Où l’on tente d’expliquer un mystère qui n’en est pas un

Cet article est intéressant mais je pense qu’il est trop compliqué par rapport à la situation. Poutine est un dictateur. A ce titre, il n’hésite pas à travestir la réalité pour faire en sorte de reconstruire un grand pays qui sera à son service.

Dans ce but, et comme tout dictateur qui se respecte, M. Poutine est d’abord et avant tout un menteur patenté. Il faut donc faire extrêmement attention à toutes ses paroles et tous ses écrits, car il y aura de toutes façons, tôt ou tard, des preuves contredisant ses dires et écrits.

Le danger de Poutine est là : c’est une personne pour laquelle on ne peut avoir aucunement confiance car c’est un dictateur où la lumière n’est pas allumée à tous les étages. Quand on a compris cela sur Poutine, on a compris beaucoup de choses…

Il ne reste maintenant à nos dirigeants qu’à agir en ayant ces connaissances bien en tête : ne pas tourner le dos à Poutine…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 20 Février 2015

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Le cocktail Poutine

Les poutinologues sont divisés, comme l’étaient les kremlinologues du temps de l’URSS. Les uns, ceux qui sont en empathie avec lui, mettent tout sur le dos des Occidentaux. Poutine le belliqueux est le produit d’un pays  » humilié  » par les Américains et les Européens depuis la fin de la guerre froide. Incapables de prendre la mesure d’un sentiment national meurtri, ceux-là n’ont pas saisi l’ampleur du traumatisme éprouvé à la disparition de l’URSS.

Autant qu’un réaliste, Poutine serait un grand sentimental :  » Celui qui ne regrette pas l’URSS n’a pas de cœur, celui qui souhaite sa restauration n’a pas de tête « , a dit le président russe. Membre de la tribu des  » empathiques « , l’académicienne Hélène Carrère d’Encausse a une thèse : Poutine est en mal d’affection. L’homme du Kremlin est en manque de considération.  » Pour lui, le salut de la Russie passe par la reconnaissance de sa place en Europe « , écrit-elle dans Le Point du 12 février. Cette place est celle d’une grande puissance respectée et reconnue : le président russe serait, d’abord, en quête de statut.

Certes, mais de là à démembrer un pays parce qu’une majorité de ses ressortissants, à trois reprises, a voté en faveur d’une ouverture vers l’Europe, il y a un pas que n’explique pas la fameuse  » humiliation « . Bien sûr, et Mme Carrère d’Encausse a raison de le rappeler, l’histoire, la culture, la religion, les mariages ont tissé une relation unique entre l’Ukraine et la Russie. Il n’empêche. Au nom de la vieille doctrine de la souveraineté limitée pour son  » étranger proche « , la Russie viole les frontières de ce voisin par la force. L’Ukraine n’aurait pas la liberté de conclure un pacte commercial avec Bruxelles – qui n’est, dans l’esprit de l’Allemagne et de la France notamment, ni le prélude à son adhésion à l’Union européenne (c’est la spécificité même du  » partenariat « ) ni, encore moins, à l’OTAN.

 » Il construit un récit national « 

Certains des griefs qu’entretiennent les Russes sur le comportement des Occidentaux dans l’après-guerre froide sont justifiés. Il reste que la politique ukrainienne du Kremlin confirme la thèse d’un Poutine obsédé par la reconstitution d’une aire sous tutelle russe. Comme si le statut de grande puissance ne se gagnait pas dans la sphère économique et sociale, mais par la domination et la conquête territoriales – celles qu’autorise une Russie en meilleur état que dans l’immédiat après-guerre froide.

Mais, même parmi les poutinologues les plus critiques, cette dernière thèse ne fait pas l’unanimité. Poutine n’est pas animé par un tropisme impérial classique, dit une troisième catégorie d’analystes : le Français Michel Eltchaninoff – auteur de Dans la tête de Vladimir Poutine (Solin/Actes Sud, 171 p., 18 €) – ou les Américains Ivan Krastev et Stephen Holmes dans la revue The American Interest (janvier/février). Il chercherait moins l’expansion territoriale que la protection idéologique.

Il ne redoute pas tant les chars de l’OTAN (de jour en jour plus affaiblie avec l’effondrement des budgets militaires européens) que les valeurs de l’UE : l’Etat de droit, cette chose saugrenue qu’est le partage de la souveraineté nationale, le développement continu des libertés individuelles, l’obsession consumériste, la libéralisation des mœurs… Bref, tout ce que véhicule peu ou prou la mondialisation à l’occidentale. D’où la séduction que le président russe exerce, à l’Ouest, sur l’extrême droite et l’extrême gauche protestataires anti-européennes.

L’ennemi, ce n’est pas l’UE, en tant que  » puissance  » militaro-politique – ça n’existe pas. Ce sont les idées de l’UE, susceptibles de contaminer une classe moyenne descendue dans la rue pour s’opposer à Poutine en 2011-2012. Les idées  » occidentales « , ont, selon lui, manqué tuer la Russie post-guerre froide. Il  » s’inscrit dans le long terme « , il  » construit un récit national  » propre, il s’agit de réinventer un  » modèle russe « , dit Michel Eltchaninoff au Point, le 12 février. Poutine assume l’héritage slavophile ;  » la Russie ne doit pas se définir par rapport à l’Europe occidentale « , elle doit, au contraire, contrer un  » soft power  » européo-occidental qui l’affaiblirait. L’Ukraine doit servir de zone tampon, protéger le nouveau modèle russe, celui de Poutine, de la séduction du modèle européen.

Ce discours explique peut-être en partie la popularité du président russe. Les Occidentaux, surtout les Américains, ont toujours du mal à imaginer qu’on ne veuille pas leur ressembler. Mais brassées dans un grand samovar, l’ensemble des analyses des poutinologues n’en forment pas moins un cocktail peu rassurant.

par Alain Frachon


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