L’Ecologie tue-t-elle la croissance ?

On pourrait croire que les efforts faits pour préserver la planète sont tellement coûteuses qu’elles tuent l’économie. Il n’en est rien et c’est tout le contraire : quand on ne préserve pas la Planète, celle-ci a tendance à se retourner et à causer des catastrophes majeures qui sont de véritables gouffres économiques !

Il ne faudrait pas oublier ces faits de base pour l’avenir de la Planète : tout le monde a à y gagner à la défendre, dont notre économie…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 17 Février 2015

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L’alliance de la pâquerette et du PIB

En 1972, c’est la loi sur la qualité de l’eau (le Clean Water Act) qui était supposée faire dévisser la croissance américaine. Ce n’est pas arrivé non plus. En 1987, le Protocole de Montréal pour la préservation de l’ozone stratosphérique faisait figure de cavalier de l’Apocalypse. Mais, là non plus, le PIB n’a pas moufté.

Dans un graphique publié sur son blog, Peter Gleick, le directeur du Pacific Institute, s’est amusé à placer, sur la courbe d’évolution du PIB des Etats-Unis, une série de réglementations environnementales dénoncées, avant leur entrée en vigueur, comme pourvoyeuses de catastrophe économique. L’effet est saisissant : à aucun moment la moindre de ces réglementations ne semble avoir heurté la croissance de l’indice roi. De manière assez cocasse, son seul décrochage brutal, ces dernières années, ne correspond d’ailleurs nullement à un excès de réglementations – environnementales ou non – mais, au défaut de régulation de la finance qui a conduit à la crise de 2008…

En réalité, non seulement la protection de l’environnement ne porte pas préjudice à l’économie, mais il est vraisemblable qu’elle la favorise.

C’est ce que suggèrent Silvia Albrizio, Tomasz Ko’zluk et Vera Zipperer, trois économistes de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), dans un document de travail récemment publié.  » Nous sommes partis d’une idée parfois véhiculée par certains acteurs économiques, selon laquelle les réglementations environnementales sont susceptibles de nuire à la productivité, de faire grimper les coûts et les prix, etc., dit Jean-Luc Schneider, directeur-adjoint au département économique de l’OCDE. Et nous avons cherché à voir ce que disent les faits. « 

Risque, compétition, innovation

Les auteurs ont construit un indice de  » sévérité des politiques environnementales  » et l’ont confronté, pour une vingtaine de pays de l’OCDE, aux données économiques disponibles sur la période 1990-2010. Résultat ? Commençons par la mauvaise nouvelle.  » Au moment de l’annonce d’une politique environnementale, on constate au niveau du pays une légère baisse de productivité « , dit M. Schneider. Mais, ajoute-t-il aussitôt, celle-ci  » disparaît dès la mise en application de la nouvelle réglementation « .

 » Le résultat principal est que, dans l’ensemble, un accroissement de la sévérité des politiques environnementales n’altère pas la croissance de la productivité ou le niveau de productivité, ni au niveau de l’économie tout entière, ni au niveau des industries manufacturières, écrivent les auteurs. En réalité, un renforcement de la sévérité de ces politiques est associé à une augmentation à court terme de la croissance de productivité, pour l’économie dans son ensemble et en particulier pour les secteurs industriels et les entreprises les plus productives.  » Seules les sociétés les moins avancées sur le plan technologique, ou déjà peu productives, sont susceptibles d’en faire les frais.

Contre-intuitive, une telle conclusion ne surprendra pas les économistes, qui connaissent cet apparent paradoxe sous le sobriquet d’ » hypothèse de Porter  » – du nom de Michael Porter (université Harvard), le premier à avoir émis la possibilité que des contraintes environnementales intelligemment mises en œuvre puissent engendrer des gains de productivité pour les entreprises devant s’y plier. Les raisons avancées n’étaient pas extravagantes : le besoin de réglementer peut signaler l’utilisation inefficace d’une ressource, favoriser l’innovation en remettant de la compétition entre les acteurs, etc. De plus, les régulations consistent souvent à tenir compte des externalités négatives d’une activité (ses coûts collatéraux cachés, pris en charge par d’autres secteurs), pour donner leur vrai prix aux choses.

Le travail mené par l’OCDE conduit donc à s’interroger sur ce qui pousse les syndicats professionnels à s’opposer dès qu’une mesure sanitaire ou environnementale est proposée. Puisque la contrainte finit par leur profiter, pourquoi sont-ils si rétifs au changement ? Une hypothèse est que les entreprises concernées cèdent un peu vite à la tentation du cartel. C’est sans doute ainsi qu’il faut lire le refus systématique de se remettre en compétition, en tentant de se plier plus efficacement que son concurrent à une exigence nouvelle. Pour faire avancer leur cause, les environnementalistes devraient donc rappeler aux entrepreneurs le petit catéchisme du libéralisme économique et les vertus de la prise de risque, de la compétition et de l’innovation. C’est l’autre paradoxe de cette histoire.

par Stéphane Foucart


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