Une grande avancée dans le domaine de la santé

C’est une bonne idée et une grande avancée que celle de ces politiques commerciales engagées par certains labos, dans le domaine de la santé. On reconnaît enfin que, même avec la meilleure volonté du monde, les médicaments sortis sur le marché n’apporteront pas tous une avancée majeure.

On partage donc le risque et les labos ne toucheront leurs avoirs que lorsque le médicament aura été considéré comme une avancée, sinon, le labo paiera les pots cassés.

L’éthique et l’intérêt général y gagnent.

Un article du journal ‘Le Monde’ daté du 2 Avril 2015

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Les labos se mettent au  » satisfait ou remboursé « 
Le suisse Roche présente, jeudi, un programme de suivi des patientes atteintes d’un cancer du sein et soignées avec son Herceptin. A terme, il souhaite lier le prix du médicament à son efficacité

Des médicaments  » satisfait ou remboursé  » ? L’idée peut paraître farfelue, mais elle fait son chemin, alors que le prix des nouvelles molécules s’envole. Le laboratoire suisse Roche, leader dans le domaine du cancer, présente jeudi 2 avril un programme de suivi de patients qui va dans ce sens. Son compatriote Novartis, numéro un mondial du secteur pharmaceutique, assure qu’à l’avenir, les laboratoires seront payés au résultat et non plus au comprimé. Et ce principe s’applique déjà depuis 2014 au Sovaldi, dont le prix – environ 41 000 euros par patient – menaçait les comptes de la Sécurité sociale. Son fabricant Gilead devra rembourser une bonne partie de cette somme en cas d’échec de son traitement contre l’hépatite C.

Ces contrats dits  » de performance  » sont un outil précieux pour le Comité économique des produits de santé (CEPS), l’instance qui, en France, négocie le prix des médicaments avec les labos.  » Ils contribuent à la maîtrise des budgets et sont une alternative au rationnement de l’accès aux traitements onéreux « , souligne Francis Megerlin, professeur d’économie de la santé à l’université Paris-Descartes. Cette approche suppose une évaluation  » en vie réelle  » de l’efficacité des médicaments, qui peut-être différente de celle observée lors des essais cliniques.
Registre de suivi en temps

Celgene est l’un des premiers à s’être lancé dans l’aventure. Cette biotech américaine commercialise l’Imnovid, un traitement contre des cancers rares du sang. Le CEPS lui a accordé un prix élevé : 8 900 euros par cycle (les patients en enchaînent cinq à six). En contrepartie, en août 2014, le laboratoire s’est engagé à rembourser l’Assurance-maladie en cas d’échec du traitement.

Pour l’apprécier, les deux parties se sont entendues sur des critères. Et sur le terrain, le laboratoire a mis en place un registre qui permet de suivre en temps réel le patient. Au début et à l’arrêt du traitement, ainsi qu’à chaque consultation, le médecin doit renseigner une fiche. Les données sont anonymisées, puis transmises à un prestataire de Celgene qui se charge de leur analyse statistique. Près de 1 000 patients, sur les 2 000 potentiellement concernés, sont déjà inscrits dans ce registre. A la fin de l’année, le nombre de  » non-répondeurs  » déterminera le montant du chèque à signer par Celgene.

 » Le caractère exhaustif de ce registre est unique « , se félicite Franck Auvray, qui dirige la filiale française de Celgene.  » Le fait de travailler sur des données en vie réelle facilite le dialogue avec les autorités, et cela nous permet aussi de conforter les données recueillies lors des essais cliniques.  » La biotech envisage d’étendre ce dispositif à d’autres molécules de son portefeuille, comme le Revlimid, un anticancéreux vendu entre 155 et 190 euros la gélule selon le dosage.De son côté, Roche s’est engagé à suivre en vie réelle l’ensemble des femmes traitées avec son Herceptin. Cet anticancéreux indiqué dans certains cancers du sein a coûté en 2012 près de 270 millions à l’Assurance-maladie. Le laboratoire espère, dans un premier temps, recueillir les données sur l’utilisation actuelle (en phase pilote) de l’Herceptin (indication, dosage, durée) et, dans un second temps, sur son efficacité. A terme, il espère trouver une formule pour lier le prix de l’Herceptin à ces résultats.

 » Le principe du prix au milligramme ne fonctionne plus « , estime Corinne Le Goff, présidente de la filiale française de Roche.  » Nos médicaments ont un impact différent selon les cancers et les patients auxquels ils sont prescrits. Le prix doit refléter ces différences de performances « , précise-t-elle, en citant l’exemple de son Avastin, l’anticancéreux le plus vendu en France. Efficace dans le cancer colorectal, il l’est un peu moins dans le cancer du poumon et présente un intérêt mineur dans le cancer du sein. Pourtant, son prix est le même, un peu moins de 1 000 euros la dose !

Ces outils sophistiqués aident aussi les médecins.  » Nous sommes très désireux d’avoir des bases de données fiables, exhaustives et prospectives afin d’affiner la prise en charge des patientes « , souligne le docteur Luis Teixeira, qui exerce au Centre des maladies du sein de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, où 1 000 femmes sont traitées chaque année. Depuis quelques années, les praticiens utilisent des logiciels pour mieux suivre les malades, mais il n’existe pas encore de registre national recensant tous les patients comme cela existe, par exemple, en Italie.
 » Critère simple « 

Pour les médicaments plus courants, d’autres options, moins complexes et moins coûteuses, existent. Le belge UCB, qui a accepté de prendre en charge le coût de son Cimzia pour les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde dont l’état ne s’améliorerait pas au bout de trois mois, se fie aux bases de données de l’Assurance-maladie, qui recensent les interruptions de traitement.  » Nous avons choisi ce critère simple, car un suivi en vie réelle aurait été trop contraignant pour les médecins, voire dissuasif, alors qu’il existe d’autres options thérapeutiques « , explique Jean-Michel Joubert, directeur des affaires gouvernementales chez UCB.

En 2013 et 2014, le laboratoire a ainsi remboursé à l’Assurance-maladies les sommes déboursées pour le traitement des patients qui n’ont, in fine, pas répondu au Cimzia. Ce montant est confidentiel,  » mais il est non négligeable « , selon M. Joubert. En contrepartie, UCB a pu négocier pour son médicament un prix à peine moins élevé que celui obtenu par ses concurrents – 9 900 euros par an – alors qu’il ne s’est pas montré plus efficace et qu’il est arrivé plus tard sur le marché.

La France n’est pas la seule à s’être convertie à ce principe. En Allemagne, Novartis a conclu un accord similaire avec les autorités pour son Aclasta, un traitement contre l’ostéoporose : en cas de fracture chez un patient, le laboratoire rembourse le médicament. Et au Royaume-Uni, Johnson & Johnson a accepté un deal comparable pour son anticancéreux Velcade.

Quand il est trop compliqué d’obtenir un résultat patient par patient, la performance peut être évaluée grâce aux  » notes  » attribuées par la Haute Autorité de santé (HAS) et, en particulier, celle qui reflète l’apport du médicament par rapport aux thérapies existantes : l’amélioration du service médical rendu (ASMR). Elle s’échelonne de I (progrès majeur) à V (absence de progrès thérapeutique) et conditionne en partie le prix du médicament. En 2013, 90 % des médicaments examinés par la HAS ont obtenu un V et seulement 5 % une ASMR de I, II ou I.

Les laboratoires qui contestent leur note peuvent s’appuyer sur des études en vie réelle pour renégocier avec les autorités. L’un des premiers contrats de ce type a été signé par le CEPS en 2005 avec Johnson & Johnson. La HAS avait accordé un IV à son Risperdal, un traitement contre la schizophrénie.  » Nous lui avons accordé le bénéfice du doute et l’avons mis au défi d’obtenir une ASMR III dans un délai de trois ans, faute de quoi le prix du Risperdal serait baissé et la différence remboursée à l’Assurance-maladie « , indique Dominique Giorgi. Johnson & Johnson n’a pas réussi à convaincre la HAS de réviser son jugement malgré des études complémentaires et a dû rétrocéder environ un tiers de son chiffre d’affaires à l’Assurance-maladie.

Tous ces mécanismes reviennent, in fine, à abaisser le coût moyen du médicament. Alors pourquoi ne pas tout simplement négocier avec le CEPS une remise sur le prix initial ?  » Le principe du “satisfait ou remboursé” est moins arbitraire : nous sommes payés pour la valeur que nous apportons, estime M. Joubert. Nous espérons aussi que les médecins seront sensibles à cette démarche lorsqu’ils auront le choix entre plusieurs médicaments.  » Autre avantage : en continuant à afficher un prix  » catalogue  » élevé en France, les laboratoires sont en meilleure position pour négocier avec les autorités dans les pays voisins.

 » Tous les laboratoires ne sont pas favorables au “satisfait ou remboursé” « , reconnaît M. Giorgi, citant l’exemple d’une biotech s’apprêtant à lancer un médicament destiné à traiter une maladie respiratoire rare.  » En échange du prix élevé qu’elle demandait, nous souhaitions qu’elle s’engage sur le maintien d’une certaine capacité respiratoire chez les patients traités, raconte-t-il. Elle a refusé en avançant que ce critère était trop aléatoire. Nous sommes donc revenus à une négociation plus classique. « 

Pour réduire la facture de l’Assurance-maladie, le CEPS négocie depuis longtemps des ristournes, principalement liées au volume de prescription. Le comité peut aussi décider de plafonner le chiffre d’affaires d’un laboratoire et le contraindre à rembourser tout ce qu’il a gagné au-delà d’un certain seuil. Ces dispositifs ont été appliqués dès 2014 au Sovaldi et aux autres traitements de l’hépatite C en complément de l’application du principe  » satisfait ou remboursé « . Résultat : la facture pour l’Etat est passée de 1,2 milliard à 650 millions d’euros. Il ne reste plus que quelques jours au laboratoire Gilead pour remettre son chèque à l’Assurance-maladie.

Chloé Hecketsweiler


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