Le courage d’un fonctionnaire… bien mal récompensé…

Il est dommage que ce Monsieur ait été si mal récompensé du service qu’il a rendu à la République, in fine, à l’intérêt général.

Il faut redire et affirmer que l’argent de l’Etat, les fameuses caisses, ne sont rien de moins que de l’argent public qui appartient à l’ensemble de la société et de ses contribuables ! Trop de gens l’oublient et trop de gens considèrent que cet argent, une fois sorti de la poche des Français, appartient aux élites Françaises.

Il n’en est rien ! Dans une Démocratie, les caisses appartiennent à tout le monde et les fonctionnaires sont des serviteurs de l’Etat, non des gens élus pour se servir !

M. Roland Veillepeau a servi la République, en ce sens, il doit être chaudement remercié… De même, Monsieur Eric de Montgolfier qui est, sans nul doute, une des personnes les plus louables qui soit tant son intégrité et sa probité ont été maintes et maintes fois démontrées… On ne peut pas en dire autant de Madame Michèle Alliot-Marie qui s’est comportée comme une véritable pourriture dans cette histoire en tentant de faire en sorte que la France ne soit en position de force de récupérer l’argent qui lui a indûment échappé…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 11 Février 2015

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Roland Veillepeau, l’homme qui a piloté l’ opération  » Chocolat « 
Avril 2008. Le patron des enquêtes fiscales à Bercy a sur son bureau une longue liste d’évadés fiscaux. Qui est l’informateur ? Récit d’une enquête minutieuse qui dérangera beaucoup d’intérêts

Cet homme-là ne parle pas. En tout cas, il ne dit rien de son passé opérationnel : il est lié à vie par le secret fiscal. Dommage, car c’est lui, Roland Veillepeau, 66 ans, qui a décidé, mené, et finalement sauvé, l’opération  » Chocolat « , c’est-à-dire le recrutement par les services fiscaux français, à Genève, de l’informaticien de HSBC, Hervé Falciani, et l’exploitation mondiale de ses listings explosifs. Cela lui a même coûté sa fin de carrière : il a été contraint au départ forcé en raison d’intrigues politiques le dépassant largement. Sans doute menaçait-il trop d’intérêts…

Roland Veillepeau est à la retraite depuis août 2014, après quarante ans de contrôles fiscaux. Le sommet de sa carrière, c’est le 28 décembre 2007. Ce jour-là, il devient le patron de la Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), un service d’élite, basé à Pantin (Seine-Saint-Denis). Le bras armé du ministère du budget, cauchemar, dans l’Hexagone, des contribuables indélicats. Quatre cent vingt fonctionnaires qui se consacrent aux enquêtes les plus sensibles. L’opération  » Chocolat « , c’est leur plus grande fierté. Le Monde, qui a eu accès aux pièces les plus confidentielles, peut relater, aujourd’hui, les coulisses de cette incroyable affaire, véritable roman d’espionnage, sur fond de milliards d’euros cachés, d’intérêts diplomatiques bafoués et de fortunes inavouables démasquées…

La DGSE dans la confidence

Mayennais d’origine, breton d’adoption, Roland Veillepeau est un baroudeur. Il arbore le drapeau de  » sa  » région dans son bureau. Et tant pis si cela choque certains. Il a passé cinq ans à Londres, de 1993 à 1998, pour traquer les fraudeurs d’outre-Manche, en qualité d’attaché fiscal. Il s’est fait des amis. C’est ainsi que, en avril 2008, l’un de ses anciens contacts britanniques lui refile un tuyau. Les services fiscaux britanniques ont reçu un courrier, le 25 mars 2008, d’un certain Ruben Al-Chidiack. L’homme se vante de pouvoir leur fournir les détails des comptes de 107 181 clients de HSBC Private Bank. Une aubaine mais, à l’époque, les services anglais se dépêtrent difficilement d’une autre affaire de fraudeurs liée à la banque LGT, au Liechtenstein, alors ils préfèrent alerter leurs homologues français. Ce même mois d’avril 2008, d’ailleurs, la police judiciaire française reçoit un courrier similaire, qui atterrit aussi, in fine, sur le bureau de Roland Veillepeau, dans les locaux sécurisés de la DNEF. Il faut foncer. Mais d’abord, se renseigner. Et rencontrer Al-Chidiack.

C’est chose faite, le 28 juin 2008. La DNEF a mis la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dans la confidence. Roland Veillepeau a pris l’habitude de convier ses homologues appartenant aux autres grands services de l’Etat dans ses locaux, de leur offrir un bon gueuleton… Ça crée des liens. Dans l’objectif des photographes de la DGSE donc, ce jour-là, près de la frontière franco-suisse, un homme en tee-shirt, un sac à l’épaule, cheveux courts, allure sportive. C’est Ruben Al-Chidiack, ou plutôt Hervé Falciani, un informaticien de 36 ans employé par HSBC Private Bank, à Genève.

Il a rendez-vous avec deux fonctionnaires du fisc français : Jean-Patrick Martini, chef de la cellule des affaires particulières à la DNEF, et son supérieur, François Jean-Louis, secrétaire général. Deux hommes qui n’apparaissent jamais en public, deux fameux espions, rompus aux manœuvres de l’ombre. Ce Ruben Al-Chidiack, ils le sentent bien. Martini est équipé d’un micro, dissimulé derrière sa cravate. La conversation est enregistrée. La rencontre dure une bonne heure. Les fonctionnaires sont clairs avec leur interlocuteur : la DNEF ne paie pas ses informations et refuse de s’aventurer sur le territoire suisse. Ça tombe bien, Al-Chidiack ne réclame rien, il dit vouloir s’en prendre au monde de la finance. Il confirme détenir tous les détails relatifs à plus de 100 000 comptes ! Un protocole est mis en place : l’informaticien s’engage à envoyer, par la poste, une clef USB cryptée avec le logiciel TrueCrypt. Elle contiendra l’identité d’une petite dizaine de fraudeurs, un tout petit échantillon, histoire de crédibiliser les affirmations de l’informaticien. Ensuite, il est convenu de se revoir.

A Pantin, Veillepeau est bien embêté. Il refuse de s’embarquer dans une telle aventure avec un informateur dont il ne sait rien, ou presque. Il rend compte de l’affaire à son supérieur direct, Jean-Louis Gautier, le grand manitou du contrôle fiscal. Un fonctionnaire proche du pouvoir sarkozyste. Il n’en dit mot, en revanche, aux autres patrons de Bercy, Jean-Marc Menet et Philippe Parini, cornaqués par le ministre du budget, Eric Wœrth. Le voilà coincé entre un Elysée intrusif, dont la propension à bousculer les règles, voire les lois, pour protéger ses intérêts, est notoire, et un ministère du budget tapi dans l’ombre, arc-bouté sur ses rentrées fiscales. La position tient du funambulisme.

Roland Veillepeau se méfie. Le courrier tant attendu finit par arriver à Pantin. Il faut vérifier les dix identités fournies par Al-Chidiack avant d’aller plus loin. L’opération  » Chocolat  » est lancée, dans le secret absolu.
L’identité de la source

La DNEF s’est dotée pour l’occasion d’un logiciel ultra-performant, valant plus de 300 000 euros. Elle a recruté des techniciens de haut niveau, à l’école des enquêteurs fiscaux. Heureuses initiatives. Car les données de la  » source  » sont fiables. Il va falloir aller plus loin. Roland Veillepeau débloque les fonds. Il sait bien que cette affaire est risquée. Il a accepté ce poste en connaissance de cause. De toute façon, à la fois téméraire et prudent, le chef de la DNEF a une vilaine manie : pour limiter les interventions politiques inopportunes, il a pris l’habitude de demander un ordre écrit à sa hiérarchie dès qu’elle se montre un peu trop pressante. Veillepeau a pris une décision : il laissera tomber Al-Chidiack s’il n’accepte pas de livrer sa véritable identité.

Le 6 décembre 2008, Falciani rencontre une deuxième fois ses contacts de la DNEF. La discussion, là encore, est enregistrée à son insu. Une femme s’est jointe à la discussion. Elle travaille à la DGSE et est spécialisée dans le recrutement et l’évaluation psychologique des  » sources « . Une heure et demie d’entretien, puis un déjeuner, pour tenter de convaincre Al-Chidiack de se dévoiler.

Pas question que la DNEF s’embarque dans une histoire pareille sans connaître l’identité de la source. Falciani s’énerve durant la conversation, lorsqu’on lui demande s’il souhaite une contrepartie financière. Son voyage au Liban, où il a bel et bien, semble-t-il, tenté de monnayer ses informations, est déjà loin. Il dit agir en  » utopiste « . Il refuse également une exfiltration de Suisse. Mais il ne se dévoile pas davantage.

Dans le même temps, les autorités judiciaires helvétiques poursuivent discrètement leurs investigations sur Falciani. Puis décident de passer à l’acte. Le 22 décembre 2008, elles le font interpeller. Rapidement relâché, l’informaticien s’enfuit en France dès le 23 décembre. Et contacte dans la foulée, le lendemain, à 15 heures, la DNEF.

Un rendez-vous est prévu, mais Falciani, qui consent enfin à donner son vrai nom, pose une condition : avoir un avocat à ses côtés. La DNEF lui propose les services de Me Patrick Rizzo, un avocat niçois habitué à travailler avec les services secrets. Le 26 décembre, cinq DVD changent de main, à l’aéroport de Nice : ça y est, la DNEF dispose des fameux listings ! Surtout, ne plus perdre de temps.

Une équipe de techniciens descend à Nice, investit un hôtel. Ambiance tendue : les gens de la DNEF se pensent suivis, surveillés. Martini aura même droit à une protection personnelle. Avec l’aide de Falciani, les listings, qui suscitent, semble-t-il, de nombreuses convoitises, sont exploités.  » Il fallait comprendre les codes, c’était un travail de fourmi « , se souviendra Thibaut Lestrade, l’un des informaticiens, questionné par un magistrat français.  » Sans Falciani, on n’y serait pas arrivés, il nous a énormément aidés « , assure aussi Jean-Patrick Martini.

Mais les Suisses ne s’avouent pas vaincus : ils obtiennent que les gendarmes français interpellent Falciani, dans le cadre d’une demande d’entraide judiciaire. C’est chose faite le 20 janvier 2009, en présence d’un magistrat suisse. Il y a péril en la demeure : et s’il venait à repartir avec les données originales de l’informaticien ? Prévenue, la DNEF contacte un général haut placé à la direction de la gendarmerie.

Le procureur de Nice, Eric de Montgolfier, est également prévenu. Les intérêts vitaux français sont en jeu. Falciani refuse de répondre aux questions du magistrat suisse concernant son éventuelle collaboration avec la DNEF. Il passe la nuit en garde à vue. Mais il a droit à une cellule VIP. Veillepeau a fait passer la consigne : son précieux informateur doit être bien traité. C’est ainsi que au petit matin, on lui apporte quelques croissants, et ce petit mot :  » Avec les compliments de la DNEF « .

Jusqu’au bout, les Suisses tentent de récupérer le matériel dérobé à Genève. Falciani confiera aux enquêteurs :  » Le plus significatif a été la tentative par la garde des sceaux, Mme Alliot-Marie, de faire disparaître les preuves. Elle a donné pour instruction au procureur de Nice de restituer les scellés aux Suisses. Le procureur s’y est opposé. « 

Interrogé comme témoin par le juge Renaud Van Ruymbeke, Eric de Montgolfier confirmera : un magistrat de la chancellerie l’avait bien appelé, à l’époque,  » pour – lui – demander de faire parvenir l’original des scellés au parquet fédéral suisse « . L’actuel ministre du budget, Christian Eckert, auteur d’un rapport parlementaire sur le sujet, renchérit :  » Côté judiciaire, il y a eu une vraie volonté d’enterrer l’affaire.  » En vain. Tout comme Roland Veillepeau, Eric de Montgolfier est plutôt allergique aux pressions…

A Paris, l’opération  » Chocolat  » ne fait visiblement pas plaisir à tout le monde. Roland Veillepeau, cette fois, a prévenu par écrit toute sa hiérarchie. Lors d’une cérémonie de vœux, début 2009, à Bercy, il lui est carrément demandé de suspendre l’enquête. Trop de noms connus, trop de dangers imprévus… Il s’insurge, réclame évidemment un ordre écrit. Bercy renâcle. Et exige que la DNEF ne rencontre plus physiquement Falciani. Ce sera le cas. Mais rien n’empêche de se téléphoner…

Roland Veillepeau se sait sur un siège éjectable. Ses méthodes musclées déplaisent aux syndicats, comme à sa direction. Au cours d’un voyage en Chine, pendant les vacances de Pâques, au printemps 2009, on lui indique la sortie. Il doit partir ! Céder son poste, après un an et demi seulement. Un directeur de la DNEF demeure généralement cinq ans en service actif… Apparemment, en ouvrant une boîte de Pandore, il a bousculé trop d’ordres établis, menacé trop d’intérêts.

Le dernier contrôle

On lui propose de devenir conservateur des hypothèques, à Melun. Une sinécure, admirablement payée. Mais Roland Veillepeau résiste. Il partira, mais à ses conditions, sinon, allez savoir comment, la presse pourrait se mêler de l’affaire… Il obtient dans la foulée ce qu’il souhaite : conservateur des hypothèques, mais à Toulouse, au soleil. Avant de partir, au 1er septembre 2009, il prend une ultime initiative. La plus importante, sans doute. Il réquisitionne, courant juin, deux petites mains du service, deux employées modèles, discrètes, fiables. Elles entrent, une par une, les identités des fraudeurs français dans la base de suivi du contrôle fiscal. Les données françaises sont sanctuarisées, il sera compliqué d’étouffer l’affaire, désormais.

D’ailleurs, dès le 30 août 2009, Eric Wœrth évoque publiquement sa fameuse liste de 3 000 contribuables français fraudeurs. Le ministre du budget ne le dit pas explicitement, mais ces noms proviennent des  » listings Falciani « . Roland Veillepeau est débarqué, certes, mais il ne sera pas dit qu’il aura raté son dernier contrôle fiscal. Le Breton a sa fierté.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme


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