Quand on réinvente l’eau chaude à l’ENA

Je suis bluffé par l’écart énorme entre élitisme des élèves d’une des plus grandes écoles de la République et le faible niveau des mesures qui sont préconisées pour intégrer les hauts fonctionnaires dans la société. Comment peut-on se dire d’une intelligence supérieure à diriger cette grande école élitiste et se résoudre à dire que les fondements même de l’institution ne sont pas donnés pour que le haut fonctionnaire puisse démontrer son niveau ?

C’est un peu comme si à Polytechnique on se disait qu’il faudrait que l’on commence à enseigner le théorème de Thalès, théorème maîtrisé par tout élève de 3e qui se respecte…

Car dire que les fonctionnaire doivent être « engagés dans la société », c’est avouer qu’ils ne le sont pas actuellement ! A quoi sert l’ENA si elle ne fait pas ce travail de base ? De la même manière, faire des « chefs d’équipe à l’écoute » et des « ambassadeurs des valeurs du service public » n’a aucun sens tant ces valeurs sont indispensables !

Un cadre ne sert à rien s’il n’a pas de compétence managériale : c’est la base ! C’est comme si on se disait qu’il fallait qu’un futur footballeur sache dribbler pour intégrer l’équipe professionnelle du PSG !

Toutes les autres situations sont à l’avenant : le stage militaire, le côtoiement des publics en difficulté, et toutes ces choses auraient dû faire partie intégrante de la formation depuis bien longtemps !

Du coup, je me dis que si on a des politiques incompétents depuis 30 ans, ces gens qui sont incapables de voter un budget à l’équilibre, ce n’est peut-être pas par hasard…

En attendant, on continuera toujours à envoyer les meilleurs là où ça ne sert à rien : car Conseil d’Etat, Cour des comptes et inspection des finances ne sont pas les lieux où l’intérêt du citoyen est pris en compte de manière prioritaire…

En clair, il reste encore du boulot pour servir la Démocratie et mettre l’intérêt général là où il se doit être…

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 21 Février 2015

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L’ENA veut former des hauts fonctionnaires nouvelle génération
L’école met l’accent sur un management plus en prise avec les réalités de la société, mais garde son classement de sortie

C’est un haut fonctionnaire d’un genre un peu nouveau que l’Ecole nationale d’administration (ENA) entend dorénavant former. La réforme de la scolarité, dont les ultimes arbitrages sont attendus dans les tout prochains jours, vise à faire d’eux  » des fonctionnaires engagés dans la société, des chefs d’équipe à l’écoute, ambassadeurs des valeurs du service public « , indique l’entourage de la ministre de la fonction publique, Marylise Lebranchu. En prime, on attend également d’eux qu’ils sachent communiquer.

 » Publics en difficulté « 

Le maître mot de la réforme, élaborée conjointement par le ministère et l’école elle-même, et qui devrait entrer en application dès la prochaine promotion (celle de 2016), est plus que jamais le management public. La nouvelle formation est construite sur la base des compétences managériales que l’on attend d’un cadre supérieur : conduire le changement, travailler en équipe, savoir déléguer, savoir communiquer.

Pour atteindre cet objectif, tout au long des vingt-quatre mois de formation, l’ENA mettra en place des modules, dont certains paraissent atypiques. Ainsi, pour apprendre à travailler en groupe, par exemple, il sera possible de faire  » un stage d’une semaine en lien avec l’institution militaire « . Les futurs fonctionnaires continueront à rédiger des notes sur dossier, bien sûr, mais il leur sera aussi demandé de se frotter à des études de cas et des situations concrètes : plancher en groupe sur la demande d’une administration centrale, répondre à un journaliste, etc. Et tout cela entrera désormais dans leur évaluation.

La réforme insiste également sur leur engagement au service de la collectivité. Les élèves seront envoyés au charbon, auprès de  » publics en difficulté « , dans des PME plutôt que dans des grands groupes, et dans des associations. Lors du stage en administration territoriale (l’un des trois prévus sur une période compacte d’un an), ils devront notamment passer quinze jours derrière un guichet, en contact direct avec les usagers.

La réforme insiste sur la nécessité d' » approfondir les enseignements en matière de valeurs du service public, d’éthique et de déontologie  » ou encore d' » encourager l’engagement citoyen en parallèle de la scolarité « .

Périodiquement critiquée, l’école qui forme les hauts fonctionnaires depuis 1945 a subi une bonne vingtaine de réformes. La dernière en date est récente, d’ailleurs liée à celle de la scolarité et portait sur le concours d’entrée. Elle avait été présentée au printemps 2014.
Esprit de caste

En dépit de ces avancées, un totem résiste à toutes les tempêtes : le fameux classement de sortie, qui permet aux mieux placés d’accéder aux corps les plus prestigieux de la République (Conseil d’Etat, Cour des comptes, inspection des finances). Pour ses défenseurs, il assure la promotion au mérite. Pour ses contempteurs, il favorise l’esprit de caste et les connaissances théoriques. Bref, tout ce que la réforme en cours vise à supprimer.

Ce qui a résisté à la fièvre réformatrice de bien des ministres restera en place… Tout juste l’école promet-elle  » une diminution du nombre d’épreuves de classement et leur diversification « . Le classement plie, mais il ne rompt pas.

Benoît Floc’h

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