Quand HSBC fait perdre la tête à la Démocratie Britannique

La presse est un pilier fondamental de la Démocratie. Inutile donc de préciser que lorsqu’elle s’abstient d’effectuer son travail de par des pressions intolérables et ignobles de la part des banques, la Démocratie est mise en danger…

Il est intolérable qu’un journal puisse se taire sous prétexte que des sociétés clientes sont visées par des faits d’actualité. Il est totalement anormal de céder aux pressions de non diffusion de publicité pour envoyer aux gémonies l’indépendance de la presse. Dès lors, M. Peter Oborne a eu raison de claquer la porte de son journal !

Un journal ne peut être aux ordres des publicitaires : M. Peter Oborne a raison !

Le Daily Telegraph ne mérite donc pas l’attribut de « Presse ». Celui de « Torchon » est beaucoup plus approprié…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 20 Février 2015

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HSBC sème le trouble au  » Daily Telegraph « 
L’éditorialiste Peter Oborne démissionne, accusant le quotidien de céder aux pressions de la banque

Les révélations de  » SwissLeaks  » ont fait une victime inattendue : le Daily Telegraph. Le grand quotidien britannique de droite, équivalent du Figaro dans le paysage médiatique d’outre-Manche, tirant à un demi-million d’exemplaires par jour, s’était fait étonnamment discret après les révélations sur l’évasion fiscale pratiquée à grande échelle par la branche suisse de HSBC.

Trop discret, a jugé Peter Oborne, son principal éditorialiste politique : il a décidé de claquer la porte à grand fracas, démissionnant de son poste en accusant son journal de confondre publicité et contenu éditorial. Selon lui, le Daily Telegraph est désormais aux ordres des publicitaires, évitant les sujets qui pourraient les fâcher, particulièrement HSBC, l’un des plus importants d’entre eux.

M. Oborne est un poids lourd du journalisme britannique. Editorialiste de droite, très anti-européen, économiquement libéral, il est aussi farouchement indépendant. L’annonce de sa démission, dans un article de 18 000 signes rageurs publié mardi 17 février sur le site Open Democracy, en est d’autant plus dévastatrice.  » Il fallait un microscope pour trouver les articles du Telegraph traitant du sujet : rien le lundi, six petits paragraphes en bas à gauche de la page 2 le mardi, sept paragraphes enterrés dans les pages économie le mercredi.  » Pour lui, il s’agit d’une  » forme de fraude aux lecteurs « .

Une analyse indépendante, réalisée par Gordon Ramsay, de l’université King’s College, confirme ce point de vue. Le Telegraph a publié seize articles à la suite de  » SwissLeaks « , deux à cinq fois moins que ses concurrents. Pire : les principaux articles étaient consacrés aux retombées politiques de l’affaire.  » Aucun ne se concentrait sur les méfaits dont est accusée HSBC « , conclut M. Ramsay.

La stratégie des frères Barclay

Pour M. Oborne, il ne s’agit pas d’un dérapage, mais d’une stratégie dictée par les actionnaires du journal, les frères Barclay. Ces deux jumeaux milliardaires, qui possèdent le Telegraph depuis onze ans, vivent reclus à Brecqhou, une île anglo-normande au système fiscal très avantageux. Aucune photo d’eux depuis 2000 n’est dans le domaine public. Entre 1923 et 2004, le Telegraph n’a connu que six rédacteurs en chef. Sous les frères Barclay, il y en a déjà eu autant. Depuis un an, leur fonction a disparu, pour être remplacée par celle de  » chefs du contenu « . Désormais, selon M. Oborne,  » la distinction entre le département publicité et le contenu éditorial s’est effondrée « .

L’éditorialiste révèle en particulier le poids d’HSBC dans son ancien journal. En 2012, les enquêteurs du Telegraph ont publié une série d’articles sur la filiale de la banque britannique à Jersey, un paradis fiscal.  » Mais ça s’est arrêté là. Les journalistes ont ensuite reçu l’ordre de détruire tous les e-mails et documents liés à l’enquête sur HSBC. J’ai maintenant appris qu’à ce stade, de façon très inhabituelle, les avocats des frères Barclay ont été étroitement impliqués. « 

Après cette affaire, la banque britannique a suspendu ses publicités dans le Telegraph pendant un an. Pour le quotidien, c’était un coup sévère : selon un ancien responsable du journal, cité par M. Oborne,  » HSBC est un publicitaire qu’on ne peut pas se permettre d’offenser « . L’éditorialiste cite d’autres exemples. Une enquête, qu’il a réalisée sur la façon dont HSBC a supprimé les comptes en banque d’un certain nombre de musulmans connus en Grande-Bretagne, n’a jamais été publiée dans le Telegraph.

De même, le spécialiste bancaire du quotidien, Harry Wilson, a réalisé un article citant un analyste qui parlait d’un  » trou noir  » dans les comptes de HSBC : sa publication a rapidement été retirée du site. Le grand quotidien de droite n’a pas toujours été aussi timoré. Longtemps réputé pour la précision de ses articles, il a secoué l’élite politique en révélant le scandale des notes de frais des députés en 2009. A l’époque, députés de droite comme de gauche avaient été épinglés.

Mais depuis, face à une diffusion en baisse (– 45 % en dix ans), les plans de licenciement se multiplient. Les rédacteurs en chef défilent, les secrétaires de rédaction – chargés de la correction des copies – disparaissent, le budget consacré à l’international se réduit comme peau de chagrin. Dans le même temps, le site réalise des articles racoleurs, comme celui de cette femme qui a trois seins – une histoire que la rédaction en chef savait fausse avant sa publication, selon M. Oborne.

Le Telegraph rejette les accusations de son ancien éditorialiste, affirmant que celles-ci sont  » pleines d’inexactitudes « .

Eric Albert


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