté de front des proches du président, comme Igor Setchine, patron du groupe pétrolier Rosneft, ou Vladimir Iakounine, magnat des chemins de fer, c’est-à-dire la nouvelle oligarchie, choisie pour sa fidélité sans faille à M. Poutine ou son appartenance aux services secrets, et qui a remplacé les oligarques des années 1990. M.  Navalny s’en est aussi pris au chef du Comité d’enquête, Alexandre Bastrykine, l’instance judiciaire qui a instruit le  » dossier  » Yves Rocher, et dont il a révélé qu’il détenait illégalement des affaires en République tchèque.

Lors de l’audience du 19  décembre, à l’issue des réquisitions, Alexeï Navalny avait transformé son propre procès en tribune, endossant le rôle du procureur et prononçant un discours faussement  » naïf  » sur le mensonge : » On ne voit ici, dans cette salle, que des gens qui baissent les yeux et regardent la table. Les gens qui regardent la table, voilà l’enjeu de la bataille avec les bandits qui ont confisqué le pouvoir. Dans notre pays, tout le pouvoir repose sur un mensonge sans fin. Poutine a déclaré pendant sa conférence de presse : “Nous n’avons pas de palais.” De tels palais, nous en photographions trois par mois. Nous n’aurions pas d’oligarques occupés à s’engraisser aux frais de l’Etat ? Mais nous avons tous les documents qui prouvent que la moitié des entreprises d’Etat ont des comptes offshore à Chypre et au Panama. Pourquoi supporter tous ces mensonges ? Pourquoi regarder la table ? La vie est trop courte pour regarder la table. « 

Benoît Vitkine

    M. Obama se félicite de l’effet des sanctions

    Barack Obama a estimé, lundi 29  décembre, que la stratégie de sanctions contre la Russie portait ses fruits.  »  Souvenez-vous, il y a trois ou quatre mois, tout le monde à Washington était convaincu que le président Poutine était un génie, qu’il nous avait tous débordés  « , a déclaré le président américain.  »  Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’au moins, en dehors de Russie, certains pensent peut-être que ce qu’a fait Poutine n’était pas si malin  « , a-t-il ajouté en faisant référence à l’effondrement du rouble et de l’économie russe, affectés par la chute des cours du pétrole et les sanctions occidentales.

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Yves Rocher, une plainte au service du pouvoir

L’affaire pour laquelle ont été condamnés, mardi 30  décembre, Alexeï et Oleg Navalny, restera dans les annales de la justice russe sous le nom d' » affaire Yves Rocher « . La société française de cosmétiques aura été de bout en bout présente dans les débats, et risque de porter longtemps comme une tache son rôle dans le procès du principal opposant russe.

Le jugement rendu mardi conclut que la société de logistique des frères Navalny a escroqué 26  millions de roubles (370 000  euros) à la compagnie de cosmétiques en lui surfacturant ses services entre 2008 et 2012, une surfacturation obtenue grâce au poste de cadre qu’Oleg occupait à la Poste russe.

Pour comprendre le rôle de la société française, il faut remonter à 2008. C’est alors Yves Rocher qui sollicite Glavpodpiska pour assurer la livraison d’une partie des commandes de ses clients. Les deux entreprises travaillent ensemble pendant quatre ans. Fin 2012, Bruno Leproux, directeur général d’Yves Rocher Vostok, filiale russe de la maison mère, demande au Comité d’enquête russe d’établir si Glavpodpiska a abusé son entreprise. La démarche équivaut à une plainte.

Que s’est-il passé pour qu’Yves Rocher poursuive son prestataire ? On sait seulement que, peu auparavant, la justice avait commencé à s’intéresser à l’entreprise de cosmétiques dans le cadre d’une autre affaire, Kirovles, impliquant également Alexeï Navalny. Les enquêteurs ont-ils fait pression sur Yves Rocher Vostok afin qu’il porte plainte ? C’est ce que pensent nombre d’observateurs, et parmi eux Sergueï Gouriev, économiste russe réfugié à Paris :  » Je ne sais pas précisément quels moyens de pression les enquêteurs ont utilisé, mais il était important pour eux qu’une société étrangère soit impliquée. Cela donnait au dossier une apparence de solidité. « 

La société française semble avoir regretté ensuite de s’être laissée manipuler. Lors d’une des audiences, son directeur financier a assuré que les prix pratiqués par Glavpodpiska étaient inférieurs à ceux du marché, et que s’il devait resigner aujourd’hui le même contrat, il le ferait. L’entreprise a également conduit un audit interne concluant qu’elle n’avait subi aucun préjudice.
 » Pas concernés « 

Ce que les soutiens d’Alexeï Navalny reprochent à Yves Rocher, c’est de n’avoir pas déclaré publiquement que, puisque il n’y avait pas de préjudice, il n’y avait pas de coupable. Depuis le début de l’affaire, la société a gardé le silence, se contentant de rares communiqués laconiques. Un journaliste qui a suivi les audiences explique que les représentants d’Yves Rocher, lorsqu’ils étaient présents au tribunal, se sont conduits sinon en victimes, du moins  » comme des observateurs neutres, comme s’ils n’étaient pas concernés « . Pour cela, Yves Rocher a dû affronter plusieurs campagnes internationales intitulées  » Nous voulons des réponses  » et des appels au boycottage d’autant plus gênants que le marché russe est le deuxième après la France.

 » Ce silence est leur principale erreur, estime un patron français installé à Moscou. S’ils avaient alerté ne serait-ce que l’ambassade, ils auraient pu être protégés. Mais c’est un milieu habitué aux tracasseries avec les douanes, pas à se retrouver dans des situations aussi sensibles.  » Seul fait solide dans cette affaire qui semble montée de toutes pièces, l’enquête a mis au jour une société offshore montée par les Navalny, dans le contrat qu’ils ont signé avec Yves Rocher.

Bruno Leproux, l’ex-directeur général, n’a accordé qu’un seul entretien à une journaliste russe, publié lundi, veille du verdict. Il y fait des réponses extrêmement évasives, mais assure ne pas avoir subi de pressions. Yves Rocher n’a pas renouvelé son contrat. Un an plus tard, il a retrouvé un emploi chez Ile de Beauté, une société russe de parfumerie connue pour ses liens avec les cercles du pouvoir.

B.  Vi.

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